AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°/ la Compagnie papetière Berges, dont le siège est à Pourlande, 09190 Saint-Lizier,
2°/ la société Iso Y..., dont le siège est ...,
3°/ M. Jean-Lucien X..., demeurant ..., ès qualité de représentant des créanciers au redressement judiciaire de la Compagnie Papetière Berges,
4°/ M. Luc Z..., demeurant ..., ès qualité d'administrateur au redressement judiciaire de la Compagnie papetière Berges, en cassation d'un arrêt rendu le 3 avril 1995 par la cour d'appel de Toulouse (2e chambre, 1re section), au profit de la société Compagnie pyrénéenne hydroélectrique, société anonyme, dont le siège est au Bourg, 09190 Saint-Lizier, défenderesse à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 17 mars 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Lassalle, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, MM. Grimaldi, Apollis, Tricot, Badi, Mme Aubert, M. Armand-Prevost, Mme Vigneron, conseillers, Mme Geerssen, M. Rémery, Mme Graff, conseillers référendaires, M. Jobard, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Lassalle, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la Compagnie papetière Berges, de la société Iso Y..., de MM. X... et Z..., ès qualités, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la Compagnie pyrénéenne hydroélectrique, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement ayant, après expertise, condamné les sociétés Iso Y... et Compagnie papetière Berges à payer à la société Compagnie pyrénéenne hydroélectrique (société CPH) diverses sommes pour prix de l'énergie électrique fournie en exécution d'un contrat conclu le 5 avril 1985 entre celle-ci et la société Papeterie Philippe Bergès mise ultérieurement en redressement judiciaire et dont elles sont les cessionnaires, en vertu du jugement ayant arrêté le plan de redressement de l'entreprise ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné les sociétés Iso Y... et Compagnie papetière Berges au paiement, alors, selon le pourvoi, d'une part, que tout jugement doit contenir les motifs propres à soutenir la solution retenue;
qu'en se bornant à se référer, pour rejeter les moyens soulevés par elles, à un arrêt rendu le même jour dans une instance distincte, serait-ce entre les mêmes parties, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;
et alors, d'autre part, qu'en tout état de cause, la cassation à intervenir de l'arrêt auquel s'est référé la cour d'appel, emportera l'annulation par voie de conséquence de l'arrêt qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire, et ce en application de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel en se référant à l'arrêt n° 262 rendu le même jour dans la même cause qui revêtu de l'autorité de chose jugée, a dit valable le contrat du 5 avril 1985, a motivé sa décision ;
Attendu, d'autre part, que le pourvoi formé contre ledit arrêt a été rejeté ce jour par la Chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Et sur le second moyen :
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné les sociétés Iso Y... et Compagnie papetière Berges à payer à la société CPH une certaine somme à titre de dommages-intérêts;
alors, selon le pourvoi, que les juges du fond ne peuvent allouer au créancier des dommages-intérêts distincts des intérêts moratoires sans constater l'existence pour lui d'un préjudice indépendant du retard apporté au paiement par le débiteur et causé par sa mauvaise foi;
qu'en les condamnant à payer à la société CPH des dommages-intérêts pour résistance abusive, sans préciser en quoi les moyens soulevés par elles en défense caractérisent leur mauvaise foi, ni constater l'existence d'un préjudice distinct du retard en résultant pour la société CPH, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1153 du Code civil ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs adoptés, relevé que la société CPH avait dû engager une procédure pour faire reconnaître ses droits et recourir à une expertise judiciaire et, par motifs propres, que les sociétés appelantes avaient multiplié les incidents pour se refuser par des motifs fallacieux à payer l'électricité qu'elles consommaient, la cour d'appel a caractérisé la mauvaise foi et le préjudice, distinct du retard subi par la société CPH;
que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen relevé d'office, après avertissement donné aux parties :
Vu l'article 48 de la loi du 25 janvier 1985 ;
Attendu que sous réserve des dispositions relatives aux instances devant la juridiction prud'homale, les instances en cours sont suspendues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance;
qu'elles sont reprises à l'initiative du créancier demandeur dès que celui-ci a produit à la juridiction saisie une copie de la déclaration de sa créance et mis en cause le représentant des créanciers ainsi que, le cas échéant, l'administrateur;
que, toutefois, elles tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant ;
Attendu que la société Compagnie papetière Berges a été mise en redressement judiciaire durant l'instance d'appel;
que l'arrêt l'a, en présence du représentant des créanciers et de l'administrateur judiciaire, condamné à payer à la société CPH le montant de sa créance ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'elle pouvait seulement sous réserve de justification de la déclaration, constater la créance et en fixer le montant, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il a condamné la société Compagnie papetière Berges à payer à la société Compagnie pyrénéenne hydroélectrique la somme de 320 014,97 francs au titre de la consommation d'électricité, et ce avec intérêts à compter de la demande en justice, soit le 19 avril 1991, l'arrêt n° 263 rendu le 3 avril 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Pau ;
Condamne la société Compagnie pyrénéenne hydroélectrique aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.