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07/04/1998 | FRANCE | N°95-43852

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 07 avril 1998, 95-43852


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Sur le pourvoi n° C 95-43.852 formé par M. Georges X..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 16 juin 1995 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), au profit du Crédit Agricole mutuel de Franche-Comté, dont le siège est ..., defendeur à la cassation ;

II - Sur le pourvoi n° E 95-43.854 formé par le Crédit Agricole mutuel de Franche-Comté, en cassation du même arrêt au profit M. Georges X..., defendeur à la cassation ;

LA COUR, en l'audi

ence publique du 24 février 1998, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Sur le pourvoi n° C 95-43.852 formé par M. Georges X..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 16 juin 1995 par la cour d'appel de Besançon (chambre sociale), au profit du Crédit Agricole mutuel de Franche-Comté, dont le siège est ..., defendeur à la cassation ;

II - Sur le pourvoi n° E 95-43.854 formé par le Crédit Agricole mutuel de Franche-Comté, en cassation du même arrêt au profit M. Georges X..., defendeur à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 24 février 1998, où étaient présents : M. Gélineau-Larrivet, président, Mme Bourgeot, conseiller référendaire rapporteur, MM. Waquet, Merlin, Desjardins, Finance, Texier, Lanquetin, Mme Lemoine-Jeanjean, conseillers, MM. Boinot, Trassoudaine-Verger, Richard de la Tour, Soury, Besson, Mme Duval-Arnould, conseillers référendaires, M. Terrail, avocat général, Mme Molle-de Hédouville, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Bourgeot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, avocat de M. X..., de la SCP Le Bret et Laugier, avocat de la Caisse régionale de crédit agricole mutuel de Franche-Comté, les conclusions de M. Terrail, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu leur connexité, joint les pourvois n°E 95-43.854 et C 95-43.852 ;

Attendu que M. X..., employé en qualité de guichetier, par la caisse régionale du Crédit agricole Mutuel (CRAM) du Doubs, a été victime, le 7 mai 1987, d'un accident reconnu comme accident du travail le 21 novembre 1988;

qu'il a été en conséquence de cet accident en arrêt de travail à partir du 12 décembre 1988 jusqu'au 12 février 1990;

qu'à la suite de la déclaration d'aptitude du médecin du travail, le 13 février 1990, au poste de guichetier à mi-temps, il a repris le travail avant de l'interrompre à nouveau à différentes reprises;

que le 31 janvier 1991, le médecin du travail l'a déclaré inapte au poste de guichetier, mais apte à un poste de travail assis, sans utilisation du membre supérieur droit, et siège avec soutien cervical;

qu'il a refusé les diverses propositions de reclassement faites par l'employeur durant l'année 1991;

que le 10 janvier 1992, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes tendant à fixer la date de la rupture du contrat de travail au 17 juillet 1991, et obtenir la condamnation de l'employeur au paiement notamment des indemnités de rupture, de rappel de salaires à titre de dommages-intérêts, de diverses primes ;

Sur le moyen unique du pourvoi de l'employeur :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué, (Besançon, 16 juin 1995), tout en donnant acte à la Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel de la Franche-Comté, de ce que les refus de M. X... présentaient un caractère abusif, d'avoir prononcé la résiliation du contrat de travail ayant lié les parties au 17 juillet 1991 et ce aux torts du salarié, et d'avoir condamné l'employeur à lui verser une somme à titre d'indemnité normale de licenciement, au sens de l'article 14 de la convention collective nationale du Crédit Agricole, alors, selon le moyen, que, d'une part, la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif;

que conformément à l'article L. 122-32-5 du Code du travail, dans sa rédaction de la loi du 7 janvier 1981, en vigueur lors de la rupture du contrat de travail de M. X..., tant lors de la décision de la Caisse Régionale du 6 novembre 1991, constatant son départ à la retraite, qu'à la date antérieure du 17 juillet 1991, fixée pour la résiliation judiciaire par l'arrêt, la Caisse Régionale, ayant rempli toutes ses obligations de reclassement, n'était soumise à aucun délai pour tirer les conséquences du nouveau refus de M. X... à la suite des conclusions du médecin du travail et pouvait, sans être tenue de le licencier immédiatement, attendre l'échéance, du reste très proche, d'une mise à la retraite conforme aux prévisions de la convention collective précitée;

qu'en faisant application du délai d'un mois, introduit par la loi du 31 décembre 1992 dans l'article L. 122-32-5, pour faire peser sur la Caisse Régionale une obligation de licencier M. X..., salarié inapte se refusant au reclassement proposé valablement, dès le 17 juillet 1991, l'arrêt infirmatif attaqué a violé le principe de la non-rétroactivité de la loi nouvelle et les articles 2 du Code civil et L. 122-32-5 du Code du travail dans sa rédaction de la loi du 7 janvier 1981, seule applicable au litige, ensemble et par fausse application la loi nouvelle du 31 décembre 1992;

que, d'autre part, l'article 38 de la convention collective nationale du Crédit Agricole, régissant la loi des parties, dispose que " l'âge normal de la retraite est fixé à 60 ans";

que la caisse régionale, qui n'avait pas l'obligation de licencier M. X... dont le contrat de travail était suspendu du fait de l'inaptitude résultant de l'accident du travail, ce qui n'est pas assimilable à une modification unilatérale d'un élément substantiel du contrat, était fondée à mettre fin à ladite suspension, par une mesure de mise à la retraite, M. X... ayant atteint l'âge de 60 ans le 6 novembre 1991, lui ouvrant droit aux avantages de vieillesse non contestés;

que les circonstances de cette rupture, conforme à l'article 38, étaient exclusives de l'avantage conventionnel prévu à l'article 14 de la même convention collective;

qu'ainsi l'arrêt infirmatif attaqué n'a fait bénéficier M. X... d'une "indemnité normale de licenciement" qu'au prix d'une violation des articles 1134 du Code civil, 14 et 38 de la convention collective nationale du Crédit agricole, régissant la loi des parties ;

Mais attendu qu'ayant constaté qu'à la suite du refus du salarié le 17 juillet 1991 des propositions de l'employeur, celui-ci avait maintenu sa décision, la cour d'appel qui, contrairement aux énonciations de la première branche du moyen n'a pas fait application de la loi du 31 décembre 1992, a pu en déduire que la rupture du contrat était d'ores et déjà acquise à cette date et a, en conséquence, légalement justifié sa décision de condamner l'employeur au paiement de l'indemnité conventionnelle de licenciement, telle que prévue par l'article 14 de la convention collective nationale du Crédit Agricole qui n'exlut cette indemnité qu'en cas de licenciement pour faute grave;

que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi du salarié :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt, d'avoir déclaré abusifs les refus qu'un salarié, victime d'un accident du travail, avait opposés à son employeur faute pour ce dernier de lui avoir fait des offres de reclassement satisfactoires et d'avoir en conséquence débouté le salarié de ses demandes d'indemnité compensatrice de préavis et de rappel de salaires, alors, selon le moyen, que, d'une part, tout salarié victime d'un accident du travail est en droit de refuser les offres de reclassement, seraient-elles conformes à l'avis du médecin du travail;

que le salarié n'abuse de ce droit que lorsque ses refus ne reposent sur aucun motif légitime;

qu'en déduisant le caractère abusif des refus de M. X... de la seule circonstance qu'ils auraient été systématiques et obstinés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-32-5 et L. 122-32-6 du Code du travail;

que, d'autre part, M. X... soutenait que les offres de reclassement proposées équivalaient toutes à une déclassification professionnelle, d'où ces refus systématiques;

qu'en ne répondant pas à ce moyen, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que, par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d'appel a constaté, par adoption des motifs des premiers juges, que les propositions de reclassement n'emportaient aucun changement de classification, ni de rémunération malgré un horaire de travail diminué, pour le salarié qui avait systématiquement refusé de reprendre le travail, fût-ce à l'essai dans des conditions estimées par le médecin du travail compatibles avec son état de santé;

qu'elle a pu en déduire, sans encourir les griefs du moyen, que le refus du salarié, sans motif légitime d'un poste approprié à ses capacités et comparable à l'emploi précédemment occupé, était abusif et le privait en conséquence des indemnités prévues à l'article L. 122-32-6 du Code du travail, ainsi que du paiement des rappels de salaires réclamés à titre d'indemnité;

que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi du salarié :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt, d'avoir retenu la date du 1er avril 1969, comme date d'embauche de M. X... et d'avoir en conséquence limité l'indemnité de licenciement due au salarié à un certain montant, alors, selon le moyen, que si le principe de l'indemnité de licenciement était contesté par l'employeur, le Crédit Agricole n'en a à aucun moment contesté le montant, qui tenait compte d'une entrée en fonction du salarié au 1er janvier 1963;

que le Crédit Agricole n'a notamment jamais prétendu que la date d'embauche retenue par M. X... pour le calcul de l'indemnité était erronée;

qu'il n'a pas davantage prétendu que la date du 1er avril 1969, portée sur la déclaration d'accident du travail et correspondant à la date de mutation de M. X... de l'agence de l'Isère à l'agence du Doubs, était la date d'entrée en fonction de M. X... devant seule être prise en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement;

qu'en retenant cette dernière date pour le calcul de l'indemnité de licenciement à allouer à M. X..., sans inviter les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé les articles 4,5,9 et 16 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, que la cour d'appel a relevé que le salarié n'avait pas cru devoir justifier de sa date d'embauche, laquelle au surplus était éminemment variable au gré de ses écritures;

que le moyen, sous couvert du grief non fondé de violation la loi, ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de Cassation, des éléments de fait et de preuve qui ont été souverainement appréciés par les juges du fond;

qu'il ne saurait être accueilli ;

Sur le troisième moyen du salarié :

Attendu qu'il est enfin fait grief à l'arrêt, d'avoir débouté le salarié de sa demande tendant à l'allocation d'une somme au titre de primes, indemnités de congés payés, rappel de salaires, retenues et prélèvements effectués à tort par l'employeur, alors, selon le moyen, que c'est à l'employeur qu'il incombe de prouver qu'il s'est acquitté de ses dettes à l'égard de son salarié;

qu'en reprochant à M. X... de ne pas démonter qu'il avait des créances de salaires sur son employeur, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et, partant, violé l'article 1315 du Code civil ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui a constaté que le salarié n'apportait aucun justificatif des sommes réclamées, a légalement justifié sa décision;

que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Laisse à chaque partie la charge respective de ses propres dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 95-43852
Date de la décision : 07/04/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONVENTIONS COLLECTIVES - Crédit agricole - Licenciement - Indemnité conventionnelle.

CONTRAT DE TRAVAIL - RUPTURE - Licenciement - Reclassement - Refus du salarié de propositions conformes à l'avis médical.


Références :

Code du travail L122-32-5 et L122-32-6
Convention collective nationale du Crédit Agricole art. 14

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon (chambre sociale), 16 juin 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 07 avr. 1998, pourvoi n°95-43852


Composition du Tribunal
Président : Président : M. GELINEAU-LARRIVET

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:95.43852
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