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02/04/1998 | FRANCE | N°96-40766

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 avril 1998, 96-40766


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société CECA Consultants, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 5 décembre 1995 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), au profit de Mme Marie-Claire X..., demeurant 24, cité Yves Bourges, 22110 Rostrenen, défenderesse à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 18 février 1998, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Chagny, conseiller rapporteur,

M. Bouret, conseiller, Mmes Lebée, Andrich, conseillers référendaires, M. Lyon-Cae...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société CECA Consultants, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 5 décembre 1995 par la cour d'appel de Rennes (5e chambre), au profit de Mme Marie-Claire X..., demeurant 24, cité Yves Bourges, 22110 Rostrenen, défenderesse à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 18 février 1998, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, M. Chagny, conseiller rapporteur, M. Bouret, conseiller, Mmes Lebée, Andrich, conseillers référendaires, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Chagny, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la société CECA Consultants, de la SCP Vier et Barthélémy, avocat de Mme X..., les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu que Mme X..., qui a été engagée le 11 juin 1979 en qualité de secrétaire par la société CECA Consultants, a été licenciée pour motif économique le 13 août 1993 ;

Attendu que la société CECA Consultants fait grief à l'arrêt attaqué (Rennes, 5 décembre 1995) d'avoir décidé que le licenciement de Mme X... n'était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamnée à lui payer des dommages-intérêts, alors, selon le moyen, en premier lieu, que dans tous les cas de licenciement, l'administration de la preuve de l'existence d'une cause réelle et sérieuse incombe tant à l'employeur qu'au salarié;

qu'en jugeant que la preuve de la cause réelle et sérieuse du licenciement incombait à l'employeur et en le condamnant à verser à la salariée des dommages-intérêts, la cour d'appel a violé les articles L. 122-14-3 et L. 321-1 du Code du travail;

alors, en deuxième lieu, que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction;

qu'il ne peut fonder sa décision sur des moyens de droit qu'il a relevés d'office ni sur une pièce communiquée le jour de l'audience par une des parties sans s'être assuré de sa communication à l'adversaire et avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations;

qu'en se fondant, pour condamner l'employeur au versement de dommages-intérêts, sur une pièce produite à l'audience par la salariée et en relevant d'office que cette pièce, bilan arrêté en août 1993, établissait que le montant du bénéfice net de la société était passé au 31 août 1993 à 147 420 francs, que le chiffre d'affaires avait connu une augmentation sensible de 500 000 francs et que les charges salariales étaient restées stables, alors même que la salariée n'invoquait nullement ce moyen, la cour d'appel, qui ne s'est pas assurée que la salariée avait bien produit cette pièce à son employeur et qui n'a pas invité les parties à présenter leurs observations sur ce point, a méconnu le principe du contradictoire en violation des articles 15 et 16 du nouveau Code de procédure civile;

alors, en troisième lieu, que c'est à la date du licenciement qu'il convient de se placer pour apprécier le caractère économique du licenciement;

qu'en l'espèce, la procédure de licenciement a été engagée en juin 1993, quand les seules données économiques connues de la société dataient de juin 1992;

qu'en se fondant sur des documents datés du 31 août 1993, postérieurs au licenciement, pour apprécier le caractère économique de celui-ci, la cour d'appel a violé l'article L. 122-14-3 du Code du travail;

alors, en quatrième lieu, que si les juges du fond doivent apprécier la réalité et le caractère sérieux de la cause économique du licenciement, il ne leur appartient pas de se substituer au pouvoir de direction de l'employeur et de se faire juge à sa place de la politique économique qu'il convient de mener pour la survie de son entreprise;

qu'après avoir pourtant expressément admis que la situation de la société n'apparaissait pas des plus florissantes, la cour d'appel a néanmoins retenu que l'employeur n'avait pas besoin de réduire ses charges salariales, les résultats pour 1993 étant en progression par rapport à l'année passée;

qu'en se faisant juge de la politique salariale qu'il convenait de mener sur la base isolée de ces données chiffrées, la cour d'appel, qui a substitué sa propre vision économique à celle de la société, a excédé ses pouvoirs en violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

et alors, en dernier lieu, que la société expliquait qu'elle avait dû contracter deux emprunts auprès d'établissements financiers en janvier 1992 et en janvier 1993, pour un montant global de 650 000 francs ;

qu'en se fondant sur la progression du chiffre d'affaires pour en déduire que la société n'avait pas besoin de réduire ses charges salariales, sans rechercher si cette augmentation n'était pas due au versement par la banque de ces sommes, de sorte qu'en réalité la situation financière de la société n'avait connu aucune amélioration et exigeait une restructuration, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 122-14-3 du Code du travail ;

Mais attendu que la procédure en matière prud'homale étant orale, les pièces et documents visés dans l'arrêt sont présumés, sauf preuve contraire non rapportée en l'espèce, avoir été contradictoirement discutés devant le juge du fond ;

Et attendu que la cour d'appel, appréciant les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis par chacune des parties, et abstraction faite du motif surabondant critiqué par la première branche du moyen, a constaté que le bilan de l'entreprise arrêté le 31 août 1993, à l'époque de la notification de son licenciement à la salariée, d'une part, révélait une augmentation sensible du chiffre d'affaires au cours de l'année écoulée, alors que dans le même temps les charges salariales étaient restées stables et, d'autre part, faisait ressortir une capacité d'autofinancement permettant à la société de rembourser les emprunts qu'elle avait contractés et de disposer d'une trésorerie;

que, dès lors, la cour d'appel, qui a estimé que les difficultés invoquées par l'employeur n'étaient pas établies, a pu décider que le licenciement de Mme X... n'avait pas de motif économique et, par voie de conséquence, qu'il était dénué de cause réelle et sérieuse ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société CECA Consultants aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société CECA Consultants à payer à Mme X... la somme de 8 000 francs ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 96-40766
Date de la décision : 02/04/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes (5e chambre), 05 décembre 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 avr. 1998, pourvoi n°96-40766


Composition du Tribunal
Président : Président : M. WAQUET conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.40766
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