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13/05/1998 | FRANCE | N°97-82888

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 mai 1998, 97-82888


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire POISOT, les observations de Me Z... et de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de GOUTTES ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Y... Rabah, contre l'arrêt de la cour d'assises de la MAYENNE, en date du 10 avril 1997,

qui l'a condamné, pour vols avec arme, à 12 ans de réclusion criminelle, à l'inte...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire POISOT, les observations de Me Z... et de la société civile professionnelle CELICE, BLANCPAIN et SOLTNER, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général de GOUTTES ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- Y... Rabah, contre l'arrêt de la cour d'assises de la MAYENNE, en date du 10 avril 1997, qui l'a condamné, pour vols avec arme, à 12 ans de réclusion criminelle, à l'interdiction pendant cinq ans des droits civiques, civils et de famille, à l'exclusion du droit d'assister ou de représenter une partie en justice, à l'interdiction de séjour pendant cinq ans et à la confiscation de l'arme et des munitions saisies, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 310, 802 du Code de procédure pénale et 6 paragraphe 1 et 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

"en ce que le procès-verbal des débats mentionne que le président, agissant sur demande du conseil de Kamel X..., co-accusé de Rabah Y..., et en vertu de son pouvoir discrétionnaire, a ordonné le versement aux débats, de documents nouveaux qui n'ont été communiqués qu'au ministère public et aux conseils des parties civiles (cf. procès-verbal p.13 in fine, et p.14 in limine) ;

"alors qu'en omettant de communiquer ces documents à Rabah Y... et à ses conseils, le président a violé le principe du contradictoire et méconnu les droits de la défense" ;

Attendu que le procès-verbal des débats constate qu'à la demande des avocats de Kamel X..., coaccusé de Rabah Y..., le président, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, a ordonné le versement aux débats de factures de matériaux, d'un acte d'achat de terrains, d'un permis de construire et d'un avis à payer une taxe préfectorale ;

Attendu qu'il ne résulte pas de cette mention, ni d'aucune autre, que Rabah Y... ou ses conseils aient demandé la communication de ces pièces ni que cette communication leur ait été refusée;

que ce n'est que dans une telle hypothèse qu'eût pu être invoquée une violation des droits de la défense;

que, tel n'étant pas le cas en l'espèce, le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 316, 802 du Code de procédure pénale et 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

"en ce que, statuant par deux arrêts incidents, la Cour a rejeté les conclusions de Rabah Y... tendant :

- d'une part à ordonner, sur la base de son passeport, toutes mesures utiles de nature à vérifier son entrée et sa sortie sur le territoire algérien au mois d'août 1992 ;

- d'autre part à ordonner l'audition en qualité de témoin, du responsable de l'agence Air Algérie aux fins d'apporter toutes précisions utiles sur les mentions figurant sur le billet d'avion émis par cette compagnie aérienne le 12 août 1992 ;

"aux motifs qu'au vu des résultats de l'instruction orale à laquelle il a été procédé, les demandes sollicitées dans les conclusions ne sont pas indispensables à la manifestation de la vérité (procès-verbal p.19 in fine, p.20 et p.21 in limine) ;

"alors que les arrêts de la Cour, statuant sur un incident contentieux doivent être motivés à peine de nullité;

qu'en se bornant à affirmer, sans en justifier, que les demandes d'instruction complémentaire formées par Rabah Y... n'étaient pas indispensables à la manifestation de la vérité, la Cour a privé sa décision de motifs" ;

Attendu que Rabah Y... ayant, par conclusions, sollicité un supplément d'information pour vérifier s'il était présent en France au moment des faits, la Cour, après avoir sursis à statuer jusqu'à la fin des débats, a, par arrêts insérés au procès-verbal, rejeté sa demande au motif qu'au vu des résultats de l'instruction orale à l'audience, une telle mesure n'était pas indispensable à la manifestation de la vérité ;

Attendu qu'en l'état de cette appréciation souveraine, il n'a été porté aucune atteinte aux dispositions légales et conventionnelles invoquées ;

D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 311, 316, 328, 802 du Code de procédure pénale, 6 paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

"en ce que, statuant par arrêt incident, la Cour a rejeté les conclusions de Rabah Y... tendant à ce qu'il lui soit donné acte de ce que l'attitude d'un conseiller qui s'est abstenu de visionner une cassette vidéo enregistrée par une caméra de surveillance lors des faits de vol avec arme commis le 10 juillet 1992 et reprochés audit demandeur, a constitué une manifestation d'opinion ;

"aux motifs que la Cour ne peut légalement donner acte que de faits;

qu'en l'espèce la demande formulée supposerait de la part de la Cour qu'elle se livre à l'interprétation d'un fait (procès-verbal p. 18) ;

"alors que le président est tenu de faire respecter l'obligation, par les assesseurs, de ne pas manifester leur opinion" ;

Attendu que le procès-verbal des débats constate que le 10 avril 1997, à l'ouverture des débats, le président a brisé le scellé n° 1 contenant l'enregistrement de la caméra de surveillance de l'agence du Crédit Mutuel de Laval et a fait procéder à sa projection à deux reprises compte tenu de la configuration de la salle d'audience;

qu'après cette projection, le scellé a été reconstitué ;

Attendu cependant, qu'après la reconstitution du scellé, le président a ordonné qu'il soit rouvert et a fait procéder à une troisième projection à l'intention de la Cour;

qu'à l'issue de cette projection, les avocats de Rabah Y... ont demandé que leur soit donné acte que l'un des assesseurs n'avait pas participé aux deux premières projections et que cette attitude constitutive, selon eux, d'une manifestation publique d'opinion, ne pouvait être réparée par le "visionnage" ultérieur du film;

que, par arrêts insérés au procès-verbal, la Cour, tout en reconnaissant l'exactitude du fait dénoncé, a refusé de lui donner la même interprétation que la défense ;

Attendu qu'en l'état de ces constatations, le moyen ne peut qu'être écarté ;

Mais sur le quatrième moyen de cassation, pris de la violation des articles 379, 384, alinéa 2, de l'ancien Code pénal, 311-1, 311-8 du Code pénal, 1382 du Code civil, 2, 3, 371 et suivants du Code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'assises a condamné Rabah Y... à payer, seul, à la Fédération du Crédit Mutuel, la somme de 23 963,77 francs, incluant celle de 1 013,77 francs pour troubles occasionnés par l'enquête, et solidairement, avec Kamel X... à la Société Générale la somme de 54 080 francs ;

"alors, qu'il ne résulte pas directement de l'infraction de vol avec arme les troubles occasionnés par l'enquête consécutive à cette infraction ;

"alors que, Rabah Y... avait été déclaré coupable d'avoir frauduleusement soustrait la somme de 44 080 francs au préjudice de la Société Générale, laquelle avait sollicité sa condamnation au paiement de cette même somme;

qu'en le condamnant néanmoins à payer à la Société Générale la somme de 54 080 francs, la Cour a violé les textes susvisés" ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que ne peuvent donner lieu à réparation que les seuls dommages en relation directe avec l'infraction ;

Attendu que, par ailleurs, si les juges apprécient souverainement le préjudice subi par la victime sans avoir à spécifier les bases de leur calcul, c'est à la condition qu'ils statuent dans les limites des conclusions des parties ;

Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que Rabah Y... a été condamné à payer à la Fédération du Crédit Mutuel la somme de 1 013,77 francs pour troubles occasionnés par l'enquête ;

Attendu en outre que la Société Générale a sollicité la condamnation solidaire de Rabah Y... et de son coaccusé Kamel X... :

1°) au paiement de la somme de 44 080 francs en remboursement des sommes dérobées,

2°) au paiement de la somme de 30 000 francs au titre de l'article 375 du Code de procédure pénale, Attendu que la cour d'assises a condamné les deux accusés à payer solidairement à cette partie civile :

1°) la somme de 54 080 francs,

2°) la somme de 15 000 francs au titre des frais irrécouvrables ;

Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'assises a méconnu les principes ci-dessus énoncés ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs,

I - Sur le pourvoi en ce qu'il concerne l'arrêt pénal :

Attendu que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la Cour et le jury ;

REJETTE le pourvoi ;

II - Sur le pourvoi en ce qu'il concerne l'arrêt civil :

Vu l'article 612-1 du Code de procédure pénale ;

CASSE et ANNULE l'arrêt précité du 10 avril 1997 ayant prononcé sur les intérêts civils, en ses seules dispositions concernant d'une part, la condamnation prononcée contre Rabah Y... au profit de la Fédération du Crédit Mutuel, et, d'autre part, les condamnations solidaires prononcées à l'encontre de Rabah Y... et Kamel X... au profit de la Société Générale ;

Et pour être a nouveau jugé, conformément à la loi, RENVOIE la cause et les parties devant le tribunal civil de Rennes, à ce désigné par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises de la MAYENNE, sa mention en marge où à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Guilloux conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Poisot conseiller rapporteur, M. Massé de Bombes, Mme Baillot, MM. Le Gall, Farge, Pelletier conseillers de la chambre ;

Avocat général : M. Géronimi ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-82888
Date de la décision : 13/05/1998
Sens de l'arrêt : Cassation rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'assises de la MAYENNE, 10 avril 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 13 mai. 1998, pourvoi n°97-82888


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GUILLOUX conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.82888
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