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13/05/1998 | FRANCE | N°95-15748

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 13 mai 1998, 95-15748


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par Mme Jacqueline C..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 9 mai 1995 par la cour d'appel de Paris (1re chambre, section A), au profit :

1°/ de Mme Jeanne Z...
X..., ès qualités de directrice de la publication du magazine l'Estampille-l'Objet d'art, domiciliée ...,

2°/ de la société Editions Faton, dont le siège est ..., défenderesses à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux

moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 1er avril 1...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par Mme Jacqueline C..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 9 mai 1995 par la cour d'appel de Paris (1re chambre, section A), au profit :

1°/ de Mme Jeanne Z...
X..., ès qualités de directrice de la publication du magazine l'Estampille-l'Objet d'art, domiciliée ...,

2°/ de la société Editions Faton, dont le siège est ..., défenderesses à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 1er avril 1998, où étaient présents : M. Chevreau, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Guerder, conseiller rapporteur, M. Dorly, Mme Solange Gautier, M. de Givry, conseillers, Mme Kermina, conseiller référendaire, M. Monnet, avocat général, Mlle Laumône, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Guerder, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de Mme C..., les conclusions de M. Monnet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le premier moyen :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 9 mai 1995) et les productions, que la revue mensuelle L'Estampille-l'Objet d'art a publié, en septembre 1993, un dossier, annoncé en page de couverture par le titre Affaire B... - La justice malade de ses experts", constitué par deux articles, intitulés respectivement Surprises de l'expertise et recours au pénal", et La justice ne s'est pas donné les moyens de sa jurisprudence", relatant les procès opposant, devant les juridictions civiles et pénales, les acquéreurs de meubles d'époque à leur vendeur, en raison de la contestation de leur authenticité;

que le dossier était illustré par les photographies de plusieurs meubles, accompagnées des mentions de leur facture, des appréciations d'un expert judiciaire, et de celles de techniciens sollicités par les acheteurs;

que Mme C..., mise en cause en qualité d'antiquaire vendeur des meubles, a assigné Mme A..., directeur de la publication du journal, et la société Editions Faton en réparation du préjudice occasionné par l'atteinte portée à sa réputation professionnelle ;

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir débouté Mme C... de ses demandes, alors, d'une part que Mme C..., dans ses conclusions devant la cour d'appel, avait fait valoir que, ainsi que les premiers juges l'avaient retenu, l'article de la revue L'Estampille-l'Objet d'art, par l'absence d'indication claire de la différence de nature entre les trois expertises amiables dont se prévalaient les époux B... et l'expertise judiciaire favorable à Mme C..., la publication "complète en pleine page et ainsi démesurée" du jugement, soumis à appel, de relaxe de l'incrimination de dénonciation calomnieuse des époux B... par le tribunal de grande instance de Carpentras, avaient pour effet de laisser comprendre aux lecteurs que la position de ceux-ci, dans le litige les opposant à Mme C... sur la valeur du contrat par lequel cette antiquaire leur avait vendu des meubles, était bien fondée, ce qui mettait en cause les qualités professionnelles de Mme C..., dont le nom aurait pu ne pas être cité, et constituait un manquement du journaliste à son obligation de prudence ;

qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

et alors d'autre part, qu'en ne recherchant pas, comme elle y était invitée, si par la présentation des faits, n'attirant pas l'attention des lecteurs sur l'inégale valeur probatoire des trois expertises amiables dont se prévalaient M. et Mme B... et l'expertise judiciaire et donnant une importance démesurée à la production en pleine page du jugement de relaxe de ceux-ci, frappé d'appel, le journaliste n'avait pas laissé comprendre que la thèse de M. et Mme B... dans le litige les opposant à Mme C... était bien fondée, ce qui mettait directement en cause la compétence professionnelle de Mme C..., dont le nom aurait pu ne pas être cité, et ainsi manqué à son obligation de prudence, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que l'arrêt relève que les articles avaient pour auteurs Mme d'Y... et M. Z...;

qu'aucune faute personnelle n'étant imputée à Mme A..., c'est à bon droit que la cour d'appel a écarté sa responsabilité de directeur de la publication, sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, seul invoqué par la demanderesse ;

Et attendu que l'arrêt retient que les journalistes ont voulu attirer l'attention de leurs lecteurs sur la "crédibilité" de l'expertise en matière d'oeuvres d'art et sur les conséquences dommageables, notamment financières, que présentent pour les amateurs et clients la divergence d'opinion des experts;

qu'on ne peut donc leur imputer à faute d'avoir relaté en détail une affaire, selon eux, exemplaire par "son aspect caricatural" en l'illustrant par la reproduction de quelques uns des biens mobiliers dont l'authenticité et la valeur étaient contestées par certains experts et admises par d'autres;

qu'après avoir indiqué les conditions dans lesquelles les époux B... avaient mandaté les époux C... pour l'achat de meubles authentiques, si les journalistes précisent qu'après les acquisitions réalisées par les premiers, les ennuis ont commencé lorsque certains de leurs amis ont exprimé leur perplexité quant à cette authenticité, cette remarque n'a rien de fautif envers Mme C... dont, compte tenu de la divergence des opinions émises par les experts, les qualités professionnelles ne sont pas mises en cause;

que l'arrêt précise que les indications des dates et lieux des faits ainsi que des noms des parties et des experts ne sont ni mensongères ni tronquées;

qu'en admettant, dans ces conditions, la licéité du rappel des vicissitudes entraînées, notamment au plan procédural, par la contestation de l'authenticité des objets d'art, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a pu décider qu'aucune faute d'aucune sorte n'était constituée contre la société éditrice ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen :

Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir débouté Mme C... de ses demandes en s'abstenant d'examiner l'incidence de la publication d'un autre article, dans le même journal, en novembre 1994, alors que l'introduction d'une instance devant le tribunal de grande instance n'a pas pour conséquence d'interdire à la partie demanderesse d'invoquer les faits postérieurs à la date de l'assignation, soit à l'appui de ses prétentions initiales, soit à l'appui de prétentions complémentaires, qu'en se refusant ainsi à examiner les termes d'un article publié dans la revue l'Estampille-l'Objet d'art de novembre 1994, dont Mme C... soutenait qu'il prouvait la volonté de la dénigrer et de lui nuire résultant du premier article incriminé et aggravait le préjudice résultant des agissements antérieurs de Mme A... et de la société Z..., ce qui justifiait une élévation du montant de l'indemnité allouée par le Tribunal, la cour d'appel a, d'une part, refusé d'examiner un moyen soutenu à l'appui de la prétention initiale, violant ainsi les articles 4, 6 et 455 du nouveau Code de procédure civile, d'autre part privé sa décision de base légale au regard des articles 4, 65 et 564 du nouveau Code de procédure civile, faute d'avoir recherché si la réparation sollicitée du dommage causé par l'article de novembre 1994 ne se rattachait pas par un lien suffisant à la demande originaire ;

Mais attendu qu'en décidant, après avoir analysé les prétentions de Mme C... relatives à sa mise en cause par un article publié en novembre 1994, que dans le cadre de l'instance introduite le 1er octobre 1993, Mme C... ne pouvait faire état de faits survenus postérieurement à cette date, pour caractériser une faute antérieure, la cour d'appel, qui n'avait pas à examiner l'aggravation éventuelle du préjudice en l'absence de faute initiale, n'a violé aucun des textes susvisés ;

D'où il suit que le moyen ne saurait être admis ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme C... aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


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