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11/06/1998 | FRANCE | N°96-17981

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 11 juin 1998, 96-17981


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par l'Etat de Monaco, représenté par le Ministre d'Etat en exercice, domicilié Ministère d'Etat, ..., en cassation d'un arrêt rendu le 28 mai 1996 par la cour d'appel de Paris (1re chambre, section A), au profit :

1°/ de la société Editions La Découverte, dont le siège est ...,

2°/ de M. Serge Z..., dit Y... Nicolas, domicilié ..., défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de

cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 14 mai 1998, où étaie...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par l'Etat de Monaco, représenté par le Ministre d'Etat en exercice, domicilié Ministère d'Etat, ..., en cassation d'un arrêt rendu le 28 mai 1996 par la cour d'appel de Paris (1re chambre, section A), au profit :

1°/ de la société Editions La Découverte, dont le siège est ...,

2°/ de M. Serge Z..., dit Y... Nicolas, domicilié ..., défendeurs à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 14 mai 1998, où étaient présents : M. Zakine, président, M. Dorly, conseiller rapporteur, MM. Chevreau, Guerder, Pierre, Mme Solange Gautier, M. de Givry, conseillers, M. Bonnet, Mme Kermina, conseillers référendaires, M. Tatu, avocat général, Mme Laumône, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Dorly, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de l'Etat de Monaco, de Me Guinard, avocat de la société Editions La Découverte et de M. Z..., les conclusions de M. Tatu, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 28 mai 1996), que la société Editions La Découverte a publié dans un ouvrage intitulé "l'état du Monde 1994. annuaire économique et géopolitique mondial", un article de M. Z..., sous le pseudonyme Nicolas Y..., comportant à l'endroit de la principauté de Monaco le texte suivant : "Principauté d'opérette de 181 hectares, située au sud du département français des Alpes-maritimes, Monaco est surtout un paradis fiscal. Les non-résidents ne sont soumis ni au contrôle des changes ni aux impôts sur le revenu et sur le capital. L'opacité du système bancaire monégasque a été vivement dénoncée par une commission parlementaire française présidée par le député François d'X.... Son rapport, consacré aux infiltrations de la mafia et déposé le 3 février, considère que la principauté occuperait une place de choix dans le circuit du blanchiment de l'argent sale";

qu'estimant que cet article était constitutif à son égard d'un dénigrement fautif, l'Etat de Monaco a assigné l'éditeur et l'auteur en responsabilité et indemnisation de son préjudice sur le fondement de l'article 1382 du Code civil ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté partiellement l'Etat de Monaco de sa demande, alors, selon le moyen, de première part, qu'en se bornant à relever de manière générale et abstraite, que les expressions de "principauté d'opérette" et de "paradis fiscal", seules ou prises ensemble n'avaient pas en elles-mêmes de connotation péjorative, sans égard pour les circonstances dans lesquelles en l'espèce elles avaient été à dessein employées, et sans rechercher si les Editions La Découverte et M. Z... n'avaient pas commis une faute en se bornant à définir ainsi un véritable Etat souverain dans un ouvrage scientifique à vocation documentaire mais dont le texte, reproduit par la cour d'appel, ne comportait plus -ainsi que les premiers juges l'ont souligné- les éléments d'information donnés dans les éditions précédentes de l'ouvrage sur les institutions politiques de l'Etat décrit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 et 1383 du Code civil;

de deuxième part, que par sa généralité même, la définition de Monaco comme une principauté d'opérette ne servant que d'échappatoire fiscal, aux lieu et place des éléments d'information sur les institutions monégasques, qui figuraient dans les éditions antérieures de l'annuaire litigieux, mais qui ont été supprimés, tourne en dérision l'Etat souverain et indépendant de Monaco, assimilé à une parodie d'Etat relevant du théâtre comique;

que cette présentation de Monaco en une "principauté d'opérette", dans un ouvrage à vocation documentaire, dont la cour d'appel a constaté par ailleurs qu'il était tenu au devoir "d'objectivité scientifique", constitue un dénigrement fautif, de sorte, qu'en décidant le contraire, pour le seul prétexte inopérant que l'expression ne serait pas en soi infamante, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil;

que de troisième part, en s'abstenant de rechercher, comme les premiers juges l'avaient retenu, si l'omission de l'évènement politique et diplomatique majeur constitué par l'admission de Monaco le 28 mai 1993 parmi les membres de l'ONU, n'était pas de la part des responsables d'un "annuaire économique et géopolitique mondial" censé fournir une documentation objective et qui mentionnait l'admission postérieure d'Andorre à l'ONU, un autre manquement à leur devoir d'objectivité scientifique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil;

qu'enfin, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, la cour d'appel n'a pas répondu aux conclusions d'appel du 9 février 1996 et du 19 mars 1996 qui l'invitaient à procéder à la recherche précédemment exposée ;

Mais attendu que l'arrêt retient que les locutions "principauté d'opérette" et "paradis fiscal", même dans leur emploi rapproché, sont dépourvues de la connotation péjorative invoquée par l'Etat de Monaco, que cette notion de "paradis fiscal" n'est pas nécessairement synonyme de fraude fiscale, l'article se bornant à préciser, de manière neutre, certains des avantages en la matière sans émettre de jugement de valeur ;

Qu'au vu de ces constatations et énonciations la cour d'appel, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, et qui a exactement interprété le sens et la portée des propos incriminés, a légalement justifé sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne l'Etat de Monaco aux dépens ;

Rejette également la demande de la société Editions La Decouverte et de M. Z... pour frais irrépétibles ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 96-17981
Date de la décision : 11/06/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI-DELICTUELLE - Faute - Publication d'un annuaire comportant un article qualifiant l'Etat de Monaco de "Principauté d'opérette et de paradis fiscal" - Absence de connotation péjorative et de synonymie avec la fraude fiscale - Effet.


Références :

Code civil 1382

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (1re chambre, section A), 28 mai 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 11 jui. 1998, pourvoi n°96-17981


Composition du Tribunal
Président : Président : M. ZAKINE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.17981
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