AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Nathalie Z..., demeurant ... de Saint-Omer, 97232 Le Lamentin, en cassation d'un arrêt rendu le 8 mars 1996 par la cour d'appel de Fort-de-France (1re chambre), au profit de Mme Eliane X..., épouse Y..., demeurant ..., défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 20 mai 1998, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Dupertuys, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, conseiller doyen, M. Launay, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Dupertuys, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme Z..., de Me Thouin-Palat, avocat de Mme Y..., les conclusions de M. Launay, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Fort-de-France, 8 mars 1996) que, par contrat du 10 avril 1992, Mme Z... a donné à bail un appartement à Mme Y...;
que celle-ci a quitté les lieux le 9 janvier 1993 ;
que la propriétaire a assigné cette dernière en paiement de sommes au titre de l'indemnité contractuelle de préavis, de la taxe d'ordure ménagère et du droit de bail ;
Attendu que, pour débouter Mme Z... de sa demande en versement de l'indemnité contractuelle de préavis, l'arrêt retient que le contrat de bail liant les parties est manifestement illicite notamment en ce qu'il stipule un renouvellement tacite trimestriel ;
Qu'en relevant d'office ce moyen, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche :
Vu l'article 1315 du Code civil ;
Attendu que, pour débouter Mme Z... de sa demande en versement de l'indemnité contractuelle de préavis, l'arrêt retient qu'aucune preuve n'est rapportée de ce que la locataire ait envisagé un départ sans aviser la bailleresse ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à Mme Y... d'établir qu'elle avait été libérée de son obligation contractuelle de délivrer congé, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé ;
Sur le second moyen :
Vu l'article 1382 du Code civil ;
Attendu que, pour condamner Mme Z... à verser à Mme Y... des dommages-intérêts, l'arrêt retient qu'aucune indemnité de préavis n'est due, que les demandes en paiement de sommes de 119,70 francs et 140 francs ont acquis "le fait de la chose jugée" par décision définitive du 9 novembre 1993 et que, dès lors, l'action en justice de Mme Z... a un caractère abusif ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs qui ne caractérisent pas une faute faisant dégénérer en abus le droit d'agir en justice, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 mars 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Fort-de-France;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Fort-de-France, autrement composée ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.