AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Fabregue, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 20 novembre 1995 par la cour d'appel de Limoges (chambre sociale), au profit de M. Raymond Y..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 8 avril 1998, où étaient présents : M. Desjardins, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Boinot, conseiller référendaire rapporteur, MM. Texier, Lanquetin, conseillers, M. Lyon-Caen, avocat général, Mlle Lambert, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Boinot, conseiller référendaire, les observations de la SCP de Chaisemartin et Courjon, avocat de la société Fabregue, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Limoges, 20 novembre 1995), que M. Z..., engagé le 2 janvier 1967 en qualité de chauffeur par la société Fabrègue, a été licencié le 8 janvier 1993;
qu'il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'indemnités de rupture ;
Attendu que la société Fabrègue fait grief à l'arrêt d'avoir dit le licenciement de M. Z... dépourvu de cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamnée à lui payer une somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, que, d'une part, en retenant qu'en "l'absence de témoins et compte tenu des versions contradictoires des deux protagonistes, il n'existe aucune certitude sur la teneur des propos échangés" et que, dans ces conditions, cet incident ne saurait constituer un motif sérieux de licenciement, la cour d'appel a dénaturé les conclusions du salarié qui reconnaissait dans ses écritures d'appel, comme dans ses écritures de première instance, avoir "dit à son supérieur de lui "ficher la paix" ", violant ainsi les dispositions de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile;
et alors que, d'autre part, si aucun fait fautif ne peut donner lieu, à lui seul, à l'engagement de poursuites disciplinaires à l'encontre d'un salarié au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, l'employeur peut se prévaloir de faits antérieurs à deux mois, en cas de nouveau comportement fautif du salarié;
que dès lors en l'espèce, en estimant qu'en application de l'article L. 122-44 du Code du travail, les faits relatifs au remboursement de notes de repas par M. Z... ne pouvaient justifier un licenciement engagé le 4 janvier 1993, soit plus de deux mois plus tard, après avoir constaté qu'il était constant que le 10 décembre 1992, le salarié avait fait une réflexion à son supérieur hiérarchique, M. X..., la cour d'appel a violé par fausse application les dispositions de cet article ;
Mais attendu que la cour d'appel qui a écarté les faits survenus le 10 décembre 1992, a exactement décidé qu'en application des dispositions de l'article L. 122-44 du Code du travail, les faits relatifs au remboursement injustifié de notes de restaurant et survenus en juin et juillet 1992 ne pouvaient justifier un licenciement engagé le 4 janvier 1993, soit plus de 2 mois plus tard;
que l'arrêt qui n'a pas dénaturé les conclusions échappe dès lors aux critiques du moyen ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Fabregue aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.