La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/06/1998 | FRANCE | N°95-30248

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 03 juin 1998, 95-30248


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société East Europ Trading, société anonyme, dont le siège social est ..., représentée par son président-directeur général M. Sever Y..., en cassation d'une ordonnance rendue le 12 octobre 1995 par le tribunal de grande instance de Dijon, au profit de M. X... général des Impôts, domicilié ..., défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque à l'appui de son pourvoi, les six moyens de cassation annexés au

présent arrêt :

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société East Europ Trading, société anonyme, dont le siège social est ..., représentée par son président-directeur général M. Sever Y..., en cassation d'une ordonnance rendue le 12 octobre 1995 par le tribunal de grande instance de Dijon, au profit de M. X... général des Impôts, domicilié ..., défendeur à la cassation ;

La demanderesse invoque à l'appui de son pourvoi, les six moyens de cassation annexés au présent arrêt :

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 7 avril 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Ponsot, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneron, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Alain Monod, avocat de la société East Europ Trading, de Me Foussard, avocat de M. X... général des Impôts, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que par ordonnance du 12 octobre 1995 le président du tribunal de grande instance de Dijon, a autorisé des agents de la direction générale des Impôts, en vertu de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, à effectuer une visite et une saisie de documents dans les locaux de la SARL Ariane Trucks et de la SARL Distribution SM, route nationale n° 5 à Soirans (Côte d'Or), en vue de rechercher la preuve de la fraude fiscale des sociétés SMIT (SM International Transactions), EET (East Europ Trading) et CIA (Compagnie d'informatique et d'automatisme) ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la défense :

Attendu que le directeur général des Impôts conteste la recevabilité du pourvoi, deux déclarations identiques ayant été faites au greffe du tribunal de grande instance de Dijon ;

Mais attendu que si une même partie en la même qualité ne peut former qu'un seul pourvoi contre la même décision, seules les déclarations subséquentes, et non déclarées rectificatives dans le délai de pourvoi, sont irrecevables pour cause de second pourvoi;

que la fin de non-recevoir n'est pas fondée en ce qui concerne le pourvoi enregistré à la Cour de Cassation sous le numéro R 95-30.248 et effectué sur le 1er feuillet du greffe local ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la société EET fait grief à l'ordonnance d'avoir autorisé la visite et saisie litigieuses, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le juge doit statuer dans le cadre de la demande qui lui est présentée;

qu'en l'espèce, la requête de l'administration des Impôts visait les locaux professionnels de Dijon des sociétés SMIT, EET, CIA France;

que, dès lors, en autorisant les visites et saisies dans les locaux des sociétés Ariane Truck et Distribution SM, l'ordonnance attaquée a excédé ses pouvoirs en violation des articles L. 16 B du Livre des procédures fiscales et 4 du nouveau Code de procédure civile;

alors, d'autre part, que le juge est tenu de définir expressément l'identité de l'occupant pour chaque local à visiter;

qu'en l'espèce, en se bornant à autoriser les visites "dans les locaux professionnels et dépendances occupés en droit et/ou en fait par SARL Ariane Truck et/ou SARL Distribution SM", sans déterminer si les locaux étaient communs aux sociétés visées, et, dans la négative, quel était l'occupant exact de ces locaux, l'ordonnance attaquée a statué par un dispositif alternatif et hypothétique en violation des articles L. 16 B du Livre des procédures fiscales et 455 du nouveau Code de procédure civile;

alors, enfin, que le juge doit être certain que les locaux dont il autorise la visite sont occupés par les sociétés qui font l'objet de la perquisition;

qu'en l'espèce, en se bornant à autoriser les visites dans les locaux professionnels et les dépendances occupés en droit et/ou en fait par la SARL Ariane Truck et/ou la SARL Distribution SM, route nationale 5, 21110 Soirans, sans avoir vérifié si les locaux à visiter étaient effectivement occupés par les sociétés, objets des perquisitions et visites, l'ordonnance attaquée a statué en violation des articles L. 16 B du Livre des procédures fiscale et 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la requête de l'administration fiscale vise sept lieux différents dont ceux situés RN 5 à Soirans;

que l'ordonnance relève que la société Ariane Truck est détenue à hauteur de 50 % de son capital par la SARL SMIT, que la SARL Distribution SM a pour gérant M. Y... et qu'elles sont susceptibles de détenir des documents pouvant illustrer la fraude des sociétés SMIT, EET et CIA;

que le moyen manque en fait dans sa première branche et n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société anonyme EET fait aussi grief à l'ordonnance d'avoir autorisé la visite et saisie litigieuses, alors, selon le pourvoi, que l'ordonnance doit établir un lien direct entre les pouvoirs d'investigation donnés et les présomptions d'infraction;

que tel n'est pas le cas de l'ordonnance attaquée qui retient une présomption de fraude générale pour tout ce qui touche de près ou de loin MM. Y... et Z... de Torcy, sans distinguer entre l'impôt sur les sociétés, l'impôt sur le revenu et la TVA;

qu'ainsi, l'autorisation donnée à l'Administration est illimitée quant aux pouvoirs d'investigation qu'elle confère, en violation de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu que l'ordonnance n'autorise que la recherche de la preuve de la fraude des sociétés SMIT, EET et CIA au regard de l'impôt sur les bénéfices des sociétés et de la TVA;

qu'en autorisant les visites et saisies nécessaires à la recherche de cette preuve, l'ordonnance n'a pas étendu l'autorisation au-delà du champ limitativement retenu;

que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les troisième et quatrième moyens, pris en leurs deux branches, réunis :

Attendu que la société anomyme EET fait encore grief à l'ordonnance d'avoir autorisé la visite et saisie litigieuses, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la procédure des visites et saisies domiciliaires est une procédure exceptionnelle qui exige des moyens d'investigations exceptionnels;

que de simples discordances entre les déclarations faites aux services fiscaux et celles faites aux services des douanes pouvaient être élucidées par un contrôle fiscal ordinaire;

que dès lors, en l'espèce, en estimant que les discordances relevées entre les montants d'exportations déclarés à l'administration des Douanes et à l'administration des Impôts permettaient le recours à la procédure des visites et saisies, sans justifier autrement la mise en oeuvre de cette procédure exceptionnelle, l'ordonnance attaqué a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales;

alors, d'autre part, que la comparaison des exportations déclarées à l'administration des Douanes et à l'administration des Impôts impliquait comparaison des déclarations en douane et des déclarations TVA CA 34;

qu'en l'espèce, il ressort des motifs de l'ordonnance et de la liste des pièces fournies par l'Administration que le juge n'a pris en compte que les déclarations 2065 et non les déclarations CA 34 pour les rapprocher des déclarations détenues par les Douanes ;

qu'ainsi, l'ordonnance est privée de base légale au regard de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales;

alors encore, qu'en retenant de façon hypothétique l'existence d'une présomption d'avoirs en Roumanie "qui pourraient être transférés en France par la Dacia Félix Bank", l'ordonnance attaquée a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

et alors, enfin, que des faits constatés par le juge, relativement aux déclarations d'exportation, il ne pouvait résulter qu'une présomption éventuelle de fraude à la TVA, à l'exclusion d'une dissimulation d'avoirs qui échapperaient à l'impôt sur les sociétés;

que dès lors, en retenant néanmoins, en l'espèce, l'existence d'une présomption de fraude constituée par la dissimulation d'avoirs en Roumanie pouvant être transférés en France par une banque contrôlée par M. Y... en France, l'ordonnance attaquée n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu que les moyens tendent à contester la valeur des éléments retenus par le juge comme moyens de preuve des agissements ;

que de tels moyens sont inopérants pour critiquer l'ordonnance dans laquelle le juge a recherché sans encourir le grief de la première branche du quatrième moyen, par l'appréciation des éléments fournis par l'Administration s'il existait des présomptions d'agissements visés par la loi justifiant la recherche de la preuve de ces agissements au moyen d'une visite en tous lieux même privés et d'une saisie de documents s'y rapportant;

que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;

Sur le cinquième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société anonyme EET fait au surplus grief à l'ordonnance d'avoir autorisé la visite et saisie litigieuses, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le juge ne peut se fonder sur des présomptions relatives à des exercices prescrits;

qu'en l'espèce, s'agissant d'une demande de l'Administration présentée en 1995, le juge ne pouvait se fonder sur des présomptions remontant au-delà de trois ans, soit au-delà de 1992 ;

que, dès lors, en prenant néanmoins en compte des faits relatifs aux années 1986, 1987, 1988, 1989, 1990 concernant les revenus déclarés par M. Y..., l'ordonnance attaquée a violé les articles L. 16 B, L. 168, L. 169, L. 173 du Livre des procédures fiscales;

et alors, d'autre part et subsidairement, qu'en se bornant à retenir que les revenus imposables déclarés par M. et Mme Y... n'auraient pu être suffisants pour financer les acquisitions mobilières et immobilières faites par ces derniers en 1993 et 1994, sans référence complète au patrimoine de M. et Mme Y..., et sans référence à aucun document attestant si ces acquisitions avaient été ou non effectuées avec un prêt, le juge, qui a néanmoins déduit une présomption de fraude de ses constatations, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu qu'il ne résulte pas des faits retenus par l'ordonnance, que le juge se soit fondé sur des présomptions relatives à des exercices manifestement prescrits;

que le moyen tend à contester le bien-fondé de l'imposition ou des poursuites pénales;

qu'un tel moyen ne peut être présenté que dans une instance engagée sur les résultats de la mesure autorisée;

que pour le surplus, le moyen tend à contester la valeur des éléments retenus par le juge comme moyens de preuve des agissements;

que de tels moyens sont inopérants pour critiquer l'ordonnance dans laquelle le juge a recherché par l'appréciation des éléments fournis par l'Administration s'il existait des présomptions d'agissements visés par la loi justifiant la recherche de la preuve de ces agissements au moyen d'une visite en tous lieux même privés et d'une saisie de documents;

que le moyen, qui ne peut être accueilli en sa première branche est mal fondé en sa seconde branche ;

Sur le sixième moyen :

Attendu que la société EET fait enfin grief à l'ordonnance d'avoir autorisé la visite et saisie litigieuses, alors, selon le pourvoi, que le juge peut, s'il l'estime utile, se rendre dans les locaux pendant la visite qu'il a autorisée, et en décider l'arrêt ou la suspension;

qu'ainsi, en l'espèce, en ne fixant pas lui-même la date d'intervention des visites et saisies, en n'ordonnant pas que cette date lui soit préalablement soumise et en se bornant à demander que les modalités du déroulement des visites soient portées à sa connaissance au plus tard le 15 novembre 1995, soit après l'expiration du délai de validité de son ordonnance, le juge a subordonné à l'attitude de l'Administration la possibilité pour lui de se rendre dans les locaux pendant la visite ou d'en ordonner l'arrêt ou la suspension;

qu'il a ainsi abdiqué ses pouvoirs de contrôle, en violation de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu qu'en fixant une date de caducité au 31 octobre 1995, le président du Tribunal, qui n'avait pas à fixer lui-même la date précise d'intervention des agents de l'Administration et qui a désigné nominativement l'officier de police judiciaire chargé d'assister aux opérations, de le tenir informé de leur déroulement et de veiller au respect des droits de la défense, n'a pas méconnu les exigences de l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales;

que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société E.E.T. aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Tribunal de grande instance de Dijon, 12 octobre 1995


Publications
Proposition de citation: Cass. Com., 03 jui. 1998, pourvoi n°95-30248

RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Formation : Chambre commerciale
Date de la décision : 03/06/1998
Date de l'import : 15/09/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 95-30248
Numéro NOR : JURITEXT000007386964 ?
Numéro d'affaire : 95-30248
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;1998-06-03;95.30248 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award