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17/06/1998 | FRANCE | N°96-13048

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 17 juin 1998, 96-13048


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Sur le pourvoi n° R 96-13.048 formé par la société Mac Gregor Navire, société anonyme, dont le siège est ..., 92410 Ville d'Avray, en cassation d'un arrêt rendu le 16 novembre 1995 par la cour d'appel de Metz (chambre civile), au profit :

1°/ de la société Brisard Nogues, dont le siège est 70180 Dampierre-sur-Salon,

2°/ de M. Z..., pris ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Brisard Nogues, en redressement judiciaire, domicilié ..

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3°/ de M. Y..., pris ès qualités de représentant des créanciers de la société Brisard ...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Sur le pourvoi n° R 96-13.048 formé par la société Mac Gregor Navire, société anonyme, dont le siège est ..., 92410 Ville d'Avray, en cassation d'un arrêt rendu le 16 novembre 1995 par la cour d'appel de Metz (chambre civile), au profit :

1°/ de la société Brisard Nogues, dont le siège est 70180 Dampierre-sur-Salon,

2°/ de M. Z..., pris ès qualités d'administrateur judiciaire de la société Brisard Nogues, en redressement judiciaire, domicilié ...,

3°/ de M. Y..., pris ès qualités de représentant des créanciers de la société Brisard Nogues, en redressement judiciaire, domicilié ...,

4°/ de la Société mutuelle d'assurance du bâtiment des travaux publics (SMABTP), dont le siège est ...,

5°/ de la société SCAM Gec Alsthom, dont le siège est ...,

6°/ de la compagnie d'assurances Assurances générales de France, dont le siège est ...,

7°/ de M. X..., pris ès qualités de liquidateur judiciaire de la société anonyme Entreprise Gilbert Balboni et compagnie, dont le siège est zone industrielle n° 2, Valenciennes Aéroport, rue Paul Eluard, 59125 Trigh Saint-Léger,

8°/ de la compagnie d'assurances Le Gan, dont le siège est ...,

9°/ de la société Unicrédit, dont le siège est ...,

10°/ de M. Y..., pris ès qualités de liquidateur de la société Metal Fismes, domicilié ..., défendeurs à la cassation ;

II. - Sur le pourvoi n° N 96-21.440 formé par :

1°/ la société Brisard Nogues,

2°/ M. Z..., ès qualités,

3°/ M. Y..., ès qualités, en cassation d'un même arrêt, au profit

1°/ de la société Mac Gregor navire,

2°/ de la SMABTP,

3°/ de la compagnie Les Assurances générales de France, défenderesses à la cassation ;

Sur le pourvoi n° R 96-13.048 :

La demanderesse invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Sur le pourvoi n° N 96-21.440 :

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur recours, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 12 mai 1998, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Martin, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Chemin, Fromont, Villien, Cachelot, conseillers, M. Nivôse, Mmes Masson-Daum, Boulanger, conseillers référendaires, M. Baechlin, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Martin, conseiller, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société Mac Gregor navire, de Me Luc-Thaler, avocat de la société Brisard Nogues et de MM. Z... et Y..., ès qualités, de Me Odent, avocat de la SMABTP, les conclusions de M. Baechlin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Joint les pourvois n°s R 96-13.048 et N 96-21.440 ;

Donne acte à la société Mac Gregor navire du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société SCAM Gec Alsthom, M. X..., ès qualités de liquidateur de la société Entreprise Gilbert Balboni et compagnie, le GAN et la société Unicrédit ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° R 96-13.048 et le troisième moyen du pourvoi n° N 96-21.440, réunis ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 16 novembre 1995), qu'Electricité de France (EDF) a, en 1981, chargé de la réalisation de deux réfrigérants atmosphériques d'eau concernant les tranches 1 et 2 d'une centrale nucléaire la compagnie Electro-Mécanique, devenue Gec Alsthom, qui a passé commande de la fourniture et du montage du système d'obturation mécanique du réfrigérant numéro 1 à la société Mac Grégor navire (société MGN), assurée par le Groupement des assurances nationales (le GAN);

que la fabrication des charpentes métalliques, le montage d'un ensemble rideaux et des éléments d'une charpente horizontale ont été sous-traités à la société Brisard Nogues, depuis lors en redressement judiciaire, avec MM. Z... et Y... comme administrateur et représentant des créanciers, assurée par la société les Assurances générales de France (les AGF) et que ces travaux ont été exécutés par la filiale de celle-ci, la société Metal Fismes, depuis en liquidation judiciaire, avec M. Y... pour liquidateur, assurée par la Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP) ;

qu'après prise de possession et mise en exploitation de la centrale par EDF, des désordres d'oxydation de la charpente étant apparus, la société MGN a assigné en réparation la SMABTP et les AGF ;

Attendu que les sociétés MGN, Brisard Nogues, ainsi que MM. Z... et Y..., ès qualités, font grief à l'arrêt de rejeter les demandes, alors, selon le moyen, "qu'en se bornant à relever que les désordres étaient apparents le 30 mars 1988 au moins, date de la mise à disposition de l'ouvrage, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la prise de possession de l'ouvrage par EDF et sa mise en exploitation, le ler novembre 1986, ne valait pas réception tacite de l'ouvrage, laquelle engageait la responsabilité décennale des constructeurs pour les dommages non apparents à cette date, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1792, 1792-6 et 2270 du Code civil" ;

Mais attendu qu'ayant relevé que, le 1er novembre 1986, le maître de l'ouvrage avait mis la centrale nucléaire en exploitation sans avoir procédé à la réception des travaux litigieux, qu'il avait lui-même pris connaissance du phénomène d'oxydation affectant de nombreuses pièces de l'ouvrage et apparu avant la fin des travaux, à la société MGN, à laquelle il avait demandé l'établissement d'une fiche de non-conformité le 30 octobre 1987, et en avait tiré les conséquences en émettant des réserves les plus expresses relativement à des désordres s'étant déjà manifestés dans toute leur ampleur et leurs conséquences dans le procès-verbal de mise à disposition de partie de l'ouvrage au 30 mars 1988 avec effet au 1er novembre 1986 et dans le procès-verbal de réception du 16 novembre 1988, la cour d'appel a, sans être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, légalement justifié sa décision de ce chef ;

Sur le second moyen du pourvoi n° R 96-13.048 et le quatrième moyen du pourvoi n° N 96-21.440, réunis :

Attendu que les sociétés MGN, Brisard Nogues, MM. Z... et Y..., ès qualités, font grief à l'arrêt de rejeter les demandes de dommages-intérêts formulées par la société MGN contre la SMABTP et les AGF, alors, selon le moyen, "1°) que la police souscrite auprès de la SMABTP garantissait (article 1-3) "dans les conditions et limites posées par les articles 1792 et suivants du Code civil, le paiement des travaux de réparation de construction à la réalisation de laquelle le sociétaire a contribué lorsque la responsabilité de ce dernier est recherchée en sa qualité de sous-traitant, en vertu de l'obligation contractuelle de droit commun à laquelle il peut être tenu vis-à-vis du locateur d'ouvrage titulaire du marché ou d'un sous-traitant";

qu'en jugeant qu'une telle clause s'appliquait aux dommages de la nature de ceux visés par les articles 1792 et suivants, à la condition qu'ils présentent un caractère caché pour le maître de l'ouvrage au jour de la réception, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de la police et violé l'article 1134 du Code civil ;

2°) qu'en jugeant de même que la police souscrite auprès de la compagnie AGF, qui garantissait "les dommages de la nature de ceux visés aux articles 1792 et 1792-2 du Code civil susceptibles d'engager la responsabilité de l'assuré en qualité de sous-traitant en vertu de l'obligation contractuelle de droit commun", ne pouvait recevoir application en l'espèce dès lors que les désordres, bien qu'étant de la nature de ceux visés à l'article 1792 du Code civil, présentaient un caractère apparent pour le maître de l'ouvrage au jour de la réception, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette police et violé l'article 1134 du Code civil ;

3°) qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par fausse interprétation, les articles 1792 et 1792-2 du Code civil;

4°) qu'en tout état de cause, la police souscrite auprès de la SMABTP, garantissant les conséquences des dommages causés par l'assuré, en sa qualité de sous-traitant, "dans les conditions et limites des articles 1792 et suivants du Code civil", la cour d'appel, qui constatait que les dommages en cause relevaient de la garantie de parfait achèvement de l'article 1792-6 du Code civil, ne pouvait refuser de faire application de cette police (violation de l'article 1134 du Code civil)" ;

Mais attendu qu'ayant relevé que l'article 1-3 du chapitre Il de la police assurance construction SMABTP et les articles 1-11, 1-12 et 1- 13 des conditions générales de la police AGF responsabilité professionnelle des constructeurs garantissaient les conséquences de la responsabilité contractuelle de droit commun à laquelle le sous-traitant pouvait être tenu vis-à-vis du locateur d'ouvrage titulaire du marché ou d'un sous-traitant, le premier article, dans les conditions et limites posées par les articles 1792 et suivants du Code civil, les autres, en cas de dommages de la nature de ceux engageant la responsabilité de l'assuré en qualité de locateur d'ouvrage sur le fondement des articles 1792 et 1792-2 du Code civil, la cour d'appel en a exactement déduit, sans dénaturation, que, dans les deux contrats, la garantie du sous-traitant ne concernait que les désordres de nature décennale, c'est-à-dire cachés, compromettant la solidité de l'ouvrage ou le rendant impropre à sa destination, apparaissant après la réception des travaux et n'ayant fait l'objet d'aucune réserve à cette occasion ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° N 96-21.440 :

Attendu que la société Brisard Nogues, MM. Z... et Y..., ès qualités, font grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande dirigée contre cette société, alors, selon le moyen, "que l'action en reconnaissance de responsabilité "n' ayant d'autre but que la condamnation du responsable à des indemnités ne peut être artificiellement séparée de l'action tendant à cette condamnation;

qu'elle est donc affectée par la suspension des poursuites consécutive au redressement judiciaire du prétendu responsable;

que la cour d'appel a donc violé l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985" ;

Mais attendu qu'ayant constaté que la demande de déclaration de responsabilité dirigée contre la société Brisard Nogues en redressement judiciaire ne tendait pas au paiement d'une somme d'argent et que les mandataires des procédures collectives étaient présents à l'instance, la cour d'appel en a exactement déduit que l'action devait être déclarée recevable dans cette limite ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le deuxième moyen du pourvoi n° N 96-21.440 :

Vu l'article 1134 du Code civil ;

Attendu que, pour déclarer irrecevable l'appel en garantie formé par la société Brisard Nogues contre son assureur, les AGF, l'arrêt retient que cette action a été formée pour la première fois devant la cour d'appel ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la société Brisard Nogues avait saisi de cette demande le Tribunal, qui l'en avait déboutée par application d'une clause de déchéance de la police, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable l'appel en garantie formé par la société Brisard Nogues contre son assureur, les AGF, l'arrêt rendu le 16 novembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Metz;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Colmar ;

Condamne la société Mac Gregor navire aux dépens du pourvoi n° R 96-13.048, les Assurances générales de France aux dépens du pourvoi n° N 96-21.440 ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Mac Gregor navire à payer à la société Brisard Nogues et à MM. Z... et Y..., ès qualités, ensemble, la somme de 5 000 francs ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne les AGF à payer à la SMABTP la somme de 9 000 francs ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 96-13048
Date de la décision : 17/06/1998
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

(Sur le 1er moyen, pourvoi 13-048. ARCHITECTE ENTREPRENEUR - Responsabilité - Action contre les locateurs d'ouvrage - Désordres apparents - Réserves expresses - Prise de possession valant réception tacite (non).


Références :

Code civil 1792, 1792-6 et 2270

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz (chambre civile), 16 novembre 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 17 jui. 1998, pourvoi n°96-13048


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEAUVOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.13048
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