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03/06/1998 | FRANCE | N°96-17472

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 03 juin 1998, 96-17472


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Hermant, société à responsabilité limitée, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 5 avril 1996 par la cour d'appel de Paris (25e chambre, section B), au profit de la société Esso Saf, société anonyme, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'a

udience publique du 7 avril 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Léonnet, con...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Hermant, société à responsabilité limitée, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 5 avril 1996 par la cour d'appel de Paris (25e chambre, section B), au profit de la société Esso Saf, société anonyme, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 7 avril 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Léonnet, conseiller rapporteur, MM. Vigneron, Leclercq, Dumas, Gomez, Poullain, Métivet, conseillers, M. Huglo, Mme Mouillard, M. Ponsot, conseillers référendaires, M. Jobard, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Léonnet, conseiller, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat de la société Hermant, de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société Esso Saf, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué (Paris, 5 avril 1996) que la société Esso Saf (société Esso) a confié le 28 septembre 1981 à la société Hermant la gestion d'un fonds de commerce de station-service lui appartenant, exploité sous l'enseigne "Esso service porte de Paris" situé à Reims et dans le cadre d'un contrat de mandat pour la vente au détail des produits énergétiques et dans l'exercice d'une location-gérance pour la vente des autres produits et services;

que les conventions ont été renouvelées périodiquement entre les parties, la dernière convention étant intervenue le 28 novembre 1985 et conclue pour une année avec renouvellement par tacite reconduction sauf dénonciation par l'une ou l'autre partie;

que, par avenant du 11 décembre 1991, la convention a été prorogée jusqu'au 31 janvier 1992 date à laquelle les relations contractuelles ont pris fin;

que la société Hermant a assigné, en 1992, la société Esso devant le tribunal de commerce en nullité du contrat d'exploitation signé le 28 septembre 1981 et en indemnisation de ses pertes d'exploitation ainsi qu'en dommages et intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Hermant fait grief à l'arrêt partiellement infirmatif d'avoir écarté la nullité du contrat du 28 septembre 1981, alors, selon le pourvoi, que l'abus dans la fixation du prix donne lieu à indemnisation;

que, par ailleurs, commet un abus de position dominante l'entreprise qui impose à ses cocontractants des prix d'achat inéquitables ;

que, dès lors, en ne recherchant pas en l'espèce, ainsi que l'y invitait la demanderesse, s'il y avait, en ce qui concerne les lubrifiants et produits pétroliers autres que les carburants, une disposition excessive entre le coût effectivement supporté par la société pétrolière et le prix effectivement réclamé au distributeur, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 86 du traité de Rome, ensemble l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu qu'il ne ressort pas des écritures de la société Hermant et de l'arrêt critiqué que cette société ait invoqué les dispositions de l'article 86 du Traité ou de l'article 1147 du Code civil;

que le moyen est donc nouveau et, qu'étant mélangé de fait et de droit, est comme tel irrecevable ;

Sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la société Hermant fait grief à l'arrêt d'avoir écarté la nullité des contrats la liant à la société Esso pour la distribution de lubrifiants ou de carburants, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, dans ses conclusions d'appel, la société Hermant alléguait l'existence d'un abus et, plus précisément, d'une exploitation abusive par la société Esso de sa situation de dépendance économique aménagée par l'ensemble des dispositions des contrats liant les parties, à la faveur desquelles la société pétrolière pratiquait des prix de vente au détail pour les carburants et un tarif revendeur pour les lubrifiants et autres produits pétroliers, outre une redevance de location-gérance variable, lui permettant de confisquer la plus grande partie de la marge bénéficiaire des produits commercialisés sans égard au coût réel de leur distribution entièrement supporté par la société Hermant ni à l'environnement concurrentiel de celle-ci;

que la société Hermant précisait, en ce qui concerne la reddition des comptes du mandat, qu'au lieu d'exiger la restitution des recettes issues des ventes de carburant, conformément aux règles du mandat, la société Esso imposait au distributeur le règlement de sommes correspondant à la "valorisation" des "approvisionnements" au prix de détail en vigueur à la date de valorisation et non à leur prix de vente réel et d'après les "quantités livrées", encore fortement dilatées sous l'effet de la température, au lieu des quantités vendues et demandait, par confirmation du chef du jugement entrepris, relatif aux restitutions consécutives à la nullité des contrats, d'appliquer "aux quantités livrées" la correction volumique à 15° C, dont Esso bénéficie dans ses rapports avec le fisc, au moyen de tables dont elle a la disposition matérielle, correction se cumulant, pour les sociétés pétrolières, avec la freinte administrative de 3/1000 qui leur est par ailleurs appliquée, mais répercutée sur les pompistes à hauteur de 1,5/1000 seulement;

qu'en énonçant que la demanderesse n'aurait allégué l'existence d'aucun abus et aurait procédé à une critique générale de l'économie du contrat sans démontrer sur quel point précis la société Esso n'avait pas exécuté de bonne foi ses obligations, la cour d'appel a, dès lors, entaché sa décision d'une méconnaissance des termes du litige en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile, alors, d'autre part, qu'est prohibée, lorsqu'elle a pour objet ou peut avoir pour effet d'empêcher, de restreindre et de fausser le jeu de la concurrence sur un marché, l'exploitation abusive par une entreprise de l'état de dépendance économique dans lequel se trouve, à son égard, une entreprise cliente qui ne dispose pas de solution équivalente;

qu'en ne s'expliquant pas sur l'avantage excessif et anticoncurrentiel, qui était ainsi allégué par la demanderesse, retiré par la société Esso d'une exploitation abusive de l'état de dépendance économique aménagé par l'ensemble des clauses du contrat litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986;

et, alors, enfin, que la convention relative à une pratique prohibée est entachée de nullité;

qu'en l'espèce, les conventions des 28 septembre 1981 et 28 novembre 1985 étaient entachées de nullité du fait que l'ensemble de leurs dispositions aménageait une situation de dépendance économique totale de la société distributrice, exploitée abusivement par la société pétrolière afin d'en retirer un profit illégitime et anticoncurrentiel au détriment de son cocontractant;

que la cour d'appel, qui ne s'est pas expliquée sur la situation de dépendance économique organisée par les contrats ainsi que sur l'exploitation abusive qui en était faite par la société Esso, ainsi qu'elle y était invitée, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 9 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 ;

Mais attendu qu'il ne ressort pas des écritures des parties et de l'arrêt critiqué que le débat ait porté sur l'application des articles 8 et 9 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, la société Hermant ayant demandé la nullité des conventions la liant à la société Esso sur le fondement des articles 1129,1591,1170 et 1174 du Code civil;

que la cour d'appel, qui n'a pas méconnu les termes du litige, n'avait pas à s'expliquer sur une recherche qui ne lui était pas demandée;

que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Hermant aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 96-17472
Date de la décision : 03/06/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris (25e chambre, section B), 05 avril 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 03 jui. 1998, pourvoi n°96-17472


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.17472
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