AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Sonetec, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 14 décembre 1995 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre, 1re section), au profit de la société Saunier Duval électricité, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 17 mars 1998, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Fromont, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Chemin, Villien, Cachelot, Martin, conseillers, M. Nivôse, Mmes Masson-Daum, Boulanger, conseillers référendaires, M. Sodini, avocat général, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Fromont, conseiller, les observations de Me Blanc, avocat de la société Sonetec, de Me Choucroy, avocat de la société Saunier Duval électricité, les conclusions de M. Sodini, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 14 décembre 1995), que la société Sonetec a, en février 1987, chargé la société Saunier Duval électricité (société SDE) de divers travaux de sonorisation d'une salle de théâtre;
qu'alléguant le non paiement d'une facture portant sur la révision d'une partie du prix du marché, cette société a assigné la société Sonetec, qui a formé une demande reconventionnelle en remboursement d'un paiement partiel qu'elle soutient avoir effectué par erreur ;
Attendu que la société Sonetec fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de la société SDE, alors, selon le moyen, "1°) que l'acceptation d'une offre figurant sur un devis assortie d'une contre-proposition vaut refus assorti d'une offre nouvelle;
que la cour d'appel, qui a constaté que la société Sonetec avait indiqué sur le bon de commande du 18 février 1987, accepté par la société SDE, des modalités de fixation de prix différentes de celles figurant sur le devis initial, ne pouvait la condamner à payer une facture établie en fonction des modalités de révision de prix figurant sur ce devis, non acceptées par la société Sonetec (violation des articles 1109 et 1134 du Code civil;
2°) que les documents extérieurs à la convention ne lient les parties que s'ils sont entrés dans le champ contractuel;
que la cour d'appel ne pouvait donc se fonder sur la seule connaissance qu'avait pu avoir la société Sonetec des modalités de révision des prix contenues dans le cahier des charges régissant le marché portant sur la construction de l'Opéra Bastille et sur leur compatibilité avec le contrat de sous-traitance pour les déclarer opposables à la société Sonetec (violation des mêmes textes);
3°) que seul le règlement sans réserve d'une facture peut valoir acceptation d'un nouveau prix;
que la cour d'appel n'a pas pris en compte les deux lettres de protestation adressées par la société Sonetec les 12 juin 1990 et 18 juin 1991, invoquées dans ses conclusions, relativement aux factures de révision des prix émises par la société SDE (violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile)" ;
Mais attendu qu'ayant relevé que la formule "prix ferme et définitif" n'avait pas été employée à dessein dans le contrat accepté le 18 février 1987 par bon de commande, que le cahier des clauses administratives particulières communes (CCAPC) régissant l'ensemble des règles de construction du théâtre à partir duquel la société Sonetec avait sous-traité à la société SDE le marché, prévoyait expressément à l'article 3-4-4 des modalités de révision des prix "et à l'article 3-4-5 des modalités d'actualisation des prix fermes actualisables" et que l'ancienneté des collaborations entre les parties, y compris sur le chantier, démontrait que la société Sonetec connaissait parfaitement les conditions d'application de ces modalités de révision des prix compatibles avec la nature du marché de sous-traitance qu'elle avait accepté, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, a, abstraction faite de motifs surabondants, légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais sur le moyen unique, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 1153, alinéa 3, du Code civil ;
Attendu que la partie qui doit restituer une somme qu'elle détenait en vertu d'une décision de justice exécutoire n'en doit les intérêts au taux légal qu'à compter de la notification valant mise en demeure de la décision ouvrant droit à restitution ;
Attendu que l'arrêt, qui condamne la société Sonetec à rembourser à la société SDE le total des sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement, retient que les intérêts au taux légal sur ces sommes seront dus à compter de la date du versement;
qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
Et vu l'article 627 du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a condamné la société Saunier Duval électricité à payer sur les sommes versées au titre de l'exécution provisoire les intérêts au taux légal à compter de la date effective du versement, l'arrêt rendu le 14 décembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Dit que les intérêts devront courir sur les sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement à compter de la notification de l'arrêt attaqué jusqu'à la date de la restitution des fonds ;
Dit n'y avoir lieu à modifier la condamnation aux dépens prononcée par les juges du fond ;
Condamne la société Saunier Duval électricité aux dépens du présent arrêt ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Saunier Duval électricité à payer à la société Sonetec la somme de 9 000 francs ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.