AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mlle Nathia X..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 27 février 1996 par la cour d'appel de Paris (1re chambre, section A), au profit de la Société assurance moderne des agriculteurs (SAMDA), société anonyme, dont le siège est 126, Piazza Mont d'Est, 93000 Noisy-le-Grand, aux droits de laquelle vient la caisse régionale des Assurances mutuelles agricoles Picardie, défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 24 juin 1998, où étaient présents : M. Zakine, président, M. Chevreau, conseiller rapporteur, MM. Guerder, Pierre, Dorly, Mme Solange Gautier, M. de Givry, conseillers, Mme Kermina, conseiller référendaire, M. Tatu, avocat général, Mlle Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Chevreau, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mlle X..., de la SCP Vincent et Ohl, avocat de la SAMDA, les conclusions de M. Tatu, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu selon l'arrêt attaqué, statuant sur renvoi après cassation, que la Compagnie d'assurances SAMDA ayant indemnisé M. Z... des conséquences de l'incendie de son immeuble auquel Mlle X... avait mis le feu, s'est retournée contre celle-ci pour obtenir le remboursement des indemnités versées à son assuré ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles 1134 et 1315 du Code civil, ensemble l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que pour fixer le préjudice immobilier de M. Z..., l'arrêt retient que rien n'établit que les travaux qui ont servi de base aux experts de Y... et de M. Z... aient excédé la remise en état de l'immeuble sinistré, qu'il y a lieu de retenir l'évaluation arrêtée contradictoirement entre eux et non remise en question par l'expert judiciaire ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à la SAMDA d'établir que les travaux correspondaient à la remise en état d'origine de l'immeuble, que l'évaluation retenue avait été arrêtée entre les experts sans que Mlle A... ait été appelée et que l'expert commis judiciairement constatait seulement que, tant la SAMDA, que M. Z..., s'étaient abstenus de lui fournir les éléments nécessaires à l'accomplissement de sa mission, la cour d'appel a dénaturé ce document, inversé la charge de la preuve et violé le principe du contradictoire ;
Sur le deuxième moyen :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour fixer le préjudice mobilier de M. Z..., l'arrêt, après avoir énoncé que la liste de ses meubles et de ses livres, prétendument détruits, qui a servi de base à l'indemnisation de M. Z... par la SAMDA, n'aurait de valeur probante que si elle était étayée par d'autres documents mais qu'aucune des attestations produites n'est conforme aux exigences du nouveau Code de procédure civile et que nombre des factures ou bons de commande produits ont été délivrés "pro forma" et postérieurement au sinistre, retient qu'eu égard aux éléments de preuve pouvant être retenus, à la valeur très moyenne des meubles et ouvrages épargnés par l'incendie et aux conclusions des experts judiciaires ayant estimé que M. Z... a été largement dédommagé, le préjudice mobilier de celui-ci peut être évalué à la somme de 100 000 francs ;
Qu'en se bornant à ces seuls motifs, sans préciser sur quels éléments de preuve elle se fondait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;
Sur le troisième moyen :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que pour fixer le préjudice découlant pour M. Z... de la privation de jouissance de l'immeuble, l'arrêt énonce qu'en octobre et décembre 1985 il a reçu des factures à une autre adresse et qu'il a subi un préjudice du fait de la privation de sa maison jusqu'au mois de septembre 1986 ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs inopérants, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 février 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;
Condamne la SAMDA aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la SAMDA ;
Dit que sur les diligences du Procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.