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02/04/1998 | FRANCE | N°95-42825

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 avril 1998, 95-42825


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Guilbert-Dezellus, société à responsabilité limitée, dont le siège est ZAL n° 3, ..., en cassation d'un arrêt rendu le 30 mars 1995 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale), au profit de M. Jean-Pierre Y..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 18 février 1998, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen, faisant fonctions de président, Mme Lebée, conseiller référendaire rapp

orteur, MM. Chagny, Bouret, conseillers, Mme Andrich, conseiller référendaire, M. Lyon-...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Guilbert-Dezellus, société à responsabilité limitée, dont le siège est ZAL n° 3, ..., en cassation d'un arrêt rendu le 30 mars 1995 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale), au profit de M. Jean-Pierre Y..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;

LA COUR, en l'audience publique du 18 février 1998, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen, faisant fonctions de président, Mme Lebée, conseiller référendaire rapporteur, MM. Chagny, Bouret, conseillers, Mme Andrich, conseiller référendaire, M. Lyon-Caen, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Lebée, conseiller référendaire, les observations de la SCP Vier et Barthélémy, avocat de la société Guilbert-Dezellus, les conclusions de M. Lyon-Caen, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique :

Attendu que M. Y..., engagé le 30 juillet 1990 par la société Dezellus constructions en qualité de chef d'équipe, muté le 1er novembre 1991 auprès de la société Guilbert-Dezellus en qualité de contremaître de chantier, a fait l'objet, à la suite d'un accident de chantier survenu le 4 mars 1992, d'une mise à pied conservatoire et a été licencié pour faute grave le 13 mars 1992 ;

Attendu que l'employeur reproche à l'arrêt attaqué (Rouen, 30 mars 1995) d'avoir dit que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen, que, d'une part, il résulte de l'article L. 122-6 du Code du travail que même si elle est isolée, une seule infraction grave aux règles de sécurité suffit à permettre le licenciement sans indemnités;

que tel est le cas lorsque l'infraction fait courir un grave danger à un autre salarié;

qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que l'accident litigieux a été causé par l'effondrement d'une tranchée sur un ouvrier occupé à placer une canalisation, que la tranchée n'était ni blindée conformément au décret du 8 janvier 1965 ni même étayée, et que M. Y... avait été promu le 1er novembre 1991 contremaître de chantier affecté à la réalisation de travaux publics;

qu'en niant néanmoins l'existence d'une faute grave à la charge du contremaître de chantier, la cour d'appel a méconnu les conséquences nécessaires de ses propres constatations et violé par refus d'application l'article L. 122-6 du Code du travail;

alors que, d'autre part, dès lors que la cour d'appel infirmait la décision des premiers juges à cet égard, il lui appartenait d'en réfuter les motifs déterminants pris notamment de ce que "M. Y... a, en l'absence du conducteur de travaux et du chef d'entreprise (...) ordonné à M. X... et Z... de creuser une tranchée (...) Nonobstant la réticence de ces derniers qui avaient conscience de courir un danger en l'absence de blindage";

de ce "que ce transfert d'autorité (...) faisait peser sur M. Y... les prérogatives découlant de l'ordre donné et notamment l'obligation de la bonne exécution des travaux ordonnés dans des conditions de sécurité maximales";

de ce que "MM. X... et Z... attestent que tous les matériaux nécessaires pour protéger la fouille, se trouvaient sur le chantier" et de ce que "M. Y... ne pouvait ignorer, eu égard à sa qualification et à son ancienneté, la danger que présentait le creusement d'une tranchée non étayée, ce qu'il reconnaît d'ailleurs dans ses propres écritures";

que faute par la cour d'appel d'avoir réfuté ces motifs, sa décision encourt la censure pour violation de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

alors que, de troisième part, il résulte de l'article L. 263-2 du Code du travail que le salarié qui exerce les fonctions de contremaître de chantier est nécessairement titulaire d'une délégation de pouvoir de fait de l'employeur et substitué dans la direction de l'entreprise dès lors, que l'employeur ne le contrôle pas en assurant une présence permanente sur le chantier et est donc pourvu de la compétence et de l'autorité nécessaire pour veiller efficacement au respect des consignes de sécurité;

qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que, lors de l'accident, M. Y... qui avait indiqué lors de son embauche qu'il avait "une bonne expérience dans le bâtiment et les travaux publics", exerçait les fonctions de contremaître de chantier affecté à la réalisation de travaux publics, qu'il n'y avait aucun supérieur hiérarchique sur le chantier et que le conducteur de travaux chargé du suivi des chantiers n'était plus en activité;

qu'en niant, néanmoins, l'existence d'une délégation de pouvoirs de l'employeur au profit de M. Y... en matière de sécurité, la cour d'appel a méconnu les conséquences nécessaires de ses propres obligations et violé par refus d'application l'article L. 263-2 du Code du travail;

alors qu'enfin, la cour d'appel a à nouveau violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile en omettant de réfuter le motif déterminant des premiers juges pris de ce que le "manquement (de M. Y...) à ses obligations professionnelles caractérise, eu égard aux conséquences qu'il a entraînées, une faute grave justifiant un licenciement immédiat" ;

Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, qui a relevé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que la nécessité d'un blindage ou d'un étaiement n'était pas établie, que l'employeur ne justifiait pas avoir fait bénéficier le salarié d'une formation spécifique à la sécurité et ne démontrait pas que ce dernier n' avait pas respecté les obligations qui lui incombaient, et qui a ainsi motivé sa décision, a pu décider que le comportement du salarié n'était pas de nature à rendre impossible son maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis et ne constituait pas une faute grave ;

Attendu, ensuite, qu'exerçant le pouvoir d'appréciation qu'elle tient de l'article L. 122-14-3 du Code du travail, ellea décidé que le licenciement ne procédait pas d'une cause réelle et sérieuse ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Guilbert-Dezellus aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 95-42825
Date de la décision : 02/04/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen (chambre sociale), 30 mars 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 avr. 1998, pourvoi n°95-42825


Composition du Tribunal
Président : Président : M. WAQUET conseiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:95.42825
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