AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Laboratoires Expanscience, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 17 octobre 1995 par la cour d'appel de Versailles (5e chambre sociale, section A), au profit de Mme Esther X..., demeurant ..., défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 6 mai 1998, où étaient présents : M. Desjardins, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Boinot, conseiller référendaire rapporteur, MM. Brissier, Finance, conseillers, M. Soury, conseiller référendaire, M. Joinet, premier avocat général, Mlle Lambert, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Boinot, conseiller référendaire, les observations de Me Brouchot, avocat de la société Laboratoires Expanscience, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de Mme X..., les conclusions de M. Joinet, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 octobre 1995), que Mme X... a été engagée le 1er janvier 1990 en qualité de chef de produits junior par la société Laboratoires Expanscience;
que, le 29 décembre 1992, elle a été licenciée et a signé une convention de conversion;
qu'elle a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement de diverses indemnités ;
Attendu que la société Expanscience fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à verser à Mme X... une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que, d'une part, en cas d'acceptation d'une convention de conversion, le contrat de travail est rompu du fait du commun accord des parties;
qu'ainsi, les dispositions de l'article L. 122-14-2 du Code du travail ne sont pas applicables;
qu'en décidant, cependant, que faute par la société Expanscience d'avoir satisfait aux exigences formelles de motivation de l'article L. 122-14-2, le licenciement se trouvait dénué de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé ce texte ainsi que les articles L. 321-6 et L. 511-1 du Code du travail ;
et alors que, d'autre part, la convention de conversion qui entraîne la rupture du contrat de travail d'un commun accord des parties implique l'existence d'un motif économique de licenciement qu'il appartient aux juges de rechercher en cas de contestation;
qu'en se bornant à un examen formel de la lettre de licenciement adressée à Mme X... et du plan d'adaptation communiqué à la salariée lors de l'entretien préalable sans rechercher la réalité d'un motif économique de licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 321-6 et L. 511-1 du Code du travail ;
Mais attendu que le salarié qui a signé une convention de conversion est en droit de contester l'existence d'une cause réelle et sérieuse de rupture de son contrat de travail pour motif économique;
que la cour d'appel, qui a relevé que la lettre de licenciement reçue par Mme X... avant de signer la convention de conversion n'était pas motivée, a légalement justifié sa décision;
que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Laboratoires Expanscience aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Laboratoires Expanscience à payer à Mme X... la somme de 12 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.