AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par les Assurances du Griffon, compagnie d'assurancs sur la vie des Caisses de Crédit municipal, société anonyme, dont le siège est ci-devant ..., et actuellement ..., en cassation d'un arrêt rendu le 15 novembre 1995 par la cour d'appel de Bourges (1re chambre), au profit :
1°/ de Mme France Y..., veuve X..., demeurant ...,
2°/ de Mlle Isabelle X..., demeurant ...,
3°/ de Mlle Florence X..., demeurant ...,
4°/ du Crédit municipal de Dijon, dont le siège est ..., défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 19 mai 1998, où étaient présents : M. Fouret, conseiller doyen, faisant fonctions de président et rapporteur, Mme Delaroche, M. Sargos, Mme Marc, MM. Cottin, Bouscharain, conseillers, Mme Verdun, Mme Catry, conseillers référendaires, M. Roehrich, avocat général, Mme Aydalot, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Fouret, conseiller, les observations de SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat de la compagnie Les Assurances du Griffon, de SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat des consorts X..., les conclusions de M. Roehrich, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1134 du Code civil ;
Attendu que Michel X..., qui, le 19 juin 1991, avait, pour contracter un emprunt, souscrit une assurance décès auprès de la compagnie d'assurances sur la vie les Caisses de Crédit municipal "Assurances du Griffon", s'est donné la mort le 19 mars 1992;
que l'assureur a refusé de prendre en charge le remboursement de l'emprunt au motif que le suicide était intervenu au cours des deux premières années du contrat ;
Attendu que, pour condamner la compagnie à garantie, l'arrêt attaqué énonce que la clause d'exclusion qu'elle invoque ne peut être "appréciée" qu'en se référant aux dispositions de l'article L. 132-7 du Code des assurances, selon lesquelles l'assurance en cas de décès n'est de nul effet que si l'assuré, au cours des deux premières années du contrat, se donne volontairement et consciemment la mort ;
Attendu, cependant, que le contrat d'assurance souscrit par Michel X... stipule que "le risque de suicide est couvert si l'assuré a été garanti au moins les deux années précédant le décès";
qu'en se déterminant comme elle a fait, alors que cette clause, qui n'est pas contraire aux dispositions d'ordre public de l'article précité, ne comporte aucune distinction entre suicide volontaire ou conscient et suicide involontaire ou inconscient, la cour d'appel en a dénaturé les termes clairs et précis et a ainsi violé l'article susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 novembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges, autrement composée ;
Condamne les consorts X... et le Crédit municipal de Dijon aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de Mme Isabelle X... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.