AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le dix juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller LE GALL, les observations de Me HENNUYER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général le FOYER de COSTIL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Marcel, contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de RENNES, du 26 février 1998, qui, dans la procédure suivie contre lui pour faux, usage de faux et abus de confiance, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction rejetant sa demande de modification des obligations du contrôle judiciaire ;
Vu les mémoires principal et complémentaire produits ;
Sur le moyen unique de cassation présenté par le mémoire principal, pris de la violation des articles 137 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction de Rennes rejetant la demande de main-levée partielle du contrôle judiciaire sollicitée par Marcel X... ;
"aux motifs que celui-ci, qui n'a pas relevé appel de l'ordonnance initiale de placement sous contrôle judiciaire, ne justifiait pas de la survenance d'un élément nouveau ayant entraîné une modification de sa situation personnelle;
qu'au vu de ces éléments, consistant essentiellement en des remboursements de vacations et de frais de déplacement obtenus à partir d'états de frais falsifiés, soit, faisant double emploi et adressés à plusieurs organismes, la confirmation de l'ordonnance rejetant la main-levée du contrôle judiciaire paraissait s'imposer;
qu'en outre les faits reprochés au mis en examen présentaient une particulière gravité compte tenu de la qualité de leur auteur, membre élu de la représentation nationale;
que ces actes délictieux avaient, par leur durée dans le temps, leur ampleur, leur multiplicité, leur nature et la qualité des victimes, causé un trouble exceptionnel et durable à l'ordre public local et national, que, dans ces conditions, la mesure de contrôle judiciaire prise à l'encontre de Marcel X..., était parfaitement justifiée et le montant du cautionnement justement arbitré ;
"alors que, d'une part, le placement sous contrôle judiciaire, qui ne saurait être une présanction des faits reprochés, ne peut être motivé que par la nécessité de l'instruction ou d'une mesure de sûreté, qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué ne fait état d'aucun de ces motifs ;
"alors que, d'autre part, le placement sous contrôle judiciaire ne peut être justifié que dans les limites de la mise en examen et qu'en l'espèce, Marcel X... n'a pas été mis en examen pour infractions fiscales ;
"alors qu'enfin, dans ses conclusions qui ont été laissées sans réponse, Marcel X... justifiait des troubles de la mémoire qu'il invoquait et qui ont été à l'origine des irrégularités qui lui étaient reprochées" ;
Sur le moyen additionnel de cassation présenté par le mémoire complémentaire, pris de la violation des articles 137 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction de Rennes, rejetant la demande de main-levée partielle du contrôle judiciaire sollicitée par Marcel X... ;
"aux motifs que, placé sous contrôle judiciaire par ordonnance du 15 octobre 1997 avec obligation de verser un cautionnement de 1 000 000 de francs en vingt versements de 50 000 francs, Marcel X... n'avait pas interjeté appel de cette décision;
que, cependant, un mois plus tard, il avait présenté une demande de réduction du montant de la caution, proposant un versement mensuel de 10 000 francs, laquelle avait été rejetée par le magistrat instructeur par ordonnance du 28 novembre 1997, mais que le montant du cautionnement avait été justement arbitré, ce montant et ses modalités de versements étant proportionnés aux ressources et à la situation de fortune de l'intéressé, lequel ne rapporterait nullement la preuve de l'impossibilité de satisfaire aux versements fixés par l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire ;
"alors que, dans son mémoire devant la chambre d'accusation dont les conclusions ont été laissées sans réponse, Marcel X... avait fait valoir que les 9/10° du cautionnement prévu par l'ordonnance du 15 octobre 1997, avaient pour fonction principale d'assurer le paiement de la réparation des dommages causés par l'infraction et des restitutions ainsi que des dettes alimentaires ou amendes, que seule, l'administration fiscale avait émis l'hypothèse de réclamer des dommages-intérêts dans le cadre de l'instance pénale mais que ses droits n'étaient pas établis et qu'elle avait pris toutes les précautions nécessaires pour garantir ses différentes créances éventuelles en prenant des hypothèques sur la ferme d'exploitation de Marcel X... à hauteur de 7 630 111,67 francs, et que, par suite, les obligations contenues dans l'ordonnance du 28 novembre 1997 faisaient double emploi avec les garanties prises par l'administration fiscale, et ce, alors même que la créance de cette dernière n'était pas encore établie, que l'arrêt attaqué, en ne s'expliquant pas sur ce moyen essentiel qui aurait justifié une importante réduction du montant de cautionnement d'ailleurs seul compatible avec les possibilités financières de Marcel X..., a violé les articles 137 et 593 du Code de procédure pénale" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour maintenir au montant d'un million de francs, payable par mensualités de 50 000 francs, le cautionnement imposé à Marcel X..., l'arrêt attaqué, après avoir analysé les faits qui lui sont reprochés et souligné l'important préjudice en étant résulté pour les victimes, retient que l'intéressé, qui n'a pas relevé appel de l'ordonnance du juge d'instruction l'ayant placé sous contrôle judiciaire, ne justifie pas de la survenance d'un élément nouveau ayant entraîné une modification de sa situation personnelle ;
Qu'en cet état, la chambre d'accusation, qui n'avait pas à répondre aux articulations du mémoire relatives à l'élément intentionnel des infractions reprochées et qui n'a pas fondé sa décision sur l'existence d'infractions fiscales étrangères au dossier, a souverainement estimé qu'à titre de mesure de sûreté, pour garantir les droits des victimes susceptibles de se constituer parties civiles, le cautionnement devait demeurer fixé à son montant initial et rester soumis aux mêmes modalités de versement ;
Que, dès lors, les moyens ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Guilloux conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Le Gall conseiller rapporteur, M. Massé de Bombes, Mme Baillot, MM. Farge, Pelletier, conseillers de la chambre, M. Poisot conseiller référendaire ;
Avocat général : M. le Foyer de Costil ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;