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04/06/1998 | FRANCE | N°97-81274

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 juin 1998, 97-81274


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire KARSENTY, les observations de la société civile professionnelle RYZIGER et BOUZIDI, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- B... Didier, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 17 mars 1997, qui l'a condamné

, pour infractions à la règle du repos dominical, à 80 amendes de 10 000 francs cha...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire KARSENTY, les observations de la société civile professionnelle RYZIGER et BOUZIDI, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- B... Didier, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 11ème chambre, en date du 17 mars 1997, qui l'a condamné, pour infractions à la règle du repos dominical, à 80 amendes de 10 000 francs chacune ;

Vu les mémoires ampliatif et complémentaire produits ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 221-5, R. 262-1 du Code du travail, et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement déféré sur la culpabilité de Didier B... et le réformant, pour le surplus, l'a condamné à 80 amendes de 10 000 francs chacune ;

"aux motifs que les prévenus, qui allèguent l'existence d'une autorisation municipale pour le mois de décembre 1995 admettent, implicitement, n'en avoir eu aucune pour l'ouverture dominicale des 29 octobre, 5, 12, 19 et 26 novembre;

que, pour ces dernières, leur défense consiste à faire état d'une délégation de pouvoir à M. X..., qui les exonérerait;

l'avocat des prévenus produit la lettre de licenciement de M. A..., datée du 28 septembre 1995 et une délégation de pouvoir consentie le 6 janvier 1995, par Gérard Y... à M. X..., présenté comme le chef du secteur correspondant au magasin des Champs-Elysées;

que, cependant, la délégation donnée à M. X..., produite aux débats, ne donne aucune indication géographique, hormis le lieu de signature (Paris) et le domicile de M. X...;

qu'il n'est, ainsi, pas établi qu'elle ait été donnée pour le magasin de l'avenue des Champs-Elysées;

que, d'ailleurs, le contrôleur du travail, qui est intervenu à sept reprises dans le magasin des Champs-Elysées n'aurait pas manqué d'être informé et d'indiquer dans son procès-verbal que Didier A... avait été remplacé par M. X... en tant que chef de secteur;

qu'enfin, il est invraisemblable que M. X..., qui demeure à Lorient, ait pu véritablement exercer, sur un magasin situé à Paris, les responsabilités de chef de secteur qui lui ont été reconnues et ait été chef du même secteur que M. A... de janvier 1995 (date de la prétendue délégation de pouvoir, qui lui a été consentie) à septembre 1995 (date du licenciement de M. A...);

que la Cour, en considération de ce qui précède, écartera la délégation de pouvoir, dont se prévaut Gérard Y..., manifestement de complaisance ou inapplicable à des faits commis dans le magasin Pier Z... de l'avenue des Champs-Elysées;

que M. A..., ayant quitté l'entreprise avant les faits, la délégation, qui lui avait été reconnue, n'avait plus d'effet à la date des infractions;

qu'à cette date, il n'y avait pas d'autre délégation que celle donnée par Didier B... à Gérard Y..., le 18 novembre 1993;

que cette délégation, pourtant très précise, ne comporte pas celle du respect de la réglementation relative au repos dominical;

qu'il faut en déduire que Didier B..., gérant de la société Pier Z..., a conservé cette compétence;

qu'il sera donc déclaré responsable des manquements à cette réglementation lorsqu'ils sont établis ;

"alors, d'une part, que, hors les cas où la loi en dispose autrement, le chef d'entreprise, qui n'a pas personnellement pris part à la réalisation de l'infraction, peut s'exonérer de sa responsabilité pénale s'il rapporte la preuve qu'il a délégué ses pouvoirs à une personne pourvue de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires (Crim. 18 janvier 1973, B. n° 25;

11 mars 1973, B. n° 112), cette preuve pouvant être rapportée par tous moyens;

qu'en l'état des termes clairs et précis de la délégation de pouvoir donnée par le demandeur à Gérard Y... le 18 novembre 1993, d'où il résultait, au titre du chapitre intitulé :

"Conséquences de la délégation de responsabilités" que "Compte tenu de la délégation de pouvoir et de responsabilité qui est confiée à Gérard Y..., dans les domaines invoqués ci-dessus, ainsi que des moyens mis à sa disposition, il sera responsable pénalement et civilement de toutes les infractions qui pourraient être commises dans les domaines dont il a la charge, qu'il s'agisse des infractions à la réglementation du travail, à l'hygiène et à la sécurité, à la réglementation économique et commerciale, etc...", la cour d'appel n'a pu, sans dénaturer les termes de ladite délégation, affirmer que celle-ci ne comportait pas d'obligation au respect de la réglementation relative au repos dominical ;

"alors, d'autre part, que les motifs hypothétiques ou dubitatifs équivalent à l'absence de motifs;

que, pour retenir qu'il n'était pas établi que M. X..., titulaire d'une délégation de pouvoir, était le chef du secteur dans lequel se trouvait le magasin de l'avenue des Champs-Elysées, la cour d'appel, qui affirme que le contrôleur du travail, qui est intervenu à sept reprises dans le magasin des Champs-Elysées, n'aurait pas manqué d'être informé et d'indiquer, dans son procès-verbal, que M. A... avait été remplacé par M. X..., en tant que chef de secteur et qu'il serait invraisemblable que M. X..., qui demeure à Lorient, ait pu véritablement exercer, sur un magasin situé à Paris, les responsabilités de chef de secteur qui lui ont été reconnues, et ait été le chef du même secteur que M. A... de janvier 1995 à septembre 1995, s'est prononcée par des motifs purement hypothétiques insusceptibles de justifier légalement sa décision" ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 221-5, L. 221-6 et suivants, et R. 262-1 du Code du travail et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné le demandeur à payer 80 amendes de 10 000 francs chacune ;

"aux motifs que les prévenus, qui allèguent l'existence d'une autorisation municipale pour le mois de décembre 1995, admettent implicitement n'en avoir eu aucune pour les ouvertures dominicales du 29 octobre, 5, 12, 19 et 26 novembre ;

"et aux motifs que, comme le rappelle le courrier de la mairie de Paris, adressé le 19 décembre 1996, au conseil de la société Pier Z..., les dérogations à la règle du repos hebdomadaire relèvent de la compétence du préfet de police de Paris;

qu'il n'en a été accordé aucune à la société Pier Z... qui, au surplus, n'en a pas sollicité, ce qu'elle aurait pu faire pourtant, comme le rappelle opportunément le préfet de police de Paris, dans une lettre qu'il a adressée à son avocat, le 24 janvier 1997;

que c'est, par conséquent, à bon droit que le tribunal a retenu, à la charge de Didier B..., 7 contraventions ;

"alors que le demandeur versait aux débats, copies de communiqués de l'agence France Presse des 2, 3 et 10 décembre 1995, d'où il ressortait que, devant les difficultés liées à la grève, la mairie de Paris avait fait autoriser tous les commerces de la capitale à ouvrir le dimanche jusqu'à la fin du mois de décembre, à l'instar des grands magasins et qu'il faisait valoir que les ouvertures dominicales des 3 et 31 décembre 1995 (concernant 26 salariés) n'auraient pas constitué des infractions et qu'à supposer que les communiqués de presse aient été inexacts, la décision d'ouverture prise par M. X... pour les dimanches du mois de décembre serait fondée sur une erreur de droit, exonérant toute responsabilité pénale;

qu'en se bornant à retenir que le demandeur alléguait l'existence d'une autorisation pour le mois de décembre 1995 et que la société Pier Z... n'avait pas sollicité de dérogations auprès du préfet de police de Paris, concernant ce mois de décembre, la cour d'appel ne s'est aucunement expliquée sur la portée des communiqués de l'agence France Presse, délaissant totalement les conclusions pertinentes du demandeur" ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 221-5, R. 260-2 et 262-1 du Code du travail, de l'article 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a condamné Didier B... à 80 amendes de 10 000 francs chacune ;

"aux motifs que les prévenus, qui allèguent l'existence d'une autorisation municipale pour le mois de décembre 1995 admettent, implicitement, n'en avoir eu aucune pour l'ouverture dominicale des 29 octobre, 5, 12, 19 et 26 novembre;

que, pour ces dernières, leur défense consiste à faire état d'une délégation de pouvoir à M. X..., qui les exonérerait;

l'avocat des prévenus produit la lettre de licenciement de M. A..., datée du 28 septembre 1995 et une délégation de pouvoir consentie le 6 janvier 1995, par Gérard Y... à M. X..., présenté comme le chef du secteur correspondant au magasin des Champs-Elysées;

que, cependant, la délégation donnée à M. X..., produite aux débats, ne donne aucune indication géographique, hormis le lieu de signature (Paris) et le domicile de M. X...;

qu'il n'est ainsi pas établi qu'elle ait été donnée pour le magasin de l'avenue des Champs-Elysées;

que, d'ailleurs, le contrôleur du travail, qui est intervenu à sept reprises dans le magasin des Champs-Elysées n'aurait pas manqué d'être informé et d'indiquer dans son procès-verbal que M. A... avait été remplacé par M. X... en tant que chef de secteur;

qu'enfin, il est invraisemblable que M. X..., qui demeure à Lorient, ait pu véritablement exercer sur un magasin situé à Paris, les responsabilités de chef de secteur qui lui ont été reconnues et ait été chef du même secteur que M. A... de janvier 1995 (date de la prétendue délégation de pouvoir qui lui a été consentie) à septembre 1995 (date du licenciement de M. A...);

que la Cour, en considération de ce qui précède, écartera la délégation de pouvoir dont se prévaut Gérard Y..., manifestement de complaisance ou inapplicable à des faits commis dans le magasin Pier Z... de l'avenue des Champs-Elysées;

que M. A..., ayant quitté l'entreprise avant les faits, la délégation qui lui avait été reconnue n'avait plus d'effet à la date des infractions;

qu'à cette date, il n'y avait pas d'autre délégation que celle donnée par Didier B... à Gérard Y..., le 18 novembre 1993;

que cette délégation, pourtant très précise, ne comporte pas celle du respect de la réglementation relative au repose dominical;

qu'il faut en déduire que Didier B..., gérant de la société Pier Z..., a conservé cette compétence;

qu'il sera donc déclaré responsable des manquements à cette réglementation lorsqu'ils sont établis;

que, comme le rappelle le courrier de la mairie de Paris, adressé le 19 décembre 1996, à l'avocat de la société Pier Z..., les dérogations à la règle du repos hebdomadaire relèvent de la compétence du préfet de police de Paris;

qu'il n'en a été accordé aucune à la société Pier Z..., qui, au surplus, n'en a pas sollicité, ce qu'elle aurait pu faire pourtant, comme le rappelle opportunément le préfet de police de Paris dans une lettre qu'il a adressée à son avocat, le 24 janvier 1997;

que c'est, par conséquent, à bon droit que le tribunal a retenu à la charge de Didier B..., 7 contraventions;

que chaque contravention donne lieu, en application de l'article R. 262-1 du Code du travail à autant d'amendes que de personnes illégalement employées;

qu'il y a donc lieu d'appliquer au total 80 amendes pour les 7 contraventions établies ;

"alors, d'une part, que s'il n'y a pas récidive sur le fondement de l'article L. 221-5 du Code du travail, le nombre d'amendes prononcées en cas de pluralité d'infractions faisant l'objet d'une poursuite unique ne peut excéder le nombre de personnes irrégulièrement employées, serait-ce à plusieurs reprises au cours de la période visée à la prévention (Crim. 15 décembre 1987, D. 1988.276) ;

que la cour d'appel a condamné Didier B... à 80 amendes de 10 000 francs chacune pour des infractions commises les 29 octobre, 5, 12, 19, 26 novembre, 3 et 31 décembre 1995, retenant respectivement la présence de 9, 8, 10, 12, 15, 14 et 11 salariés dans le même magasin des Champs-Elysées;

que la cour d'appel, afin de déterminer le nombre d'amendes encourues par le demandeur, aurait dû rechercher si les salariés employés le dimanche, ou certains d'entre eux seulement, n'avaient pas été irrégulièrement employés à la fois les 29 octobre, 5, 12, 19, 26 novembre, 3 et 31 décembre 1995 ;

"alors, d'autre part, que, s'il n'y a pas récidive, le nombre d'amendes prononcées en cas de pluralité d'infractions ne peut excéder le nombre de personnes employées;

que la cour d'appel ne pouvait condamner le demandeur à 80 amendes, d'un montant de 10 000 francs chacune, pour des infractions commises dans le même magasin à 7 dates différentes, sans rechercher l'identité des personnes irrégulièrement employées, afin de déterminer quel était le nombre total de salariés différents employés lors des 7 dimanches ouverts" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel, par des motifs exempts d'insuffisance ou de contradiction et répondant aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a écarté, à juste titre, l'erreur sur le droit invoqué par le prévenu comme cause d'irresponsabilité pénale, et caractérisé en tous leurs éléments constitutifs les infractions aux dispositions de l'article L. 221-5 du Code du travail, réprimées par l'article R. 262-1 dudit Code issu du décret du 6 août 1992, dont elle a déclaré le prévenu coupable en sa qualité de gérant de la société Pier Z... pourvu de la compétence, de l'autorité et des moyens nécessaires à l'exercice de sa mission ;

D'où il suit que les moyens, qui remettent en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause contradictoirement débattus, ne sauraient être accueillis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Milleville conseiller doyen, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, Mme Karsenty conseiller rapporteur, MM. Pinsseau, Joly, Mmes Simon, Chanet, Anzani conseillers de la chambre, Mme Batut, M. Desportes conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Cotte ;

Greffier de chambre : Mme Nicolas ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-81274
Date de la décision : 04/06/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Repos hebdomadaire - Repos dominical - Infraction - Responsabilité pénale - Erreur sur le droit - Nature.


Références :

Code du travail L221-5 et R262-1
Code pénal 122-3

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 11ème chambre, 17 mars 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 jui. 1998, pourvoi n°97-81274


Composition du Tribunal
Président : Président : M. MILLEVILLE conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.81274
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