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04/06/1998 | FRANCE | N°97-81625

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 juin 1998, 97-81625


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire KARSENTY, les observations de la société civile professionnelle RYZIGER et BOUZIDI et de la société civile professionnelle NICOLAY et de LANOUVELLE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- PERDRIEL Jean-Claude,

- LE NOUVEL OBSERVA

TEUR DU MONDE, civilement responsable, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire KARSENTY, les observations de la société civile professionnelle RYZIGER et BOUZIDI et de la société civile professionnelle NICOLAY et de LANOUVELLE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- PERDRIEL Jean-Claude,

- LE NOUVEL OBSERVATEUR DU MONDE, civilement responsable, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 20 février 1997, qui, pour diffamation publique envers un particulier, a condamné, le premier, à 15 000 francs d'amende, a déclaré, le second, civilement responsable, a ordonné une mesure de publication et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 29 et 32 de la loi du 29 juillet 1881, des articles 121-1 et 121-3 du nouveau Code pénal, des articles 6 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que, pour rejeter l'exception de bonne foi soulevée par la défense et entrer en condamnation, la décision attaquée a apprécié la bonne foi en la personne de Josette A..., signataire de l'article intitulé "Hôpitaux, ceux qu'il faudrait fermer" ;

"alors que nul n'est responsable pénalement que de son propre fait, qu'il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre;

que, si en matière de presse, l'intention de nuire est présumée, le directeur de la publication n'est pénalement responsable comme auteur principal des délits commis par la voie du journal qu'il dirige qu'en conséquence du devoir de vérification et de surveillance qu'il tient de ses fonctions, de telle sorte que c'est nécessairement en sa personne que doit être appréciée l'excuse de bonne foi, lorsqu'il est poursuivi en tant qu'auteur principal;

qu'en effet, l'appréciation de la bonne foi consiste à rechercher si, dans le cadre de son devoir de vérification et de surveillance, le directeur de la publication, auteur principal du délit, a su que l'article publié dans son journal et qui correspondait à un but légitime d'information, était le résultat d'une enquête insuffisante commise par le journaliste, auteur de l'article" ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 29, 32 et 42 de la loi du 29 juillet 1881, des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que, pour déclarer Jean-Claude Perdriel coupable et condamner la société Le Nouvel Observateur du Monde civilement responsable, en refusant de considérer qu'il existait des éléments constitués de la bonne foi de Josette A..., la décision attaquée a décidé que Josette A..., signataire de l'article intitulé "Hôpitaux :

ceux qu'il faudrait fermer" a commis une imprudence manifeste, en juxtaposant à la carte des pourcentages des établissements hospitaliers pratiquant moins de 1 000 interventions chirurgicales par an des encadrés relatifs à trois régions, dont un concernant la Lorraine avec, pour le département de la Moselle, le nom de sept établissements dont celui de la Clinique Z...;

que la journaliste a, en effet, mêlé des informations provenant d'un document dont l'authenticité n'est pas discutable (le rapport d'enquête de la CNAM) et des indications nominatives d'établissements dont elle précise qu'elles sont tirées d'une liste classée "secret défense" et dont elle se contente d'affirmer avoir pu pourtant se procurer le relevé exact ;

"alors, d'une part, que c'est par une dénaturation des éléments de la cause que la Cour déclare que la journaliste se contente d'affirmations, cependant que les demandeurs avaient, au bénéfice de l'enquête effectuée par Josette A..., produit une liste que la Cour a déclarée non probante du point de vue de la preuve de la vérité des faits diffamatoires ;

"alors, d'autre part, que l'appréciation de la preuve des éléments produits pour établir la vérité des faits diffamatoires et des faits susceptibles de constituer la bonne foi n'est pas nécessairement la même;

qu'un document qui n'a pas une valeur probante suffisante pour constituer la preuve de la vérité d'un fait diffamatoire peut constituer un élément constitutif de bonne foi;

que la décision attaquée, en n'examinant pas si le document produit qu'elle avait rejeté comme preuve de la vérité du fait diffamatoire n'était pas suffisant pour établir la bonne foi, n'a pas donné de base légale à sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué et l'examen des pièces de procédure mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction, et répondant aux conclusions dont elle était saisie, a exactement apprécié le sens et la portée des propos visés, et caractérisé en tous ses éléments constitutifs, tant matériels qu'intentionnel, le délit retenu à la charge du prévenu;

qu'elle a ainsi, sans méconnaître les dispositions de l'article 121-3 du Code pénal, déclaré le prévenu coupable comme auteur principal;

qu'elle a écarté, à bon droit, l'exception de bonne foi invoquée en défense, dès lors qu'elle a relevé le défaut d'objectivité de l'article incriminé ;

D'où il suit que les moyens, dont le premier, en ce qu'il allègue pour la première fois une violation des textes conventionnels susvisés, est nouveau, mélangé de fait et comme tel irrecevable, ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Milleville conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Karsenty conseiller rapporteur, MM. Pinsseau, Joly, Mmes Simon, Chanet, Anzani conseillers de la chambre, Mme Batut, M. Desportes conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Cotte ;

Greffier de chambre : Mme Nicolas ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-81625
Date de la décision : 04/06/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Responsabilité pénale - Directeur de la publication - Exonération - Bonne foi - Conditions - Défaut d'objectivité de l'article incriminé.


Références :

Code pénal 121-1 et 121-3
Loi du 29 juillet 1881 art. 29 et 32

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11ème chambre, 20 février 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 jui. 1998, pourvoi n°97-81625


Composition du Tribunal
Président : Président : M. MILLEVILLE conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.81625
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