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24/06/1998 | FRANCE | N°96-11905

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 24 juin 1998, 96-11905


Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 9 janvier 1996) et les productions, que M. Y... ayant, au cours d'une manifestation publique, déclaré que " X... est le fils spirituel d'Hitler ", M. X... l'a fait assigner en réparation du préjudice que cette injure lui avait occasionné ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir retenu que les propos incriminés étaient diffamatoires envers le plaignant, et d'avoir déclaré les demandes de M. X... irrecevables, alors que, d'une part, selon l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881,

l'injure est une expression qui ne renferme l'imputation d'aucun fait dét...

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nancy, 9 janvier 1996) et les productions, que M. Y... ayant, au cours d'une manifestation publique, déclaré que " X... est le fils spirituel d'Hitler ", M. X... l'a fait assigner en réparation du préjudice que cette injure lui avait occasionné ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir retenu que les propos incriminés étaient diffamatoires envers le plaignant, et d'avoir déclaré les demandes de M. X... irrecevables, alors que, d'une part, selon l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, l'injure est une expression qui ne renferme l'imputation d'aucun fait déterminé pouvant être prouvé, qu'haranguer la foule en hurlant " X... est le fils spirituel d'Hitler " ne peut constituer une diatribe contenant à l'égard de M. X... l'imputation de faits précis démontrables, que dès lors, une telle invective ne pouvait être qualifiée que d'injure, qu'en retenant néanmoins, au bénéfice de considérations inopérantes que la conjonction des trois termes " fils ", " spirituel ", et " Hitler " faisait référence à une idéologie ayant eu des conséquences dramatiques et qu'ainsi le reproche fait à M. X... d'adhérer à cette idéologie traduit par la formule " fils spirituel d'Hitler " comportait l'allégation ou l'imputation de faits portant atteinte à l'honneur et était constitutif de diffamation, la cour d'appel a violé l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 par fausse application ; que, d'autre part, le caractère légal des propos litigieux s'apprécie non d'après le mobile qui les a dictés ou d'après le sens éventuel qu'on pourrait leur donner, mais selon la nature du fait sur lequel ils portent et sur leur véritable sens ; que l'invective " X... est le fils spirituel d'Hitler " ne pouvait être appréciée en fonction des mobiles qui avaient poussé M. Y... à la prononcer, ni faire l'objet d'une interprétation subjective, le sens de la phrase étant particulièrement clair, qu'en considérant que cette phrase faisait référence à une idéologie structurée en application de laquelle est résulté le " national-socialisme " qui a engendré des conséquences dramatiques, lesquelles sont toujours présentes dans la mémoire collective et dans celle de ceux qui ont eu à en souffrir, et qu'il s'agissait d'un reproche fait à M. X... d'adhérer à cette idéologie comportant l'allégation d'un fait susceptible d'être rapporté, la cour d'appel, en se fondant sur les mobiles de M. Y... et au bénéfice d'une interprétation purement subjective, a violé l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'enfin, en ne recherchant pas, comme elle y était cependant invitée par les conclusions de M. X... de ce chef délaissées, si la circonstance que M. Y... ait appartenu à un comité " Anti X... " et qu'il ait hurlé la phrase litigieuse du toit d'une camionnette n'était pas susceptible de démontrer que les propos ainsi proférés constituaient une insulte injurieuse dépourvue de toute construction intellectuelle comportant l'imputation d'un fait démontrable, la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions de M. X... et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que l'arrêt énonce que la conjonction des trois termes de l'expression " fils spirituel d'Hitler " fait explicitement référence à une idéologie structurée, méthodique, ayant engendré le national-socialisme, que la filiation spirituelle qui est prêtée à M. X... l'érige en disciple et héritier du concepteur de la pensée nationale socialiste, que cette idéologie, reprochée à M. X... comme étant celle qu'il professerait, est porteuse pour l'avenir d'un grave risque de réitération de crime contre l'humanité, qu'ainsi le reproche fait à M. X... d'adhérer à cette idéologie, traduit par la formule " fils spirituel d'Hitler ", comporte l'allégation ou l'imputation de faits portant atteinte à l'honneur ou à la considération, et que les propos de M. Y... sont diffamatoires ;

Attendu que, par ces seuls motifs, qui caractérisent la diffamation publique, la cour d'appel, qui n'avait pas à suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a décidé, à bon droit, que les demandes de M. X... ne devaient pas être accueillies ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 96-11905
Date de la décision : 24/06/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

DIFFAMATION ET INJURES - Diffamation - Définition - Allégation portant atteinte à l'honneur et à la considération de la personne visée - Reproche fait à une personne d'adhérer à une idéologie .

Constitue une diffamation publique, et non une injure, le reproche d'adhérer à une idéologie, exprimé par la formule " fils spirituel d'Hitler " comportant l'allégation ou l'imputation de faits portant atteinte à son honneur ou à sa considération.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 09 janvier 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 24 jui. 1998, pourvoi n°96-11905, Bull. civ. 1998 II N° 212 p. 124
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1998 II N° 212 p. 124

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Zakine .
Avocat général : Avocat général : M. Kessous.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Guerder.
Avocat(s) : Avocats : M. Pradon, Mme Roué-Villeneuve.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.11905
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