AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société SCREG Est, société en nom collectif, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 20 mars 1996 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale), au profit de M. Pascal X..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 29 avril 1998, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen, faisant fonctions de président, Mme Lebée, conseiller référendaire rapporteur, MM Le Roux-Cocheril, Bouret, conseillers, Mme Andrich, conseiller référendaire, M. Martin, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Lebée, conseiller référendaire, les observations de Me Blondel, avocat de la société SCREG Est, de Me Foussard, avocat de M. X..., les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. X..., engagé le 5 août 1991 par la société CREG Est en qualité d'aide-comptable, a été licencié pour faute grave le 13 octobre 1993 ;
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Nancy, 20 mars 1996) d'avoir dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que d'une part, l'employeur faisait valoir dans ses écritures d'appel que si M. X... avait rectifié ses ratures s'agissant de la déclaration de TVA, des erreurs ont été commises, erreurs, portant sur un montant de 151 032 francs au titre du mois de février, la régularisation n'ayant pu intervenir que sur la déclaration du mois de mars 1993, laquelle porte régularisation à hauteur de la somme précitée s'agissant de la TVA sur immobilisation, déduite à tort sur la déclaration de février;
qu'ainsi l'erreur commise était bien réelle et avait perduré en mars et en avril 1993;
qu'en infirmant le jugement entrepris qui avait estimé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse au seul motif que des documents produits par l'employeur ne seraient pas probants comme étant ni datés, ni signés et qu'il est impossible de déterminer si ce sont ces documents qui ont été adressés à l'Administration, cependant que l'employeur faisait valoir qu'une régularisation avait dû être faite au mois de mars pour une somme importante, la cour d'appel ne dit mot de cette donnée centrale, ne justifie pas légalement son arrêt et partant viole les articles 455 du nouveau Code de procédure civile et L. 1229-14-3 du Code du travail ;
alors que, d'autre part, il était fait état d'erreurs résultant de la circonstance que M. X... avait mentionné sur des déclarations TVA des sommes importantes portant sur des exportations hors CEE ce qui était objectivement impossible puisque la société n'est active que sur le territoire national ;
qu'en écartant le grief ainsi avancé au motif que la régularisation des exportations hors CEE a figuré sur la déclaration du mois de mai 1993 et que depuis cette date aucun avertissement. ou rappel à l'ordre n'a été adressé à M. X..., la cour d'appel, sur le fondement de motifs inopérants, ne justifie pas légalement son arrêt au regard des articles L. 122-14-3 du Code du travail et 455 du nouveau Code de procédure civile;
alors que, de troisième part, la circonstance que l'erreur de code informatique qui eut lieu à l'occasion de la saisie de factures n'ait entraîné aucun avertissement en son temps, est inopérante au regard de la possibilité pour l'employeur de faire état de ce manquement avéré -parmi d'autres- justifiant la rupture du contrat de travail d'un salarié investi d'une mission de confiance;
qu'en écartant cependant le grief tiré des erreurs de comptabilisation au prétexte qu'aucun avertissement, n'a été donné et qu'il s'agit d'erreurs ponctuelles, la cour d'appel, sur le fondement de motifs inopérants ne justifiant pas légalement son arrêt au regard de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, violé;
et alors, que, de quatrième part, l'employeur faisait valoir qu'il appartient au salarié de faire connaître, dès qu'il change de domicile, l'adresse à laquelle il peut être joint;
que manifestement M. X... n'avait pas rempli cette obligation cependant qu'il est constant qu'il occupait l'appartement de ses grands-parents en qualité de locataire;
qu'en écartant le grief au prétexte que l'absence d'indication de l'adresse réelle du salarié n'avait causé aucun préjudice à l'employeur ni aucun retard dans le déroulement de la procédure de licenciement, la cour d'appel statue de plus fort sur le fondement d'un motif totalement inopérant au regard du manquement invoqué;
d'où une violation des articles L. 122-14-3 du Code du travail et 455 du nouveau Code de procédure civile;
et alors enfin, que la cour d'appel se devait d'examiner si l'accumulation de manquements avérés n'était pas en elle-même de nature à justifier la rupture du contrat de travail;
qu'en analysant séparément chaque insuffisance déplorée, sans les examiner de façon synthétique à l'instar des premiers juges, la cour d'appel ne justifie pas davantage son arrêt au regard des articles cités au précédent élément de moyen ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments qui lui étaient soumis, a retenu que trois des quatre faits reprochés au salarié n'étaient pas établis ;
Attendu, ensuite, qu' ayant relevé que l'erreur de codification invoquée par l'employeur était antérieure de 5 mois à l'ouverture de la procédure de licenciement, la cour d'appel a exactement décidé qu'il ne pouvait constituer un motif de licenciement;
que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société SCREG Est aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société SCREG Est à payer à M. X... la somme de 12 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.