AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par l'Association communale de chasse agréée (ACCA) de Montelier, dont le siège est 26120 Montelier, en cassation d'un arrêt rendu le 16 janvier 1996 par la cour d'appel de Grenoble (1e chambre civile), au profit :
1°/ de M. Yves Y...,
2°/ de Mme Irène X... épouse Y..., demeurant ensemble ..., défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 30 avril 1998, où étaient présents : M. Zakine, président, M. de Givry, conseiller rapporteur, MM. Chevreau, Guerder, Pierre, Dorly, Mme Solange Gautier, conseillers, M. Mucchielli, Mme Kermina, conseillers référendaires, M. Monnet, avocat général, Mme Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. de Givry, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de l'ACCA de Montelier, les conclusions de M. Monnet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt infirmatif attaqué (Grenoble, 16 janvier 1996) que, victimes de dégâts causés par des lapins de garenne à leur plantation d'arbres fruitiers, les époux Y... ont demandé à l'Association communale de chasse agréée (ACCA) de Montelier la réparation de leur préjudice ;
Attendu, qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné l'ACCA à réparer les dommages subis;
alors, selon le moyen, d'une part, que la responsabilité d'une ACCA n'est pas présumée et ne peut être recherchée, pour la réparation de dégâts causés aux cultures par des lapins, que sur le fondement de la faute prouvée;
qu'en déduisant de l'apparition subite de lapins et de l'importance des dégâts subis, une surpopulation de lapins imputable à l'ACCA sans caractériser la moindre faute commise par celle-ci dans la gestion de ce gibier, la cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil;
d'autre part, que l'ACCA de Montelier faisait valoir en s'appuyant sur le rapport d'expertise, que l'importance des dégâts s'expliquait non par une surpopulation de lapins, mais par la nature de la culture pratiquée par les époux Y... qui ont planté des arbres fruitiers à proximité des bois et des talus prenant, ainsi, un risque délibéré;
qu'en ne répondant pas à ces conclusions de nature à exclure la responsabilité de l'ACCA et à démontrer au contraire la faute des victimes à l'origine de leurs propres dommages, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
qu'enfin et en toute hypothèse, la cour d'appel qui, avec l'expert constate que l'ACCA a été prévenue trop tardivement des dégâts pour pouvoir agir préventivement et qui lui laisse néanmoins l'entière responsabilité des dégâts, n'a pas tiré les conséquences légales des propres constatations de fait au regard de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que l'ACCA, responsable de la gestion de son territoire a été surprise, comme les propriétaires des parcelles endommagées qui n'avaient pas à prendre de précautions particulières, par l'apparition subite de lapins dont la surpopulation est établie à elle seule par l'ampleur des dégâts sur un espace et pendant un temps limités;
que de ces constatations et énonciations, la cour d'appel, répondant aux conclusions, a pu déduire que cette association avait commis une faute de négligence en n'anticipant pas sur les effets du climat ou de l'absence de maladies qui régulent naturellement la population des lapins et décider qu'elle était entièrement responsable des dégâts ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne l'ACCA de Montelier aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.