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17/06/1998 | FRANCE | N°96-20125

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 17 juin 1998, 96-20125


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Bouygues, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 4 juillet 1996 par la cour d'appel de Paris (19e chambre, section B), au profit :

1°/ de la société Frankobail, société anonyme, dont le siège est ...,

2°/ de la société Cogedim Paris et compagnie, société en nom collectif, dont le siège était précédemment ... et actuellement est 1, square Captal, 92300 Levallois-Perret,

3°/ de M. Y...,

4°/ de M. X..., demeurant tous deux ...,

5°/ de la Mutuelle des architectes frança...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Bouygues, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 4 juillet 1996 par la cour d'appel de Paris (19e chambre, section B), au profit :

1°/ de la société Frankobail, société anonyme, dont le siège est ...,

2°/ de la société Cogedim Paris et compagnie, société en nom collectif, dont le siège était précédemment ... et actuellement est 1, square Captal, 92300 Levallois-Perret,

3°/ de M. Y...,

4°/ de M. X..., demeurant tous deux ...,

5°/ de la Mutuelle des architectes français (MAF), société d'assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est ...,

6°/ de la société SGTE, bureau d'études techniques, société anonyme, dont le siège est ...,

7°/ de la compagnie d'assurances AGF, dont le siège est ..., défendeurs à la cassation ;

La société Frankobail a formé, par un mémoire déposé au greffe le 20 mai 1997, un pourvoi incident contre le même arrêt ;

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 12 mai 1998, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Villien, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Chemin, Fromont, Cachelot, Martin, conseillers, M. Nivôse, Mmes Masson-Daum, Boulanger, conseillers référendaires, M. Baechlin, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Villien, conseiller, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de la société Bouygues, de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société Cogedim Paris et compagnie, de la SCP Nicolay et de Lanouvelle, avocat de la société Frankobail, de Me Odent, avocat de la société SGTE, de la SCP Philippe et François-Régis Boulloche, avocat de M. Y..., de M. X... et de la MAF, de Me Vuitton, avocat de la compagnie d'assurances AGF, les conclusions de M. Baechlin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 4 juillet 1996), qu'en 1985 la société Frankobail a fait réaliser, sous la maîtrise d'ouvrage déléguée de la société Cogedim Paris, la réhabilitation d'un immeuble de bureaux et de commerces;

qu'elle a souscrit des polices d'assurances auprès de la compagnie Assurances générales de France (AGF);

que la maîtrise d'oeuvre de conception a été attribuée à MM. Y... et X..., architectes, assurés par la Mutuelle des architectes français (MAF), et la maîtrise d'oeuvre d'exécution à la société SGTE;

que la société Bouygues a été chargée du gros-oeuvre et de la fonction de mandataire commun du groupement d'entreprises;

que des désordres d'infiltration d'eau dans les sous-sols ayant été constatés, la société Frankobail a sollicité la réparation de son préjudice ;

Attendu que la société Bouygues fait grief à l'arrêt de la condamner à payer des sommes à la société Frankobail, alors, selon le moyen, "1°/ que les constructeurs ne sont responsables de plein droit au titre de la garantie décennale que des seuls désordres affectant les ouvrages qu'ils ont édifiés mais non de ceux atteignant des ouvrages péexistants sur lesquels il ne leur a pas été demandé d'intervenir;

qu'ayant relevé, par motifs expressément adoptés, que "... les dommages n'étaient pas la conséquence directe de l'exécution des travaux neufs mais résultaient des propres défauts des murs existants conservés en l'état...", le juge aurait dû en déduire que, bien que chargée du lot gros oeuvre, la société Bouygues ne pouvait être présumée responsable sur un tel fondement des malfaçons entachant les murs péexistants;

qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses propres constatations, la cour d'appel a violé l'article 1792 du Code civil (loi du 4 janvier 1978);

2°/ que la contradiction des motifs équivaut à leur absence;

qu'en admettant, d'un côté, que "... les dommages n'étaient pas la conséquence directe de l'exécution des travaux neufs mais résultaient des propres défauts des murs existants conservés en l'état..." et en déclarant, de l'autre, que la société Bouygues ne pouvait sérieusement soutenir que les désordres étaient limités à des parties d'ouvrage non réalisées par elle puisqu'elle reconnaissait qu'elle était chargée du lot gros-oeuvre, retenant ainsi tout à la fois que les dommages résultaient des propres défauts des murs existants conservés en l'état et qu'ils concernaient des parties d'ouvrage exécutées par la société Bouygues, la cour d'appel s'est contredite en méconnaissance des exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

3°/ que, enfin, la stipulation du marché tous corps d'état faisant état du changement de destination des locaux du sous-sol n'impliquait nullement que la société Bouygues, qui n'avait pas la qualité d'entreprise générale mais était simplement chargée du lot gros-oeuvre, eût eu l'obligation d'envisager l'exécution de travaux d'étanchéité sur des ouvrages préexistants qui devaient être conservés et sur lesquels il ne lui avait pas été demandé d'intervenir, ni de veiller à la bonne exécution par les maîtres d'oeuvre chargés des opérations de rénovation, en vérifiant qu'ils auraient bien prévu toutes les prestations nécessaires, y compris celles concernant des parties d'ouvrage qui devaient être conservées et dont la réalisation éventuelle aurait dû être confiée à une autre entreprise (celle ayant reçu le lot étanchéité);

qu'en imputant la faute à la société Bouygues de n'avoir formulé aucune observation quant à la présence d'humidité sur les murs préexistants par cela seul que le marché tous corps d'état mentionnait le changement de destination des locaux du sous-sol, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil" ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs propres et adoptés, que les dommages provenaient d'un défaut d'étanchéité des murs préexistants, qui avaient été intégrés dans la construction nouvelle, que l'état de ces anciens ouvrages n'était pas de nature à constituer une cause étrangère exonérant les constructeurs dans la mesure où l'immeuble devait faire l'objet d'une réhabilitation totale, qu'un état des lieux approfondi aurait dû permettre de constater la présence d'humidité, et qu'il n'était pas contesté que la société Bouygues, qui devait vérifier que toutes les prestations nécessaires à la réalisation de l'ouvrage étaient prévues, et appeler l'attention de la maîtrise d'oeuvre sur l'absence d'étanchéité de murs assurant le clos et le couvert, n'avait formulé aucune observation sur la présence de cette humidité, ni avant le commencement des opérations, ni au cours du chantier, alors que les locaux du sous-sol devaient être transformés en réserves, la cour d'appel, qui a constaté que la société Bouygues était chargée du lot gros-oeuvre, démolition, maçonnerie, charpenterie et charpente métallique, en a exactement déduit, sans se contredire, que cet entrepreneur engageait sa responsabilité sur le fondement des articles 1792 et suivants du Code civil ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa seconde branche :

Attendu que la société Frankobail fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande d'indemnisation pour perte de loyers concernant la réserve n° 2, alors, selon le moyen "que, pour la réserve n° 2, la société Frankobail avait encore fait valoir, dans les mêmes conclusions, que du fait de la libération de ce local par la société Biogalénique qui prenait en échange la réserve n° 8, compte tenu des infiltrations, elle se trouvait en possession d'un local vacant qu'elle ne pouvait relouer du fait des infiltrations depuis le quatrième trimestre 1991;

qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile" ;

Mais attendu qu'ayant relevé, par motifs adoptés, qu'aux termes d'un avenant de 1989 au bail de 1988 consenti par la société Frankobail à la société Biogalénique, le preneur connaissait les infiltrations et renonçait à tous recours contre le bailleur de ce chef, la cour d'appel, qui a constaté qu'en 1991 la société Frankobail avait consenti la libération, par le preneur, de la réserve n° 2 en échange d'une autre réserve de même surface, a pu en déduire, répondant aux conclusions, que la société bailleresse n'établissait pas l'existence d'une perte de loyers afférente à la réserve n° 2 à compter de 1991 ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi incident, pris en sa première branche :

Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que pour rejeter la demande d'indemnisation formulée par la société Frankobail pour perte de loyers consécutive aux désordres d'infiltration constatés dans la réserve n° 5, l'arrêt retient, par motifs adoptés, que la société Frankobail ne produit à l'appui de ses prétentions qu'un bail non signé ;

Qu'en statuant par ce seul motif, sans répondre aux conclusions de la société Frankobail faisant état de ce qu'une société Facto avait occupé la réserve d'août 1989 à juin 1990, avait refusé de payer des indemnités d'occupation, et avait adressé un courrier dans lequel elle liait son refus de signature du bail au caractère inutilisable du local, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation formulée par la société Frankobail pour perte de loyers consécutive aux désordres d'infiltration constatés dans la réserve n° 5, l'arrêt rendu le 4 juillet 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Paris;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles ;

Condamne la société Bouygues aux dépens des pourvois ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Bouygues à payer à la société Cogedim la somme de 9 000 francs, à la société Frankobail la somme de 9 000 francs, à MM. Y... et X... et à la MAF, ensemble, la somme de 9 000 francs, aux Assurances générales de France la somme de 9 000 francs et à la société SGTE la somme de 9 000 francs ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société Bouygues ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 96-20125
Date de la décision : 17/06/1998
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

(Sur le pourvoi principal) ARCHITECTE ENTREPRENEUR - Responsabilité - Responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage - Travaux de réhabilitation d'un immeuble - Entreprise chargée du gros oeuvre - Omission de signaler au maître d'oeuvre l'absence d'étanchéité des murs assurant le clos et le couvert.


Références :

Code civil 1792

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (19e chambre, section B), 04 juillet 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 17 jui. 1998, pourvoi n°96-20125


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEAUVOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.20125
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