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16/06/1998 | FRANCE | N°96-41223

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 juin 1998, 96-41223


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les pourvois n°s R 96-41.223 et E 97-41.999 formés par la société Comptoir français d'importation et de transformation réunis, (CFITR), société anonyme, exerçant sous l'enseigne "COFRAN", dont le siège est ..., en cassation de deux arrêts rendus les 10 janvier 1996 et 12 mars 1997 par la cour d'appel de Limoges (1re et 2e chambre réunies), au profit de M. Jean-Jacques X..., demeurant ..., defendeur à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 5 mai 1998, où

étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de pré...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur les pourvois n°s R 96-41.223 et E 97-41.999 formés par la société Comptoir français d'importation et de transformation réunis, (CFITR), société anonyme, exerçant sous l'enseigne "COFRAN", dont le siège est ..., en cassation de deux arrêts rendus les 10 janvier 1996 et 12 mars 1997 par la cour d'appel de Limoges (1re et 2e chambre réunies), au profit de M. Jean-Jacques X..., demeurant ..., defendeur à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 5 mai 1998, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président et rapporteur, MM. Brissier, Finance, conseillers, Mme Trassoudaine-Verger, M. Besson, conseillers référendaires, M. Joinet, premier avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Merlin, conseiller, les observations de Me Vuitton, avocat de la société Comptoir français d'importation et de transformation réunis (CFITR), de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. X..., les conclusions de M. Joinet, premier avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu leur connexité joint les pourvois n°s R 96-41.223 et E 97-41.999 ;

Attendu que M. X... a été engagé, le 13 avril 1987, en qualité de VRP, par la société CFITR;

que l'employeur a saisi le conseil de prud'hommes, le 23 septembre 1991, d'une demande en nullité du contrat de travail pour dol en faisant valoir que lors de son engagement, le salarié avait remis une lettre d'embauche et un curriculum vitae écrits de la main de son épouse;

que le salarié s'est aussi adressé à la juridiction prud'homale pour demander la condamnation de l'employeur au paiement d'indemnités de rupture et de diverses sommes en soutenant que son contrat de travail avait été modifié, qu'il avait refusé cette modification et pris acte de la rupture de son contrat par lettre du 30 juillet 1991 ;

Sur le pourvoi n° R 96-41.223 contre l'arrêt du 10 janvier 1996 :

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Limoges, 10 janvier 1996) rendu sur renvoi après cassation, d'avoir rejeté sa demande en nullité du contrat de travail et de l'avoir condamné au paiement de différentes sommes, alors, selon le moyen, d'une part, qu'aux termes de l'article 1116 du Code civil, le dol est cause de nullité lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans elles, l'autre partie n'aurait pas contracté;

qu'il est constant que les manoeuvres du salarié, destinées à tromper l'employeur en vue de se faire employer par lui, ont consisté à dissimuler sa propre écriture en empruntant celle de son épouse pour donner une opinion favorable de lui-même;

qu'en l'absence de ces manoeuvres, le salarié aurait présenté une demande d'embauche et un curriculum-vitae écrits de sa propre écriture, laquelle, soumise à examen graphologique, aurait manifesté à la société des traits psychologiques sensiblement semblables à ceux décrits dans l'expertise du 5 novembre 1991 de cette même écriture;

que dès lors, en se dispensant d'analyser cette pièce de référence déterminante, comme elle y était invitée, qui livrait objectivement les raisons suffisantes qu'aurait eu la société de refuser la candidature du salarié si celle-ci lui avait été loyalement soumise, la cour d'appel a manifestement privé sa décision de base légale au regard de l'article 1116 du Code civil;

alors, d'autre part, que toute cause est antérieure à la production de son effet;

que le dol se caractérisant par des manoeuvres réalisées, comme une cause par rapport à un effet, dans le but d'obtenir la conclusion d'un acte, l'application de l'article 1116 du Code civil requiert, pour apprécier ce qu'auraient été les dispositions de la partie trompée en l'absence de ces manoeuvres, que la validité de son consentement soit appréciée au moment de la formation du contrat, par l'examen des conditions, qui, à ce moment là, l'ont déterminé à conclure ;

qu'en cherchant à apprécier ce qu'aurait été l'intention de l'employeur sans les manoeuvres dolosives du salarié en se référant, a posteriori, à des lettres d'encouragement qui n'ont eu lieu, après la conclusion du contrat, que parce que la tromperie du salarié les avait rendues possibles, la cour d'appel a manifestement violé l'article susvisé ;

Mais attendu que la cour d'appel, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis a constaté que l'examen graphologique n'avait été qu'un élément parmi d'autres de la décision définitive d'embauche prise à l'issue d'un entretien entre le salarié et un représentant de l'employeur et qu'il n'était pas établi que sans les manoeuvres employées par le salarié, l'employeur ne l'aurait pas embauché;

que par ce seul motif, elle a légalement justifié sa décision ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, alors, selon le moyen, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, la légitimité d'un licenciement, quel qu'il soit, repose sur l'existence d'une cause réelle et sérieuse;

que cette cause, pour être telle, ne suppose pas, comme condition nécessaire, la commission d'une faute grave par le salarié, cette qualification intervenant, non sur le bien fondé, mais sur le régime juridique du licenciement;

que la cour d'appel, bien qu'elle ait refusé la qualification de graves aux actes commis par le salarié, ne pouvait conclure que le contrat de travail avait été abusivement rompu par la société CFITR, dès lors qu'elle avait constaté que ces actes étaient "extrêmement injurieux" pour l'employeur et constituaient, par le fait même, une cause de licenciement;

qu'en se prononçant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a manifestement pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article susvisé;

alors, d'autre part, que l'article L. 122-44, alinéa 1, du Code du travail disposant qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, il importe que les juges du fond, pour déterminer les limites de la prescription légale, relèvent avec exactitude chacun des faits fautifs invoqués;

qu'en estimant que les faits fautifs avaient été tardivement invoqués par l'employeur sans avoir constaté l'existence d'un tract diffusé en octobre 1991, dont l'analyse graphologique a permis d'attribuer la paternité au salarié et qui mettait gravement en cause la personne même des dirigeants, la cour d'appel a manifestement entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article susvisé;

alors, en outre, que l'article L. 122-44, alinéa 1, du Code du travail disposant qu'aucun fait fautif ne peut donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, il importe que les juges du fond constatent la date précise à laquelle les faits fautifs ont été portés à la connaissance de l'employeur et qui marque le point de départ du délai de prescription;

qu'en estimant que l'employeur s'était prévalu tardivement des écrits fautifs du salarié sans vérifier à quelle date la lettre du 25 juin 1991, émanant du directeur général, surchargée de propos insultants, et le tract anonyme diffusé à la fin de l'année 1991 avaient été portés à la connaissance des dirigeants de la société, la cour d'appel a manifestement violé l'article susvisé ;

Mais attendu qu'en application de l'article L. 122-44 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales ;

Et attendu que la cour d'appel qui a constaté que l'employeur avait eu connaissance par ses représentants des faits fautifs susceptibles d'être imputés au salarié plus de deux mois avant de s'en prévaloir à l'encontre de ce dernier a légalement justifié sa décision;

que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le pourvoi n° F 97-41.999 à l'encontre de l'arrêt du 12 mars 1997 :

Sur le premier moyen :

Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Limoges, 12 mars 1997) de l'avoir condamné à payer au salarié diverses sommes à titre d'indemnités de rupture, de salaires, de rappels de salaires et congés payés, alors, selon le moyen, qu'en application de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile, la cassation à intervenir de l'arrêt rendu par la même cour d'appel le 10 janvier 1996 entraînera inéluctablement celle de l'arrêt attaqué ;

Mais attendu que le pourvoi de l'employeur contre l'arrêt de la cour d'appel du 10 janvier 1996 étant rejeté par le présent arrêt, le moyen est sans fondement ;

Sur le second moyen :

Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt d'avoir statué comme il l'a fait, alors, selon le moyen, d'une part, qu'il incombe aux juges du fond de motiver leur décision, sans se contenter du seul visa des documents produits, n'ayant fait l'objet d'aucune analyse;

qu'en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait donc adopter les calculs de l'expert sans vérification même sommaire, qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du nouveau Code de procédure civile;

alors, d'autre part, qu'en se bornant à entériner les calculs présentés par l'expert sans vérifier au cas par cas, par voie d'analyse précise si les calculs étaient conformes aux règles applicables à la relation de travail entre l'employeur et le salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, sauf en ce qui concerne l'indemnité de clientèle dont elle a apprécié souverainement le montant, a entériné sur les autres chefs de demande les conclusions de l'expert qui, dès lors, constituent les motifs justifiant sa décision;

que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne la société CFITR aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société CFITR à payer à M. X... la somme de 12 000 francs ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Pouvoir disciplinaire - Poursuites engagées plus de 2 mois après la connaissance des faits - Conditions.


Références :

Code du travail L122-44

Décision attaquée : Cour d'appel de Limoges (1re et 2e chambre réunies) 1996-01-10 1997-03-12


Publications
Proposition de citation: Cass. Soc., 16 jui. 1998, pourvoi n°96-41223

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Composition du Tribunal
Président : Président : M. MERLIN conseiller

Origine de la décision
Formation : Chambre sociale
Date de la décision : 16/06/1998
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 96-41223
Numéro NOR : JURITEXT000007389417 ?
Numéro d'affaire : 96-41223
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;1998-06-16;96.41223 ?
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