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07/04/1998 | FRANCE | N°97-82249

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 avril 1998, 97-82249


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DESPORTES, les observations de Me COSSA, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- Y... Habib,

- Y... Sami, contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre correctionnelle, en date du 27 février 1997, qui, dans la procédure suivi

e contre eux pour travail clandestin, abus de biens sociaux, recel de ce délit, faux et...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le sept avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller référendaire DESPORTES, les observations de Me COSSA, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général COTTE ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- Y... Habib,

- Y... Sami, contre l'arrêt de la cour d'appel de ROUEN, chambre correctionnelle, en date du 27 février 1997, qui, dans la procédure suivie contre eux pour travail clandestin, abus de biens sociaux, recel de ce délit, faux et usage, a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

I - Sur le pourvoi de Sami Y... :

Attendu qu'aucun moyen n'est produit ;

II - Sur le pourvoi de Habib Y... :

Vu le mémoire produit ;

Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 485, 512, 591, 592 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt porte seulement mention de ce qu'après audience des débats tenue le 27 janvier 1997, où siégeaient MM. Cardon et Gallais, conseillers, et M. Mazières, Président, l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être lu à l'audience du 27 février 1997 par M. Mazières, conformément aux dispositions des articles 485 et 512 du Code de procédure pénale ;

"alors que tout jugement doit faire preuve intrinsèque de la régularité de la composition de la juridiction ayant statué et notamment de ce que les magistrats ayant délibéré sont ceux-là mêmes qui ont siégé aux débats;

que, dès lors, ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale et encourt, par conséquent, l'annulation, l'arrêt qui, comme en l'espèce, quoique lu à une date postérieure aux débats, en la seule présence du président, ne précise pas les noms des conseillers présents au délibéré, ni ne relève que celui-ci s'est déroulé conformément aux exigences posées par la loi, soit en présence de ceux ayant assisté aux débats" ;

Attendu que, contrairement à ce qu'allègue le demandeur, les mentions de l'arrêt attaqué suffisent à établir que les mêmes magistrats ont participé aux débats et au délibéré ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 49, 425 et 431 de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, 2, 137 à 142, 485, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt, après confirmation de la déclaration de culpabilité de Habib Y... du chef d'abus de biens au préjudice de la société AES, a mis à sa charge, solidairement avec Sami Y..., le paiement de 700 000 francs de dommages et intérêts ;

"aux motifs adoptés que Habib Y... ne dénie pas avoir fait profiter la SARL Nouvelle Restauration, à travers, notamment, son compte bancaire intitulé Napoli, d'encaissements destinés à la SARL AES;

il entend seulement expliquer qu'il a, ainsi, agi dans l'intérêt exclusif de la pizzeria, en situation financière difficile, et avec l'accord des banques (notamment, le Crédit Lyonnais) qui considéraient qu'il s'agissait de comptes fusionnés;

selon l'enquête, le compte Napoli, ouvert au Crédit Lyonnais, avait été crédité de 356 000 francs, entre janvier et août 1989;

par ailleurs, selon un rapport établi à la demande du juge commissaire dès la procédure de règlement judiciaire, M. Z... fixait à 562 356,37 francs les encaissements soustraits au titre de l'exercice clos le 31 mars 1990 ;

l'instruction a encore permis d'établir que Habib Y... émettait des ordres de virement à son profit et à celui de son frère, dont la cause devait rester non justifiée;

ainsi, 26 664 francs étaient virés sur un compte Crédit Mutuel au nom de Habib Y..., 20 940 francs étaient en plusieurs fois virés sur un compte appartenant à Sami Y...;

à cet égard, le prévenu excipe de son absence d'intérêt personnel dans ces opérations ainsi que le démontre le caractère négatif du contrôle fiscal qu'il devait subir;

il explique que l'argent ainsi viré permettait d'assurer le paiement de dettes, avec le remboursement d'emprunts dont ses associés avaient bénéficié;

néanmoins, même en l'absence d'enrichissement personnel, les faits d'abus de biens sociaux apparaissent caractérisés;

que, toutefois, le préjudice subi par la SARL AES sera ramené à 700 000 francs compte tenu d'évaluations figurant dans le dossier, relatives aux seuls faits retenus, n'englobant pas le paiement de factures personnelles aux associés ;

"et aux motifs propres que l'instruction a établi que la société AES, gérée par Habib Y... et dont Sami Y... était l'associé, outre le recours massif à l'emploi de travailleurs immigrés non déclarés, donnait une destination étrangère à son activité aux sommes qui lui revenaient;

que le tribunal a condamné Habib et Sami Y... des chefs d'abus de biens sociaux et recel;

que l'instruction a permis d'estimer que les sommes détournées directement ou indirectement de l'activité d'AES - et, en outre, de celle de la société Restauration Nouvelle - s'élevaient à un minimum de 1 million de francs sur la période concernée;

que M. Z..., expert-comptable désigné par le juge commissaire, a évalué à la somme de 562 256,37 francs les recettes d'AES soustraites à la SARL au cours de l'exercice clos au 31 mars 1990;

que des virements mensuels ont, d'autre part, été assurés par AES pour assurer le remboursement de prêts consentis pour les besoins personnels de Habib ou de Sami Y..., démontrant la confusion totale ayant existé entre le patrimoine d'AES et celui du gérant et des associés;

que de nombreuses factures correspondant à des dépenses personnelles ou effectuées pour le compte d'autres sociétés dans lesquelles les Y... étaient intéressés, ont été réglées par AES et sont précisément énumérées au paragraphe 7 de l'ordonnance de renvoi;

que c'est ainsi, à juste titre, que le tribunal a pu évaluer, à la suite du réquisitoire, à la somme de 700 000 francs le montant du préjudice subi par la société AES et dont Me X... est fondé, en sa qualité de mandataire-liquidateur, à demander réparation ;

"alors, de première part, que l'article 425, 4°, de la loi du 24 juillet 1966 réprimant les agissements des gérants de SARL qui "de mauvaise foi", ont fait des biens de celle-ci un usage "qu'ils savaient" contraire à l'intérêt social, impose aux juges de caractériser l'élément intentionnel pour chacun des faits distincts retenus à charge;

qu'en omettant, en l'espèce, de se prononcer sur l'élément moral des abus de biens imputés à faute à Habib Y..., nonobstant les dénégations expresses de ce dernier qui, pourtant, faisait en particulier valoir qu'en procédant, sur les conseils du Crédit Lyonnais l'ayant assuré de ce que les sociétés AES et Restauration Nouvelle disposaient de sous-comptes fusionnés, à l'encaissement de sommes destinées à la première sur le compte de la seconde, il avait cru se plier à de simples règles techniques de gestion de compte, insusceptibles de préjudicier à la société AES, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard des textes précités ;

"alors, de deuxième part, qu'en déduisant la preuve des détournements commis au préjudice de la société AES, de l'existence de virements mensuels effectués au profit de Habib Y... (26 664 francs) et Sami Y... (20 940 francs), ainsi que des paiements effectués par la société aux lieu et place prétendus de ceux-ci, sans répondre au moyen décisif, puisque tendant à dénier l'élément matériel de l'infraction, l'invitant à constater que les versements et paiements ainsi opérés au profit des susnommés, respectivement gérant et associé, constituaient en réalité, quelle qu'ait été l'affectation finale des fonds, la juste rémunération de l'activité déployée par eux au sein de ladite société, la cour d'appel a statué à la faveur d'un défaut de motifs, en violation de l'article 485 du Code de procédure pénale ;

"alors, de troisième part, qu'en déclarant Habib Y... responsable sur le plan pénal et civil, en sa qualité de gérant de la société AES, à raison des détournements, selon elle, commis au préjudice de la société AES, tels que visés à la prévention, c'est-à-dire de 1988 à juin 1991, sans égard pour la circonstance pourtant dirimante, tirée de ce que ce dernier s'était trouvé de facto dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions de gérant à compter de sa mise en détention en date du 19 octobre 1990, et sans autrement relever que postérieurement au prononcé de la mesure de contrôle judiciaire assorti de l'interdiction de gérer et administrer toute société, prononcée par ordonnance du 5 décembre 1990, l'intéressé se serait illégalement ingéré dans la gestion de la société AES, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard, en particulier, des articles 137 à 142 du Code de procédure pénale ainsi que de l'article 49 de la loi n° 66-357 du 24 juillet 1966 ;

"alors, de quatrième part, qu'en confirmant le jugement en ce qu'il avait fixé le préjudice à la somme de 700 000 francs, dont les premiers juges avaient expressément précisé qu'elle n'englobait pas le paiement des factures personnelles des associés, tout en faisant, pour leur part, état de nombreuses factures énumérées au paragraphe 7 de l'ordonnance de renvoi comme correspondant à des dépenses personnelles de Habib et Sami Y... qui auraient été réglées par la société AES, les juges d'appel, qui ont, ce faisant, laissé entendre que lesdites dépenses entraient dans l'évaluation retenue, ont statué à la faveur de motifs contradictoires, violant ainsi l'article 485 du Code de procédure pénale ;

"alors, enfin, et en toute hypothèse, que, s'agissant de l'évaluation du préjudice, l'arrêt par motifs propres et adoptés, a fait tour à tour état de la somme de 562 256,37 francs correspondant aux recettes soustraites à la SARL AES au cours de l'exercice clos le 31 mars 1990, telles qu'évaluées par l'expert Z..., de celle de 356 000 francs d'après l'enquête créditée sur le compte Napoli, entre janvier et août 1989, de celles de 26 664 francs et 20 940 francs, selon l'instruction, respectivement virées sur les comptes de Habib et Sami Y..., puis, sans précision chiffrée, "des dépenses personnelles ou effectuées pour le compte d'autres sociétés", réglées par la société AES, telles qu'énumérées à l'ordonnance de renvoi, pour relever enfin que "l'instruction avait permis d'estimer que les sommes détournées directement ou indirectement de l'activité d'AES - et, en outre, de celle de la société Restauration Nouvelle - s'élevaient à un minimum de 1 000 000 de francs sur la période concernée";

qu'en s'en tenant à ces seules évaluations, pour certaines imprécises voire supputatives, et en tout cas entre elles inconciliables, sans autrement procéder, ainsi qu'il lui était demandé de le faire, à une ventilation tenant compte de l'affectation exacte des sommes prétendument détournées, ni préciser le mode de calcul adopté pour arrêter le montant final du préjudice à ses yeux réparable, à la somme de 700 000 francs, la cour d'appel a statué à la faveur de motifs impuissants à confirmer sa décision de fondement légal" ;

Attendu que le demandeur ne saurait contester devant la Cour de Cassation sa déclaration de culpabilité pour abus de biens sociaux, dès lors que, ayant limité son appel aux seules dispositions civiles du jugement entrepris, il s'est borné à critiquer devant les juges du second degré le montant des dommages-intérêts alloués, de ce chef, à la partie civile ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en ses première et troisième branches, et qui, pour le surplus, revient à remettre en cause l'appréciation souveraine par la cour d'appel, de la consistance du préjudice causé par les détournements et de l'indemnité propre à le réparer, ne saurait être admis ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Milleville conseiller doyen, faisant fonctions de président, M. Desportes conseiller rapporteur, MM. Schumacher, Martin, Aldebert, Grapinet, Mistral conseillers de la chambre, Mmes Batut, Ferrari conseillers référendaires ;

Avocat général : M. Cotte ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 97-82249
Date de la décision : 07/04/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, 27 février 1997


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 avr. 1998, pourvoi n°97-82249


Composition du Tribunal
Président : Président : M. MILLEVILLE conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:97.82249
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