AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Alain X..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 29 novembre 1995 par la cour d'appel de Paris (22e chambre, section A), au profit de M. Jean-Pierre Y..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 12 mai 1998, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Carmet, conseiller rapporteur, MM. Waquet, Boubli, Le Roux-Cocheril, Ransac, Bouret, conseillers, Mme Pams-Tatu, M. Frouin, Mmes Girard-Thuilier, Barberot, Lebée, Andrich, conseillers référendaires, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Carmet, conseiller, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat de M. X..., les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 122-4 du Code du travail ;
Attendu que M. X... était au service de M. Y... sous l'enseigne "Editions sciences et techniques" en qualité de responsable commercial à l'exportation depuis le mois d'octobre 1984;
que, reprochant à son employeur d'avoir supprimé ses tournées en Afrique et de le maintenir dans ses bureaux de Paris, le salarié lui a fait connaître, par lettre du 23 juillet 1986, qu'il se trouvait contraint de faire constater la rupture abusive de son contrat;
que celui-ci, par lettre du 5 septembre 1986, lui a fait connaître qu'il le considérait comme démissionnaire ;
Attendu que l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation, a débouté le salarié de ses demandes d'indemnités de rupture et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au motif que le salarié, qui ne pouvait se prévaloir d'un motif de rupture qui n'aurait pas été énoncé dans la lettre de rupture, n'établissait pas par ailleurs la réalité de la modification substantielle du contrat de travail ;
Attendu, cependant, que la lettre par laquelle le salarié impute la rupture du contrat de travail à son employeur ne fixe pas les limites du litige;
que le juge est tenu d'examiner les manquements de l'employeur invoqués devant lui par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés dans cette lettre ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors, d'une part, qu'elle s'est refusée à examiner le grief du salarié concernant le non-paiement de commissions, alors, d'autre part, que la lettre du 23 juillet 1986, par laquelle le salarié entendait imputer la rupture du contrat à son employeur ne caractérise pas de sa part une volonté claire et non équivoque de démissionner, et alors, enfin, que la lettre de l'employeur datée du 5 septembre 1986 prenant acte d'une démission résultant de l'absence du salarié s'analysait en un licenciement dont elle devait apprécier le motif, la cour d'appel a violé le texte ci-dessus visé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 novembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;
Condamne M. Y... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.