AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Patrice Y...
X..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 28 novembre 1995 par la cour d'appel de Poitiers (Chambre sociale), au profit de la société Lacombe Express, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 11 mars 1998, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Bourgeot, conseiller référendaire rapporteur, M. Brissier, Mme Lemoine-Jeanjean, conseillers, M. Richard de la Tour, conseiller référendaire, M. Martin, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Bourgeot, conseiller référendaire, les conclusions de M. Martin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 122-8 du Code du travail ;
Attendu que M. Orso X..., engagé le 15 septembre 1990, en qualité de chauffeur-tractionnaire par la société Lacombe Express, a occasionné le 26 novembre 1993, un accident de la circulation, alors qu'il se trouvait au volant du camion de son employeur ;
qu'à l'issue de son arrêt de travail consécutif à cet accident, il a été convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement;
que l'accusé de réception de la convocation porte la date du 25 janvier 1994;
qu'il a été licencié le 2 février 1994 pour faute grave consistant en un non-respect de la réglementation en matière de temps de conduite et de vitesse limite autorisée;
que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en indemnités de rupture et en dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Attendu que, pour dire le licenciement du salarié fondé sur une faute grave et le débouter de ses demandes, la cour d'appel a relevé l'absence de la prescription des faits fautifs reprochés au salarié, que s'il est certain que la faute grave se caractérise comme celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, ce maintien est relatif dès lors que le salarié est en arrêt de travail et n'est pas réellement présent pour assumer sa fonction, qu'une mise à pied a été signifiée à l'intéressé dès la lettre de convocation à l'entretien préalable, que l'employeur a donc bien estimé que la faute du salarié rendait impossible son maintien effectif dans l'entreprise à partir de la date de celle-ci ;
Qu'en statuant ainsi, alors, d'une part, qu'une procédure pour un motif non lié à l'accident ou à la maladie peut être engagée au cours des périodes de suspension de contrat de travail provoquée par un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, et, d'autre part, qu'elle avait constaté que l'employeur avait attendu le retour au travail du salarié, le 25 janvier 1994, pour engager la procédure de licenciement et prononcer une mise à pied, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait le caractère tardif de la sanction prononcée par l'employeur qui ôtait à la faute son caractère de gravité, a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en celles de ses dispositions ayant dit que le licenciement de M. Orso X... reposait sur une faute grave et l'ayant débouté de l'ensemble de ses demandes, l'arrêt rendu le 28 novembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;
Condamne la société Lacombe Express aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.