AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Aspe informatique SII, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 30 novembre 1995 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre sociale, section A), au profit de M. Serge X..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 8 avril 1998, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président et rapporteur, M. Finance, Mme Lemoine-Jeanjean, conseillers, Mmes Trassoudaine-Verger, Duval-Arnould, conseillers référendaires, M. de Caigny, avocat général, M. Richard, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Merlin, conseiller, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de la société Aspe informatique SII, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. X..., les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 30 novembre 1995), M. X... a été engagé comme ingénieur commercial en 1990 par la société Aspe Ouest, aux droits de laquelle se trouve la société Aspe informatique SII;
qu'il a été licencié pour motif économique le 25 novembre 1992;
que, soutenant qu'il assurait la responsabilité d'une agence et qu'il devait bénéficier du coefficient 210, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de rappel de salaire ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. X... une somme à titre de rappel de salaire, alors, selon le moyen, en premier lieu, que la cour d'appel, qui s'est bornée à affirmer qu'il résultait des documents de la cause, sans visa ni analyse desdits documents, que les fonctions exercées par M. X... lui permettaient de revendiquer le coefficient 210 de la convention collective des bureaux d'études techniques, cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, a privé sa décision de toute base légale au regard du texte précité;
alors, en deuxième lieu, que la cour d'appel, qui n'a pas constaté en fait quelles étaient les fonctions exercées par M. X..., a privé sa décision de toute base légale au regard de la convention collective du 15 décembre 1987;
alors, en troisième lieu, que la société Aspe informatique SII contestait de façon circonstanciée chacune des attestations versées aux débats par le salarié;
que la cour d'appel, qui n'a pas manifesté avoir pris en considération les conclusions de la société, a entaché sa décision d'un défaut de motifs, en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;
alors, en quatrième lieu, qu'a encore entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile la cour d'appel qui n'a pas répondu au moyen péremptoire pris de ce que l'agence de Nantes ne comprenait que trois salariés, M. X... et ses deux anciens associés sur lesquels il n'exerçait aucune autorité, étant le seul commercial de l'entreprise, alors que les deux autres anciens associés n'avaient qu'une compétence technique;
que M. X... avait pour seule mission de démarcher la clientèle et qu'en outre, c'est lui-même qui, en accord avec les deux autres salariés, avait défini sa qualification et son salaire lorsqu'ils étaient tous trois associés majoritaires de la société Aspe Ouest avant son absorption par la société Aspe informatique SII ;
Mais attendu que, répondant aux conclusions invoquées, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a relevé, d'une part, que le coefficient 210 de la convention collective des bureaux d'études s'applique aux "ingénieurs ou cadres ayant à prendre, dans l'accomplissement de leurs fonctions, les initiatives et les responsabilités qui en découlent en suscitant, orientant et contrôlant le travail de leurs subordonnés",... ce qui "implique un commandement sur des collaborateurs et cadres de toute nature", et, d'autre part, que M. X... assumait la responsabilité de l'agence, prenait les responsabilités et initiatives qui s'imposaient, disposait d'un pouvoir de représentation, assumait la gestion du personnel et assurait l'encadrement de l'équipe commerciale technique;
qu'elle en a exactement déduit que M. X... avait droit à ce coefficient 210;
que le moyen ne saurait être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Aspe informatique SII aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Aspe informatique SII à payer à M. X... la somme de 12 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.