AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°/ M. Maurice Z...,
2°/ Mme Simone Y..., épouse Z..., demeurant ensemble ..., en cassation d'un arrêt rendu le 1er juin 1995 par la cour d'appel de Paris (16ème chambre, section B), au profit de Mlle X..., Ruthy A..., demeurant ..., défenderesse à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 24 mars 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, Mme Mouillard, conseiller référendaire rapporteur, M. Nicot, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Mouillard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, avocat des époux Z..., de la SCP Defrenois et Levis, avocat de Mlle A..., les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que les époux Z... font grief à l'arrêt attaqué (Paris, 1er juin 1995) de les avoir condamnés à payer à Mlle A..., à qui ils ont vendu une officine de pharmacie, la somme de 346 144,53 francs avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt alors, selon le pourvoi, d'une part, que les juges du fond ont l'obligation de préciser le fondement juridique de leur décision;
qu'en condamnant les vendeurs du fond de commerce à verser à l'acquéreur une somme correspondant à la surévaluation qui avait prétendument été faite du bien, sans préciser en aucune manière le fondement juridique de sa décision, la cour d'appel a violé l'article 12 du nouveau Code de procédure civile;
alors, d'autre part, qu'en tout état de cause, et à supposer qu'une faute ait pu être reprochée aux vendeurs, la cour d'appel devait rechercher si, même en ayant eu connaissance du fait supposé fautif, l'acquéreur n'aurait quand même pas acquis le bien au même prix;
qu'en ne s'expliquant pas sur l'existence d'un lien de causalité entre la faute prétendue et le préjudice allégué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1108 et suivants, 1146 et suivants et 1602 et suivants du Code civil;
et alors, enfin, qu'en toute hypothèse, le préjudice s'évalue au jour où le juge statue et non au jour où la faute a été commise;
qu'en retenant qu'il convenait pour apprécier le préjudice de se placer au moment de la vente et non de tenir compte de l'évolution postérieure du chiffre d'affaires de la pharmacie, la cour d'appel a violé l'article 1149 du Code civil ;
Mais attendu que l'article 13 de la loi du 29 juin 1935, qui renvoie aux articles 1644 et 1645 du Code civil, prévoit que le vendeur est tenu à garantie en raison de l'inexactitude de ses énonciations, assimilée à une vice caché dans les conditions édictées par ces articles;
qu'ayant retenu que des ventes irrégulières avaient été comprises dans le chiffre d'affaires de l'exercice qui avait servi de base au prix de vente de l'officine, lequel s'en était ainsi trouvé artificiellement majoré, ce que l'acquéreur ne pouvait déceler avant la vente, la cour d'appel a alloué à Mlle A... la somme correspondant à la surévaluation de l'officine ainsi que les dommages-intérêts en résultant;
qu'en cet état, si la cour d'appel n'a pas précisé le fondement juridique de cette condamnation, qui n'était pas discuté, sa décision n'en est pas moins légalement justifiée;
d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en sa première branche et que les deux autres sont inopérantes ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, les condamne à payer à Mlle A... la somme de 10 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.