La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/04/1998 | FRANCE | N°97-82662

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 avril 1998, 97-82662


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BATUT, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LE D... Nicole, épouse B..., contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du

3 avril 1997, qui, pour homicide involontaire, l'a condamnée à une amende de 10 00...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire BATUT, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- LE D... Nicole, épouse B..., contre l'arrêt de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, en date du 3 avril 1997, qui, pour homicide involontaire, l'a condamnée à une amende de 10 000 francs et a prononcé sur les intérêts civils ;

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 319 du Code pénal applicable au moment des faits, 221-6 du Code pénal applicable depuis mars 1994, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a déclaré le docteur B... coupable du délit prévu par l'article 319 du Code pénal ;

"aux motifs que, en droit, le délit d'homicide involontaire prévu par l'article 319 ancien devenu 221-6 du Code pénal est constitué, dès lors que la mort trouve sa cause dans une maladresse, imprudence, inattention, négligence, ou une inobservation des règlements;

qu'il n'est pas nécessaire que cette cause soit directe et immédiate, ni même exclusive pourvu qu'elle soit certaine... qu'il convient de rechercher si la prévenue a commis une faute et dans l'affirmative si celle-ci présente un lien de causalité, non nécessairement direct ni immédiat mais certain avec le décès;

qu'il est de jurisprudence, désormais bien établie, que commet un homicide involontaire celui qui par son imprudence ou sa négligence crée pour la victime un risque mortel privant celle-ci de toute possibilité de survie... que la mère de la victime qui est arrivée à 8 heures du matin et a vu son fils avant que celui-ci ne soit emmené au bloc opératoire, a toujours dit que celui-ci ne lui avait jamais parlé de la visite de l'anesthésiste et a été jusqu'à mettre en doute la venue de ce médecin ;

que, comme l'a estimé le tribunal, les éléments de la procédure ne permettent pas de remettre en cause la réalité de cet examen préopératoire;

que c'est d'ailleurs au cours de celui-ci que la prévenue a été informée non seulement des antécédents asthmatiques de la victime, mais aussi de l'épisode grippal relaté dans le rapport d'accident dont la prévenue est cosignataire et dont elle a fait état lors de son audition par les docteurs Y... et Rudler;

qu'il résulte clairement des deux derniers rapports d'expertise que tant les docteurs C... et Du Cailar, que les experts Y... et Rudller, ces deux derniers dans des termes certes plus euphémistes, mais ne laissant néanmoins aucun doute sur leur appréciation critique du comportement de la prévenue, que celle-ci a en réalité commis une faute tant dans le choix du mode de l'anesthésie que sur les médicaments utilisés;

qu'il résulte en effet de ces deux rapports qu'eu égard aux antécédents asthmatiques du patient et également un épisode grippal récent entraînant une hyperréflectivité trachéale pour reprendre les expressions des experts Y... et Rudler, l'anesthésiste a "minimisé le risque anesthésique";

qu'il se déduit de ces deux expertises qu'il y a eu un mauvais choix, en tout cas insuffisamment réfléchi, du mode d'anesthésie, dans la mesure où l'anesthésie locorégionale, même si elle n'écarte pas totalement le risque de bronchospasme par histaminolibération, est moins risquée à cet égard que l'anesthésie générale ;

"que la circulaire relative à la sécurité des malades anesthésiés du 23 mars 1982 produites par la partie civile rappelle déjà que la consultation où au minimum la visite pré-opératoire du patient est essentielle dans la prévention des incidents ou des accidents de l'anesthésie;

que s'il l'estime nécessaire, l'anesthésiste doit avoir la possibilité de repousser la date de l'intervention pour améliorer la préparation du malade, éventuellement contre-indiquer l'anesthésie ou l'un de ses modes;

qu'il est précisé que la consultation a également pour but d'informer le malade ou sa famille des risques encourus;

que la prévenue ne peut être suivie dans son argumentation réitérée avec force devant la Cour, selon laquelle le choix du mode de l'anesthésie aurait été en l'espèce celui du patient qui aurait refusé une rachianesthésie;

qu'il convient de faire observer à cet égard que la jeune victime, si elle était majeure, ce qui dispensait légalement le médecin anesthésiste d'en référer aux parents, était seulement âgé de 21 ans;

qu'on peut sérieusement douter que Nicole X... ait donné au jeune homme des renseignements lui permettant d'avoir un consentement éclairé sur le mode préférable d'anesthésie et que celui-ci, bien qu'informé dans cette hypothèse des risques plus grands encourus en cas d'anesthésie générale, ait expressément choisi ce mode d'anesthésie plutôt que locorégionale, d'autant qu'il n'a nullement parlé à sa mère, qui était à son chevet, d'un quelconque problème quant au mode d'anesthésie;

que par ailleurs, les deux mêmes collèges d'experts se sont également accordés pour dire que les médicaments utilisés (Penthotal et Flaxedil), qui sont histaminolibérateurs ne sont pas recommandés chez l'asthmatique et sont probablement à l'origine du bronchospasme;

qu'ils ont donc considéré que l'état asthmatique du jeune Philippe A..., même si ce dernier n'avait que des crises relativement peu fréquentes, était vraisemblablement en relation avec la survenue du bronchonspasme ;

que le docteur C... a clairement indiqué à la Cour que, déjà en 1983, le risque de bronchonspasme causé par la gallamine, composant le Flaxedil, utilisé seulement en France,... était bien connu;

que la défense produit elle-même une étude intitulée "Asthme et Anesthésie" du docteur Z..., lequel écrit "chez les patients asthmatiques, l'attention est focalisée sur le risque péri-opératoire de brochonspasme";

qu'il résulte des pièces produites que le bronchospasme représente une part non négligeable des causes de la mortalité en cours d'anesthésie;

qu'en l'état des données acquises de la science au moment des faits, en se livrant, à l'occasion d'une intervention ne présentant aucun caractère d'urgence, même si elle était programmée pour le même jour, devant être pratiquée sur un malade ayant signalé non seulement un état asthmatique mais encore une grippe récente ayant pour effet connu d'entraîner une hyperréflectibilité bronchique et par là même une aggravation du risque de bronchonspasme, à une réflexion insuffisante et manifestement trop rapide tant sur le mode d'anesthésie que sur le mode de choix des médicaments, la prévenue a, par ses négligences, créé pour la victime un risque mortel la privant de toute chance de survie;

qu'elle a ainsi commis des fautes en relation certaine avec le décès, caractérisant à son encontre le délit d'homicide involontaire visé à la prévention ;

"alors que, d'une part, la Cour qui a souverainement constaté l'existence de l'entretien préopératoire au cours duquel le docteur B... indiquait avoir informé son patient des deux modes anesthésiques possibles, écartant ainsi, implicitement mais nécessairement, les déclarations de Mme A..., reprises dans les conclusions des parties civiles, selon lesquelles son fils lui aurait toujours déclaré ne pas avoir vu l'anesthésiste, ne pouvait sans se contredire énoncer que l'absence de consentement éclairé du patient à l'anesthésie générale pratiquée, qui avait été retenue comme faute ayant concouru à l'accident mortel, résultait de ce que Philippe A... n'en avait pas parlé à sa mère lorsqu'elle était à son chevet ;

"alors que, d'autre part, la Cour qui pour retenir à l'encontre du docteur B... un risque ayant privé son patient de toute chance de survie, énonce que l'emploi de médicaments histaminolibérateurs, qui selon les experts n'étaient pas recommandés dans le cas de maladie asthmatique, les avaient conduits à estimer que les produits utilisés auraient provoqué le bronchospasme dont était décédé Philippe A..., en dépit des déclarations concordantes des mêmes experts selon lesquelles le risque de bronchospasme, s'il était lié aux histaminolibérateurs était relativement imprévisible et pouvait survenir chez un patient indemne de toute affection et nonobstant les constatations des mêmes experts soulignant que les antécédents asthmatiques du jeune Philippe A... étaient anciens et que les examens pratiqués avant l'opération n'avaient pas décelé de signe d'appel, ce dont il résultait que le choix des médicaments, même s'ils comportaient un risque au demeurant inhérent à toute anesthésie, n'était pas contraire aux données acquises de la science, et à l'état de santé du patient, dont l'emploi d'un corticoïde lors de la prémédication témoignait de surcroît qu'il avait été pris en compte, a entaché sa décision d'un défaut de motifs" ;

Attendu que l'arrêt attaqué met la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la juridiction du second degré a, sans insuffisance ni contradiction, caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit dont elle a déclaré la prévenue coupable ;

D'où il suit que le moyen, qui se borne à remettre en discussion l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause et de la valeur des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Milleville conseiller doyen, faisant fonctions de président, Mme Batut conseiller rapporteur, MM. Schumacher, Martin, Aldebert, Grapinet, Mistral conseillers de la chambre, Mme Ferrari conseiller référendaire ;

Avocat général : M. Cotte ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-82662
Date de la décision : 07/04/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, 7ème chambre, 03 avril 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 avr. 1998, pourvoi n°97-82662


Composition du Tribunal
Président : Président : M. MILLEVILLE conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.82662
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award