Attendu, selon l'arrêt attaqué (Besançon, 28 novembre 1995), que M. Yvan X... a travaillé avec son père, M. Gilbert X..., à l'exploitation agricole familiale jusqu'à la retraite de celui-ci, le 31 décembre 1984, puis seul jusqu'à son décès survenu le 23 octobre 1990 ; que M. Gilbert X... a assigné sa belle-fille, Mme Betty X..., en restitution du matériel et du cheptel dont son fils avait conservé la disposition ; que sa demande ayant été rejetée, il l'a maintenue en appel, faisant valoir qu'il avait existé entre son fils et lui une société créée de fait dont il demandait que soient ordonnés la liquidation et le partage ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches : (sans intérêt) ;
Sur le deuxième moyen, pris en ses cinq branches :
Attendu que Mme X... reproche à l'arrêt d'avoir constaté l'existence d'une société de fait ayant existé entre MM. Gilbert et Yvan X..., dont le partage, après dissolution de la société, n'avait pas eu lieu, et d'avoir désigné un administrateur chargé de liquider cette société, alors, selon le pourvoi : d'une part, que l'existence d'une société créée de fait exige la réunion des éléments constitutifs de toute société, en sorte que la partie qui se prétend associé d'une telle société doit, en cas de contestation, prouver l'existence de chacun de ses éléments constitutifs ; que si la cour d'appel constate l'existence d'apports réciproques et d'une collaboration de MM. Gilbert et Yvan X... dans le but de faire prospérer l'exploitation, elle se borne à relever que tous deux ont vécu des fruits de l'exploitation commune et participé à ses résultats positifs, si bien qu'elle ne caractérise pas l'existence d'une participation cumulative aux bénéfices et aux pertes contestée dans ses conclusions ; qu'ainsi, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des dispositions de l'article 1832 du Code civil ; alors, d'autre part, qu'en cas de contestation, c'est à celui qui se prévaut d'une société créée de fait d'établir notamment l'existence d'une participation cumulative aux bénéfices et aux pertes ; qu'en l'absence de constatations à ce sujet, la cour d'appel ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article 1315 du Code civil ; alors, par ailleurs, que viole l'article 16 du nouveau Code de procédure civile la cour d'appel qui se fonde sur l'existence d'un aveu contenu dans des écritures de première instance, sans rouvrir les débats, du moment où les prétentions respectives des parties n'étaient pas fondées sur un tel aveu ; alors, en outre, que l'aveu n'est admissible que s'il porte sur des points de fait et non sur des points de droit, en sorte que viole les articles 1354 et 1356 du Code civil la cour d'appel qui fonde sa décision sur un prétendu aveu d'une société de fait ; et alors, enfin, qu'elle s'était bornée, dans ses écritures de première instance, à faire état d'une possible société de fait et non d'une société créée de fait, ce qui est radicalement différent ; qu'en croyant pouvoir tirer des écritures de première instance un aveu judiciaire, s'agissant d'une société créée de fait, la cour d'appel méconnaît les termes du litige dont elle était saisie et viole l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, pour retenir l'existence d'une société créée de fait entre MM. Gilbert et Yvan X..., l'arrêt, après avoir constaté l'existence d'apports et de l'affectio societatis, relève qu'ils ont vécu des fruits de l'exploitation commune et incontestablement participé tous deux aux résultats positifs de leur exploitation agricole ; qu'en l'état de ces énonciations et constatations, desquelles il résultait que l'exploitation n'avait pas subi de pertes auxquelles les associés eussent dû contribuer, la cour d'appel a légalement justifié sa décision, abstraction faite du motif surabondant critiqué par les trois dernières branches du moyen ; d'où il suit que le moyen, qui ne peut être accueilli en ses trois dernières branches, n'est pas fondé en les deux premières ;
Sur le troisième moyen :
Attendu que Mme X... fait encore le même reproche à l'arrêt, alors, selon le pourvoi, que si l'existence d'une société de fait peut rendre équivoque la possession de biens mobiliers, la dissolution de la société peut être de nature à rendre univoque la possession ultérieure de l'associé qui détient les biens sans opposition de quiconque ; qu'en se bornant dès lors à énoncer que l'existence d'une société créée de fait rendait équivoque la possession des biens litigieux demeurés en la possession de M. Yvan X..., tout en constatant cependant que la société créée de fait ayant existé entre MM. Yvan et Gilbert X... avait été dissoute le 31 décembre 1984 et que M. Gilbert X... n'avait agi en revendication qu'à l'expiration d'un délai de sept ans, la cour d'appel ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article 2279 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que si la " dissolution tacite " de la société créée de fait peut être fixée au 31 décembre 1984, il n'avait pas pour autant été procédé aux opérations de liquidation et de partage et que M. Gilbert X... n'était tenu par aucun délai pour solliciter qu'il y soit procédé ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu décider que l'existence de la société de fait rendait équivoque la possession des biens litigieux et qu'il y avait lieu, la preuve d'un don manuel invoqué par Mme X... n'étant pas rapportée, de faire procéder aux opérations de liquidation et de partage de cette société ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi.