AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société civile immobilière de Villechenet, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 29 mars 1996 par la cour d'appel de Paris (23e Chambre, Section B), au profit de la société Jacques Tissot, société anonyme, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 28 avril 1998, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Fromont, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Chemin, Villien, Cachelot, Martin, conseillers, M. Nivôse, Mmes Masson-Daum, Boulanger, conseillers référendaires, M. Sodini, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Fromont, conseiller, les observations de la SCP Coutard et Mayer, avocat de la SCI de Villechenet, de Me Hemery, avocat de la société Jacques Tissot, les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article 1792 du Code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 mars 1996), que la société civile immobilière de Villechenet (la SCI), maître de l'ouvrage, a, sous la maîtrise d'oeuvre de M. X..., architecte, par marché du 2 juin 1987, chargé la société Jacques Tissot (société Tissot) de la construction d'un bâtiment à usage industriel;
que des désordres étant apparus, une expertise a été ordonnée en référé;
que la société Tissot a assigné en paiement du solde des travaux le maître de l'ouvrage qui a sollicité une autre expertise, puis la condamnation de l'entrepreneur à réparation ;
Attendu que pour rejeter la demande du maître de l'ouvrage, l'arrêt retient que les désordres relèvent de la garantie décennale des constructeurs à laquelle la société Tissot en sa qualité de locateur d'ouvrage est soumise mais que cette société étant privée de tout élément de nature à appréhender la destination spécifique donnée contractuellement à l'ouvrage, les désordres relevés ne sont pas imputables à cette société ;
Qu'en statuant ainsi, sans caractériser l'existence d'une cause étrangère exonératoire de la garantie due au maître de l'ouvrage, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages-intérêts de la SCI de Villechenet, l'arrêt rendu le 29 mars 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Paris;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Jacques Tissot aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Jacques Tissot à payer à la SCI de Villechenet la somme de 9 000 francs ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.