AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Groupement français d'assurances (GFA), société anonyme d'assurances, dont le siège est ..., ci-devant et actuellement ..., en cassation d'un arrêt rendu le 24 mars 1995 par la cour d'appel de Versailles (4e chambre civile), au profit :
1°/ de la société Cabinet d'investissements fonciers (CIF), société anonyme, dont le siège est ...,
2°/ de M. Yannick X..., demeurant ..., pris en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Narra,
3°/ de la compagnie d'assurances UAP, incendie accidents, dont le siège est ...,
4°/ du syndicat des copropriétaires de la résidence ..., pris en la personne de ses représentants légaux en exercice notamment son syndic la société anonyme Gestion immobilière service (GIS), dont le siège est 2, place du Général de Gaulle, 95500 Gonesse,
5°/ de M. Yvan Y..., demeurant ... le Moutier,
6°/ de la SCI du Maupas, société civile immobilière, dont le siège est ..., 78600 Maisons Laffitte,
7°/ de la compagnie d'assurances Axa assurances, dont le siège est ... venant aux droits de la compagnie AGP-MACL, défendeurs à la cassation ;
La compagnie Axa assurances a formé, par un mémoire déposé au greffe le 13 février 1996 un pourvoi provoqué contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal, invoque à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
La demanderesse au pourvoi provoqué, invoque à l'appui de son recours, deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 29 avril 1998, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Nivôse, conseiller référendaire rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Chemin, Fromont, Villien, Cachelot, Martin, conseillers, Mmes Masson-Daum, Boulanger, conseillers référendaires, M. Sodini, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller référendaire, les observations de la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, avocat de la société GFA, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société CIF, de la SCP Rouvière et Boutet, avocat de la société Axa assurances, les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi provoqué, réunis :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 24 mars 1995) que la société Cabinet d'investissements fonciers (CIF) ayant fait exécuter dans un immeuble ancien lui appartenant, des travaux de rénovation confiés à la société Narra, puis revendu l'immeuble par lots à des acquéreurs, qui l'ont, après expertise en référé, assignée avec la société Narra, entrepreneur, en réparation de désordres, a appelé en garantie la compagnie Assurances générales de France (AGF) devenue la compagnie Axa assurances (Axa), assureur dommages-ouvrage et constructeur non réalisateur, et la société Groupement français d'assurances (GFA) assureur en responsabilité décennale de la société Narra ;
Attendu que la société GFA et la compagnie Axa font grief à l'arrêt de retenir qu'il y avait eu une réception le 12 juillet 1988 et que la société CIF était responsable sur le fondement des articles 1792 et suivants du Code civil, alors, selon le moyen, 1°) que la réception est un acte manifestant la volonté non équivoque du maître d'ouvrage d'accepter l'ouvrage;
que dès lors en retenant, pour condamner le GFA à garantir la société CIF ainsi que son assureur la compagnie Axa, que la réception est intervenue sans équivoque le 12 juillet 1988, parce qu'à cette date la société CIF a fait une déclaration d'achèvement de travaux, qu'elle avait intégralement réglé les travaux effectués par la société Narra et que certains acquéreurs avaient pris possession de leurs lots, la cour d'appel, qui a elle-même relevé que l'expert commis avait estimé que les graves désordres de la toiture rendant l'immeuble non conforme à sa destination ne permettaient pas la réception de l'immeuble avant sa réparation le 12 juillet 1990, et que dans une lettre adressée le 21 novembre 1988 à l'entreprise Narra la société CIF l'avait invitée à réparer les désordres notamment de la toiture, n'a pas tiré de ses constatations, d'où résultait que le maître d'ouvrage qui avait demandé à l'entrepreneur de reprendre les désordres après la prise de possession des lieux par certains acquéreurs n'avait pas encore accepté les travaux, les conséquences légales qui s'imposaient et a ainsi violé l'article 1792-6 du Code civil;
2°) et alors que la réception doit en tout état de cause être prononcée contradictoirement ;que dès lors en se contentant, pour décider qu'il y avait eu réception le 12 juillet 1988, de retenir que la société CIF avait fait une déclaration d'achèvement des travaux et que certains acquéreurs avaient pris possession de leurs lots à cette date, sans relever aucun fait établissant le caractère contradictoire de cette réception à l'égard de l'entreprise Narra à laquelle elle était opposée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792-6 du Code civil;
3°) alors que la réception est un acte manifestant la volonté non équivoque du maître d'ouvrage d'accepter l'ouvrage;
que dès lors en retenant, pour condamner Axa avec le GFA à garantir la société CIF, que la réception est intervenue sans équivoque le 12 juillet 1988, parce qu'à cette date la société CIF a fait une déclaration d'achèvement de travaux, qu'elle avait intégralement réglé les travaux effectués par la société Narra et que certains acquéreurs avaient pris possession de leurs lots, la cour d'appel, qui a elle-même relevé que l'expert commis avait estimé que les graves désordres de la toiture rendant l'immeuble non conforme à sa destination ne permettaient pas la réception de l'immeuble avant sa réparation le 12 juillet 1990, et que dans une lettre adressée le 21 novembre 1988 à l'entreprise Narra, la société CIF l'avait invitée à réparer les désordres notamment de la toiture, n'a pas tiré de ses constatations, d'où résultait que le maître d'ouvrage qui avait demandé à l'entrepreneur de reprendre les désordres après la prise de possession des lieux par certains acquéreurs n'avait pas encore accepté les travaux, les conséquences légales qui s'imposaient et a ainsi violé l'article 1792-6 du Code Civil;
4°) et alors que la réception doit en tout état de cause être prononcée contradictoirement;
que dès lors en se contentant, pour décider qu'il y avait eu réception le 12 juillet 1988, de retenir que la société CIF avait fait une déclaration d'achèvement des travaux et que certains acquéreurs avaient pris possession de leurs lots à cette date, sans relever aucun fait établissant le caractère contradictoire de cette réception à l'égard de l'entreprise Narra à laquelle elle était opposée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1792-6 du Code Civil" ;
Mais attendu qu'ayant constaté que la CIF avait établi une déclaration d'achèvement de travaux à la date du 12 juillet 1988, qu'à cette date, elle avait vendu certains lots dont les acquéreurs avaient pris possession et qu'elle avait réglé l'intégralité des travaux effectués par la société Narra, la cour d'appel a pu retenir que la lettre adressée postérieurement par la CIF, ne faisait pas obstacle à une réception tacite intervenue sans équivoque de sa part et a légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le second moyen du pourvoi principal et le second moyen du pourvoi provoqué, réunis :
Vu l'article 16 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ;
Attendu que pour condamner le GFA à payer à la CIF la somme de 38 054,13 francs, l'arrêt retient que la CIF doit être remboursée de la somme qu'elle a avancée pour tenter de remédier aux désordres ;
Qu'en statuant ainsi, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné le GFA à payer à la CIF, la somme de 38 054,13 francs, l'arrêt rendu le 24 mars 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne la société GFA aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la société CIF ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.