AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Henri Y..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 5 février 1996 par la cour d'appel de Colmar (4ème chambre sociale), au profit de la société Cheronnet-Pfister devenue Koch-Pfister, société en nom collectif, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 8 avril 1998, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, Mme Duval-Arnould, conseiller référendaire rapporteur, M. Finance, Mme Lemoine-Jeanjean, conseillers, Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire, M. de Caigny, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Duval-Arnould, conseiller référendaire, les observations de la SCP Urtin-Petit et Rousseau-Van Troeyen, avocat de M. Y..., les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que, selon l'arrêt attaqué, M. Y... était engagé le 1er décembre 1969 par M. X..., propriétaire d'une pharmacie, en qualité d'homme toutes mains à plein temps;
que la pharmacie était reprise le 1er juillet 1989 par la société Cheronnet-Pfister;
qu'il était licencié pour faute grave le 16 novembre 1990;
qu'il lui était notamment reproché d'avoir menacé de giffler sa supérieure;
qu'il saisissait la juridiction prud'homale de demandes de complément de salaires, d'indemnités de préavis et de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement abusif ;
Sur le moyen unique du mémoire ampliatif pris en sa deuxième branche et sur les moyens, tels qu'ils figurent au mémoire complémentaire annexé au présent arrêt :
Attendu que M. Y... fait grief à la cour d'appel de l'avoir débouté de sa demande, alors notamment, selon le moyen, que, pour caractériser la faute grave, le fait retenu doit avoir créé un risque pour l'entreprise insupportable et immédiat;
qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour infirmer la décision des premiers juges concluant à l'absence d'une faute grave, a seulement posé que l'incident du 7 novembre 1990 tel que relaté par les attestations de Mme A... et de M. Z... constituait indiscutablement une faute grave justifiant "amplement le licenciement avec effet immédiat";
que par cette seule constatation, elle n'a pas légalement justifié sa décision et violé par là même l'article L. 122-6 du Code du travail ;
Mais attendu que c'est par une appréciation souveraine de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui leur étaient soumis que les juges du fond ont estimé que le salarié avait eu un comportement menaçant à l'égard de sa supérieure;
qu'ayant fait ressortir que ce fait rendait impossible le maintien des relations de travail pendant la durée du préavis, ils ont pu décider que la faute grave était caractérisée;
que les moyens ne sont pas fondés ;
Mais sur le premier moyen du mémoire ampliatif pris en sa première branche :
Vu l'article L. 122-14-4 du Code du travail ;
Attendu que, tout en constatant que l'employeur n'avait pas indiqué dans la convocation à l'entretien préalable au licenciement que le salarié pouvait se faire assister, les juges du fond n'ont accordé à ce dernier aucune indemnité pour inobservation de la procédure ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'en demandant, en application de l'article L. 122-14-4 du Code du travail, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. Y... avait invoqué le maximum des droits auxquels il pouvait prétendre en vertu de ce texte, sa demande tendant à faire réparer aussi bien le préjudice subi du fait d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse que, le cas échéant, celui résultant d'une irrégularité de la procédure donnant lieu à une indemnité égale au plus à un mois de salaire ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE mais seulement en ce que l'arrêt a omis d'allouer à M. Y... une indemnité pour non-respect de la procédure, l'arrêt rendu le 5 février 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.