AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Alexis X..., demeurant 788, SIDR Camélias IV, 97410 Saint-Denis de la Réunion, en cassation d'un arrêt rendu le 26 septembre 1995 par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (chambre sociale), au profit de la Compagnie marseillaise de Madagascar (CMM), dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;
La Compagnie marseillaise de Madagascar a formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 18 février 1998, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Lebée, conseiller référendaire rapporteur, MM. Chagny, Bouret, conseillers, Mme Andrich, conseiller référendaire, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Lebée, conseiller référendaire, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. X..., engagé, le 31 août 1964, par la Compagnie marseillaise de Madagascar, devenu agent de maîtrise responsable de secteur, s'est vu notifier le 9 avril 1991, à la suite du pillage et de l'incendie des locaux à usage commercial et d'entrepôts de son employeur survenus le 25 février 1991, la rupture de son contrat pour force majeure ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur, qui est préalable :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 26 septembre 1995) de l'avoir condamné à payer une indemnité de préavis et une indemnité de licenciement alors que, selon le moyen, les conditions de la force majeure étaient établies ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui a relevé, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que l'employeur n'établissait pas que l'incendie avait compromis totalement ou durablement, et donc de manière insurmontable, l'exploitation de l'entreprise, a ainsi caractérisé l'absence de force majeure;
que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié :
Vu les articles L. 122-14-2 du Code du travail ;
Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif, l'arrêt énonce que la rupture du contrat de travail devait se rattacher à un licenciement de nature économique excluant l'octroi d'une indemnité pour dommages et intérêts pour rupture abusive ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la lettre de rupture se fondait uniquement sur la force majeure et qu'en l'absence d'autres motifs invoqués par l'employeur, le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi incident formé par l'employeur ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande en dommages-intérêts pour rupture abusive, l'arrêt rendu le 26 septembre 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, autrement composée ;
Laisse à chaque partie la charge de ses propres dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.