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08/04/1998 | FRANCE | N°95-40233

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 08 avril 1998, 95-40233


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Lafond créations, société à responsabiltié limitée, dont le siège est "X... Renaud", 16730 Fleac, en cassation d'un arrêt rendu le 16 novembre 1994 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale), au profit de M. Robert Y..., demeurant ... Villenave-d'Ornon, défendeur à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 24 février 1998, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M

. Finance, conseiller rapporteur, M. Texier, conseiller, Mme Trassoudaine-Verger, co...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Lafond créations, société à responsabiltié limitée, dont le siège est "X... Renaud", 16730 Fleac, en cassation d'un arrêt rendu le 16 novembre 1994 par la cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale), au profit de M. Robert Y..., demeurant ... Villenave-d'Ornon, défendeur à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 24 février 1998, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Finance, conseiller rapporteur, M. Texier, conseiller, Mme Trassoudaine-Verger, conseiller référendaire, M. Terrail, avocat général, Mlle Lambert, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Finance, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société Lafond creation, de Me Choucroy, avocat de M. Y..., les conclusions de M. Terrail, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Y... a été engagé le 1er mai 1989, en qualité de VRP multicartes par la société Lafond créations ;

qu'il a été licencié le 31 décembre 1991, pour faute grave;

que contestant le bien fondé de son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement d'un solde de commissions et d'indemnités de préavis, de congés payés, de clientèle et de licenciement sans cause réelle et sérieuse;

que par voie reconventionnelle, la société Lafond créations a sollicité le remboursement de commissions indûment versées et l'allocation de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Lafond créations fait grief à l'arrêt d'avoir dit que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave et de l'avoir condamnée au paiement de diverses sommes pour licenciement fondé sur un cause réelle et sérieuse alors, selon le moyen, premièrement que l'insuffisance de résultats due à la cessation volontaire par un VRP de ses activités de prospection, due à des absences répétées non justifiées et liée à une baisse d'activité, elle-même provoquée par l'entrée au service d'autres sociétés sans autorisation, constitue une faute grave justifiant le licenciement immédiat du salarié;

qu'en se bornant à énoncer que l'insuffisance de résultats de M. Y... n'était pas constitutive d'une faute grave, sans rechercher si la couverture insuffisante de son secteur en raison de 13 semaines d'absence en 1991, associée à la cessation de toute activité de prospection pendant le mois de décembre et à l'activité de représentation qu'il exerçait auprès d'autres maisons sans l'accord de la société Lafond, n'étaient pas à l'origine de cette insuffisance de résultats, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6 et L. 751-1 et suivants du Code du travail;

que deuxièmement dans ses écritures d'appel, la société Lafond démontrait qu'en violation de son contrat de travail, M. Y... visitait épisodiquement ses clients, effectuant seulement 206 visites annuelles au lieu des 444 prévues au contrat;

que dans certaines villes, elle avait perdu sa clientèle;

qu'elle en déduisait que cette carence était à l'origine des résultats désastreux du secteur du salarié ;

qu'en ne répondant pas à ce moyen de nature à établir que l'insuffisance de résultats avait pour origine les insuffisances répétées du salarié et ses négligences graves et illustrait la faute grave du salarié, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

que troisièmement l'abandon de poste répété d'un représentant de commerce qui interrompt ses tournées dans son secteur en violation des directives de son employeur, constitue une faute grave justifiant le licenciement immédiat;

qu'en relevant que M. Y... reconnaissait avoir cessé de prospecter sa clientèle pendant un mois et en déduisant néanmoins que ce comportement ne caractérisait pas une faute grave, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 122-5 et L. 751-1 du Code du travail;

que quatrièmement la circonstance que certains représentants de la société ne prospectaient pas leur clientèle pendant le mois de décembre, ne caractérisait nullement l'autorisation voire la simple tolérance de l'employeur à l'égard de M. Y... personnellement;

qu'en statuant par ce motif inopérant pour décider que l'abandon de poste ne constituait pas une faute grave, la cour d'appel a privé sa décision de motif et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

que cinquièmement par deux courriers successifs, la société Lafond, rappelant au salarié les termes de son contrat de travail, lui avait demandé de ne pas interrompre ses activités au mois de décembre 1991;

qu'en se bornant à relever que les collègues de M. Y... avaient l'habitude de cesser leur activité en décembre, sans rechercher si l'abandon de poste de M. Y... malgré l'interdiction de l'employeur ne constituait pas un acte d'indiscipline constitutif d'une faute grave, la cour d'appel a privé sa décision de base légale et violé les articles L. 122-5 et L. 751-1 et suivants du Code du travail;

que sixièmement dans ses écritures d'appel, la société Lafond expliquait que le mois de décembre était une période très importante financièrement et qu'elle avait pris des mesures particulières de promotion, de publicité et de livraison en 48 heures, pour toutes les ventes de cadeaux de fin d'année;

qu'en ne répondant pas à ce moyen, de nature à établir qu'à l'évidence la société n'avait jamais autorisé M. Y... à cesser ses activités durant le mois de décembre, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

que septièmement un représentant qui prend des ordres de sociétés à l'insu de son employeur et sans l'accord préalable de ce dernier comme l'y obligeait pourtant son contrat, commet une faute grave justifiant un licenciement immédiat;

qu'en relevant que M. Y... avait accepté de représenter d'autres sociétés, sans l'accord préalable de la société Lafond pour en déduire qu'il n'avait pas commis de faute grave, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 122-5 et L. 751-1 et suivants du Code de travail;

que huitièmement qu'en se prononçant par des motifs inopérants tirés de ce que la société Lafond avait réagi tardivement au retard mis par M. Y... à l'informer de ses nouvelles cartes, alors que ce n'était pas le retard à être informé, mais l'absence d'autorisation du salarié qui était seule dénoncée par l'employeur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale et violé l'article L. 122-6 du Code du travail ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a fait ressortir que l'insuffisance de résultats ne résultait pas de manquements graves du salarié à ses obligations professionnelles;

qu'elle a relevé ensuite que l'absence de prospection de la clientèle au cours du mois de décembre, constituait une pratique habituellement suivie par l'ensemble des VRP de la société Lafond;

qu'elle a également constaté que si l'intéressé avait, sans autorisation préalable, accepté de représenter deux autres sociétés, du reste non concurrentes, l'employeur n'en avait tiré argument que deux mois plus tard, lors de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement;

qu'elle a pu en déduire que le comportement de M. Y... n'était pas de nature à rendre impossible le maintien de ce dernier dans l'entreprise pendant la durée du préavis et ne constituait pas une faute grave;

que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Lafond fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée au paiement d'une somme à titre d'indemnité de clientèle alors, selon le moyen, d'une part, que dans ses écritures, elle contestait que M. Y... ait créé et développé une clientèle dans son secteur;

qu'en relevant que ce point n'était pas contesté, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé les articles 4 et 7 du nouveau Code de procédure civile;

que d'autre part, les juges du fond, saisis par un VRP d'une demande d'indemnité de clientèle, ne peuvent faire droit à cette demande sans s'expliquer sur les conclusions de l'employeur qui se prévalait, en faisant état des rapports d'activité du représentant, de ce que ce dernier avait négligé sa prospection, que son portefeuille d'activité était en baisse de 12%, et que sur les trente clients apportés par la société, huit seulement subsistaient;

qu'en ne répondant pas à ces écritures qui étaient de nature à établir que M. Y... n'avait nullement développé sa clientèle, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'appréciant les éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a estimé, sans encourir les griefs du moyen, que M. Y... a créé et développé une clientèle pour le compte de la société Lafond, ce dont il devait être indemnisé ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le quatrième moyen :

Attendu que la société Lafond Créations fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande en remboursement de commissions indues et en paiement de dommages-intérêts alors, selon le moyen, premièrement que c'est au salarié qui se prévaut du bénéfice de commissions indirectes de prouver qu'elles résultent d'affaires réalisées dans son secteur et qu'elles ont été suivies d'effet;

qu'en déboutant la société Lafond de sa demande en remboursement de commissions indirectes indûes, motif pris de ce qu'elle ne rapportait pas la preuve que ces commandes n'avaient pas été réalisées à la suite des visites effectuées par M. Y..., la cour d'appel a renversé la charge de la preuve et a violé l'article 1315 du Code civil;

que deuxièmement dans ses écritures, l'employeur rappelait les dispositions contractuelles aux termes desquelles M. Y... devait percevoir des commissions sur tous les ordres indirects provenant des clients qu'il devait visiter régulièrement, soit une visite minimum par trimestre;

qu'il en déduisait que le salarié qui n'avait pas prospecté avec régularité son secteur, ne devait pas percevoir de commissions;

qu'en ne répondant pas à ce moyen, qui était de nature à établir la subordination du paiement des commissions à la régularité des visites dans le secteur, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions et violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

que troisièmement la cour d'appel avait expressément constaté que M. Y... avait cessé toute activité au mois de décembre 1991;

qu'en relevant, pour débouter l'employeur, qu'il n'était pas établi que les visites de M. Y... n'aient pas été suivies de prises de commandes, alors qu'elle constatait qu'il avait cessé toute activité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

que quatrièmement la cour d'appel, tout en constatant que M. Y... avait fait preuve d'une insuffisance de résultats dans son secteur, a déduit que la société Lafond ne justifiait pas d'un préjudice ;

qu'elle a ainsi violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, et l'article 1147 du Code civil ;

Mais attendu, qu'ayant relevé que la société Lafond ne démontrait pas que les commandes indirectes n'avaient pas été réalisées à la suite des visites effectuées par le salarié, la cour d'appel a estimé, sans inverser la charge de la preuve, que celle-ci n'était pas fondée à en solliciter le remboursement ;

Et attendu que seule une faute lourde aurait pu entraîner la responsabilité du salarié ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu les articles L. 223-11 et R. 223-1 du Code du travail ;

Attendu que pour condamner la société Lafond au paiement d'une somme à titre d'indemnité de congés payés, la cour d'appel énonce que cette indemnité se calcule à partir des commissions perçues depuis le premier mai 1991 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le point de départ de l'année de référence servant de base au calcul de l'indemnité de congés payés est fixé au premier juin de chaque année, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé le montant de l'indemnité de congés payés, l'arrêt rendu le 16 novembre 1994, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;

Condamne la société Lafond créations aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société Lafond créations à payer à M. Y... la somme de 6 000 francs ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 95-40233
Date de la décision : 08/04/1998
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Analyses

TRAVAIL REGLEMENTATION - Congés payés - Indemnité compensatrice - Calcul - Point de départ.

VOYAGEUR REPRESENTANT PLACIER - Commissions - Commandes indirectes - Preuve - Responsabilité - Faute lourde nécessaire.

VOYAGEUR REPRESENTANT PLACIER - Licenciement - Indemnités - Indemnité de clientèle.


Références :

Code du travail L223-11, R223-1 et L751-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux (chambre sociale), 16 novembre 1994


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 08 avr. 1998, pourvoi n°95-40233


Composition du Tribunal
Président : Président : M. MERLIN conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:95.40233
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