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19/05/1998 | FRANCE | N°96-40641

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 mai 1998, 96-40641


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la Société armoricaine d'investissements (SAI), société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 5 décembre 1995 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), au profit de M. Christian X..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 24 mars 1998, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Desjardins, conseiller rapporteur, MM. Waquet, Merlin, Brissier, Finance, Texier, Lan

quetin, Mme Lemoine-Jeanjean, conseillers, M. Boinot, Mmes Bourgeot, Trassoudaine...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la Société armoricaine d'investissements (SAI), société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 5 décembre 1995 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), au profit de M. Christian X..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 24 mars 1998, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, M. Desjardins, conseiller rapporteur, MM. Waquet, Merlin, Brissier, Finance, Texier, Lanquetin, Mme Lemoine-Jeanjean, conseillers, M. Boinot, Mmes Bourgeot, Trassoudaine-Verger, MM. Richard de la Tour, Soury, Besson, Mme Duval-Arnould, conseillers référendaires, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Desjardins, conseiller, les observations de Me Blondel, avocat de la Société armoricaine d'investissements, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 5 décembre 1995), que M. X... a été engagé en qualité de directeur général le 1er décembre 1990 par la Société armoricaine de traitement de surfaces (SATS), qui fait partie du groupe Société armoricaine d'investissements (SAI);

que son contrat de travail, régi par la Convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie, comportait une clause de non-concurrence applicable durant un an sur 18 départements;

qu'en mars 1991, il a été nommé, en outre, directeur du développement industriel de la société holding SAI, qui regroupait alors 4 sociétés, ce nombre ayant été porté à 10 ultérieurement;

qu'en septembre 1991, il a encore été nommé directeur général d'une autre filiale, la Société Anjou-Electrolyse;

qu'en mars 1993, la société SAI a procédé au recrutement d'un directeur industriel et a proposé à M. X... de devenir directeur commercial, en conservant les avantages financiers de sa situation antérieure;

qu'estimant qu'il s'agissait d'une rétrogradation, il a refusé de signer le projet de contrat qui lui avait été soumis;

que, par lettre du 19 avril 1993, il a reçu notification d'une mise à pied conservatoire et d'une convocation à un entretien préalable;

qu'il a ensuite été licencié avec un préavis de trois mois par une lettre du 11 mai 1993, lui reprochant, d'une part, le refus de la limitation de ses attributions aux fonctions de directeur commercial, d'autre part, un manque d'animation et de communication avec certains directeurs d'unité, une maîtrise et une compétence insuffisantes sur les plans technique et industriel et le fait d'avoir dénigré le groupe en présence de clients;

qu'il a saisi la juridiction prud'homale ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société SAI fait grief à l'arrêt d'avoir décidé qu'un salarié, M. X..., avait été licencié abusivement et d'avoir condamné l'employeur à lui payer une somme à titre d'indemnité, alors, selon le moyen, d'une part, que l'employeur est, sauf abus de droit nullement caractérisé, responsable de la bonne marche de l'entreprise, seul juge de l'opportunité de réorganiser ses services et de la manière dont il convient de le faire;

qu'en l'espèce, l'employeur, qui avait licencié l'intéressé en raison, comme le constate la cour d'appel, de son refus d'accepter un nouveau poste en l'état de changement de structures rendues nécessaires, soutenait, dans ses conclusions d'appel circonstanciées quant à ce, que cette modification avait été rendue indispensable par l'extension prise par le groupe depuis l'embauche du salarié, extension qui avait entraîné la nécessité de réorganiser ledit groupe, en éclatant les fonctions du directeur du développement industriel en celles de directeur commercial et de directeur technique;

qu'en décidant que le salarié aurait dû être maintenu à son poste de directeur du développement, cependant que la cour d'appel constatait que les activités du groupe SAI avaient considérablement évolué, cette cour d'appel, qui substitue sa propre appréciation au regard des nécessités de l'entreprise à celle de l'employeur et qui ne s'est pas prononcée par rapport à une restructuration imposée dans l'intérêt même de l'entreprise ayant justifié un recadrage des fonctions du salarié, ne justifie pas légalement son arrêt au regard des articles L. 122-14-3 et L. 321-1 du Code du travail;

alors, d'autre part et en toute hypothèse, que constitue une faute s'analysant à tout le moins comme un motif réel et sérieux de licenciement le fait pour un salarié, et tout particulièrement pour le cadre supérieur qui est un directeur du développement industriel, de faire des remarques sur le groupe qui l'emploie, fussent-elles justifiées et justifiables, auprès des clients de celle-ci;

d'où il suit qu'en retenant, pour décider que le grief tiré du dénigrement du groupe auprès des clients du groupe n'était pas établi, qu'on ne pouvait savoir si les remarques rapportées par les deux attestants avaient un caractère critique injustifié ou injustifiable, la cour d'appel ne justifie pas légalement son arrêt au regard de l'article L. 122-14-3 du Code du travail;

alors, en outre, qu'hypothétiques, les motifs par lesquels la cour d'appel a retenu qu'il apparaissait comme invraisemblable que le salarié se soit permis de critiquer son président qui, lui, le tenait en estime, sont insusceptibles de justifier l'arrêt, au regard des exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

et alors, enfin, que le fait que le salarié ait donné jusque là satisfaction dans son travail n'a pas pour effet de priver un motif de licenciement de son caractère réel et sérieux ;

d'où il suit qu'en retenant que le salarié n'avait pas fait l'objet de remarques antérieurement pour écarter le grief imputé, la cour d'appel se prononce à partir d'un motif inopérant et, partant, viole les dispositions combinées des articles 455 du nouveau Code de procédure civile et L. 122-14-3 du Code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a relevé que, dans sa lettre de licenciement du 11 mai 1993, fixant les termes du litige, la société SAI s'était fondée, d'une part, sur le refus opposé par M. X... à une modification de son contrat de travail rendue nécessaire par son incompétence à remplir ses fonctions de directeur du développement industriel, d'autre part, sur diverses fautes pouvant lui être imputées;

que sur le premier point elle a constaté que le grief d'incompétence allégué à l'encontre du salarié n'était pas prouvé;

qu'elle en a déduit exactement que celui-ci était en droit de refuser une modification de son contrat, assimilable à une rétrogradation qui limitait ses fonctions à la direction commerciale de l'entreprise ;

Et attendu ensuite que, s'agissant des autres fautes la cour d'appel, appréciant la valeur probante des deux attestations invoquées, a énoncé qu'elles étaient en contradiction avec d'autres témoignages, justifiant ainsi sa décision ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur le second moyen :

Attendu que la société SAI fait aussi grief à l'arrêt d'avoir alloué à un salarié licencié, M. X..., une somme à titre d'indemnité compensatrice de clause de non-concurrence, alors, selon le moyen, d'une part, que, tenue de tirer de ses propres constatations les conséquences légales qui en découlent, la cour d'appel, qui constatait que, faute de contrat écrit, la preuve de l'existence d'une clause de non-concurrence liant la société SAI elle-même n'était pas faite, ne pouvait condamner cependant cette société à payer l'indemnité compensatrice de ladite clause;

qu'en statuant comme elle l'a fait à partir de considérations tout à la fois alambiquées et inopérantes, la cour d'appel viole l'article 1134 du Code civil;

alors, d'autre part et en toute hypothèse, que le fait que le contrat écrit proposé au salarié par la société SAI le 1er janvier 1993 ait été la suite de celui qui avait été conclu entre le salarié et la société SATS à effet du 1er décembre 1990, n'impliquait pas nécessairement que ledit salarié et la société SAI avaient entendu soumettre le contrat verbal qui les liait aux conditions du contrat conclu naguère entre ce salarié et la société SATS ;

que le fait que le contrat passé entre le salarié et la société SATS n'ait pas été annulé n'impliquait pas davantage que le contrat verbal liant le salarié et la société SAI fût soumis aux conditions de ce contrat passé entre le salarié et la société SATS, spécialement au regard de la clause de non-concurrence;

d'où il suit qu'en retenant ces deux circonstances à l'appui de sa décision, la cour d'appel ne justifie pas son arrêt au regard de l'article 1134 du Code civil, de plus fort violé;

et alors, enfin, qu'en décidant que la société SAI avait agi pour le compte de sa filiale, la société SATS, sans préciser les éléments de fait d'où cela résultait, la cour d'appel affirme et, ce faisant, méconnaît les exigences de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que, lorsqu'elle avait offert à M. X... un nouveau contrat de directeur commercial, la société SAI avait elle-même considéré que le contrat de travail verbal qu'elle avait auparavant conclu avec ce salarié était la suite de celui qui existait déjà entre la société SATS et lui et qui comportait une clause de non-concurrence, de sorte que de nouvelles fonctions avaient été confiées à M. X... sans qu'il ait été mis fin à ce contrat;

qu'elle a constaté, en outre, par des motifs non critiqués par le pourvoi, qu'en prenant l'initiative de licencier M. X... de l'emploi de directeur du développement industriel qu'il occupait à son service, la société SAI, dont le président-directeur général était aussi président-directeur général de la société SATS, avait aussi rompu, de fait, le contrat de travail qui continuait de lier l'intéressé à cette société;

qu'ayant ainsi fait ressortir que, vis-à-vis de ce dernier, les sociétés SAI et SATS avaient la qualité de co-employeurs, elle a pu en déduire que la première avait agi pour le compte de la seconde, sa filiale, et qu'ayant déclenché la mise en oeuvre de la clause de non-concurrence en rompant le contrat de travail, elle se trouvait tenue avec elle au paiement de la contrepartie financière de cette clause;

qu'elle a ainsi justifié légalement sa décision;

que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société SAI aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société SAI à payer à M. X... la somme de 5 000 francs ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 96-40641
Date de la décision : 19/05/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes (5e chambre), 05 décembre 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 mai. 1998, pourvoi n°96-40641


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GELINEAU-LARRIVET

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.40641
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