AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Christophe Y..., demeurant ..., en cassation d'un jugement rendu le 24 juin 1997 par le conseil de prud'hommes d'Evry (section commerce), au profit :
1°/ de M. X..., mandataire liquidateur de la société à responsabilité limitée HMD International, demeurant ...,
2°/ de l'AGS CGEA de Bordeaux, dont le siège est Les bureaux du Lac, ..., défenderesses à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 6 mai 1998, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Soury, conseiller référendaire rapporteur, M. Brissier, Mme Lemoine-Jeanjean, conseillers, Mmes Bourgeot, Duval-Arnould, conseillers référendaires, M. Joinet, Premier avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Soury, conseiller référendaire, les conclusions de M. Joinet, Premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. Y... a été engagé en qualité d'employé polyvalent à temps partiel par la société HMD International le 15 novembre 1995;
que le 15 février 1996, son employeur lui a notifié la rupture de son contrat de travail en période d'essai;
que soutenant que la période d'essai était expirée à la date de cette mesure, il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir paiement de rappels d'heures supplémentaires, de congés payés, de remboursement de frais ainsi que diverses indemnités pour rupture abusive, non respect de la procédure de licenciement et préavis ;
Sur le premier moyen :
Attendu que M. Y... fait grief au jugement attaqué de l'avoir débouté de sa demande en remboursement de frais de déplacement et de téléphone alors, selon le moyen, qu'il avait versé aux débats de nombreuses lettres de réclamation, outre de nombreuses factures;
que le conseil de prud'hommes a dénaturé ces documents et privé sa décision de base légale ;
Mais attendu que sous couvert des griefs non fondés de dénaturation et de défaut de base légale, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve par le conseil de prud'hommes qui a estimé que M. Y... ne rapportait pas la preuve de sa créance;
que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le deuxième moyen :
Vu les articles L. 122-14-4 et L. 122-14-5 du Code du travail ;
Attendu que, pour débouter M. Y... de sa demande de dommages-et-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement, le jugement, qui retient que la rupture du contrat de travail n'est pas intervenue durant la période d'essai, énonce que le salarié ne rapporte la preuve d'aucun préjudice du fait que la procédure de licenciement n'a pas été respectée ;
Qu'en statuant ainsi, alors que l'inobservation de la procédure de licenciement entraîne nécessairement un préjudice qu'il appartient aux juges du fond de réparer, le conseil de prud'hommes a violé les textes susvisés ;
Et sur le troisième moyen :
Vu les articles L. 122-14-4 et L. 122-14-5 du Code du travail ;
Attendu que pour réduire de 6 000 à 3 000 francs la demande formée par M. Y..., employé par la société HMD International depuis moins de 2 ans, en paiement de dommages-et-intérêts pour rupture abusive de son contrat de travail, le jugement énonce qu'il convient de ramener ce chef de demande à de plus justes proportions ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il avait fait ressortir que l'obligation d'avertir le salarié qu'il avait la faculté de se faire assister d'un conseiller de son choix n'avait pas été respectée par l'employeur, le conseil de prud'hommes, qui a refusé d'appliquer à un licenciement dont il a reconnu qu'il avait été prononcé sans cause réelle et sérieuse les sanctions prévues dans ce cas par l'article L. 122-14-4 du Code du travail, a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions déboutant M. Y... de sa demande en paiement de dommages-et-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement et limitant à 3 000 francs ses dommages-et-intérêts pour rupture abusive, le jugement rendu le 24 juin 1997, entre les parties, par le conseil de prud'hommes d'Evry;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le conseil de prud'hommes d'Etampes ;
Laisse à chaque partie la charge respective de ses propres dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.