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31/03/1998 | FRANCE | N°96-83956;98-80352

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 31 mars 1998, 96-83956 et suivant


REJET des pourvois formés par :
- X... Mohamed,
1° contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Agen, du 24 juillet 1996, qui, dans l'information suivie notamment contre lui pour vol aggravé, a rejeté sa demande d'annulation d'actes de la procédure ;
2° contre l'arrêt de ladite chambre d'accusation, du 7 janvier 1998, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises du Lot-et-Garonne, sous l'accusation du crime susvisé.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de l

a violation des articles 100 et suivants, 171 et 802 du Code de procédure pénale...

REJET des pourvois formés par :
- X... Mohamed,
1° contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel d'Agen, du 24 juillet 1996, qui, dans l'information suivie notamment contre lui pour vol aggravé, a rejeté sa demande d'annulation d'actes de la procédure ;
2° contre l'arrêt de ladite chambre d'accusation, du 7 janvier 1998, qui l'a renvoyé devant la cour d'assises du Lot-et-Garonne, sous l'accusation du crime susvisé.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 100 et suivants, 171 et 802 du Code de procédure pénale, 6. 1 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble violation du principe de loyauté des preuves :
" en ce que l'arrêt de la chambre d'accusation en date du 24 juillet 1996 a refusé d'annuler la commission rogatoire du magistrat instructeur en date du 10 novembre 1994 (cote D 190) et les actes subséquents ;
" aux motifs que les écoutes critiquées ont été enregistrées lors des parloirs d'Y... avec sa famille, que, cependant, ces écoutes ont été mises en place aux fins d'identifier l'organisateur de l'agression ; que, suite à ces écoutes, Y... et Z... ont formellement mis en cause X... ; que, dès lors, le droit de celui-ci de critiquer la régularité de ces écoutes qui sont de nature à lui causer un grief ne peut être écarté ; qu'ensuite, de la combinaison des articles 81, alinéa 1er, et 151, alinéa 3, du Code de procédure pénale, il résulte que le juge d'instruction, à qui il appartient de procéder à tous les actes utiles à la manifestation de la vérité et qui peut, à cette fin, requérir par commission rogatoire l'accomplissement d'actes d'instruction se rattachant directement à la répression de l'infraction visée aux poursuites, a la faculté d'ordonner, par ce moyen, les recherches propres à déterminer les circonstances dans lesquelles l'infraction a été commise ; que l'ordre donné par un juge d'instruction, par commission rogatoire, d'écouter, d'enregistrer et de transcrire sur procès-verbal, dans un délai déterminé, des conversations utiles à la manifestation de la vérité au cours d'un parloir famille à la maison d'arrêt, qui trouvent leur base légale dans les articles 81 et 151 du Code de procédure pénale, ne saurait contrevenir aux dispositions de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qui dispose que, " toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance, mais aussi qu'il peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence, dans une société démocratique, est nécessaire à la prévention des infractions pénales ", alors que les conversations d'une personne mise en examen détenue, au parloir d'une maison d'arrêt, sont de plein droit soumises au contrôle du personnel pénitentiaire ; que ces écoutes ne contreviennent pas non plus aux dispositions prévues par l'article 100 du Code de procédure pénale selon lesquelles, en matière criminelle et en matière correctionnelle, si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d'emprisonnement, le juge d'instruction peut, lorsque les nécessités de l'information l'exigent, prescrire l'interception, l'enregistrement et la transcription de correspondances émises par la voie des télécommunications ; ces opérations sont effectuées sous son autorité et son contrôle ; que la décision d'interception, qui est écrite, n'a pas de caractère juridictionnel et n'est susceptible d'aucun recours ; qu'en effet, la commission rogatoire du 10 novembre 1994, contestée par la défense tant dans son principe que dans ses modalités d'exécution, a été délivrée par un juge d'instruction, dans le cadre d'une information criminelle, où les peines encourues sont supérieures à deux ans s'agissant d'un vol aggravé par le port d'une arme apparente ou cachée aux fins d'écouter et d'enregistrer les conversations privées tenues entre le détenu Y..., A..., sa mère, B..., et C..., ses soeurs ; qu'il était, en outre, prescrit de procéder à la retranscription sur procès-verbal des bandes magnétiques qui devront être placées sous scellés " que pour les conversations utiles à la poursuite de l'information " ;
que, par ailleurs, cette décision d'interception de conversations au cours d'un parloir famille à la maison d'arrêt d'Agen comportait tous les éléments d'identification de la liaison à intercepter, l'infraction qui motivait le recours à l'interception, ainsi que la durée de celle-ci : " les procès-verbaux devant être transmis au juge d'instruction mandant avec une copie certifiée avant le 10 janvier 1995 ", soit pour une durée de deux mois inférieure à celle autorisée par le législateur, à savoir quatre mois renouvelables ; qu'en outre, il était prescrit de procéder à toutes réquisitions utiles, notamment aux fins de se procurer auprès des organismes spécialisés le matériel nécessaire ; que les officiers de police judiciaire, D..., maréchal des logis chef à la SR d'Agen, assisté du maréchal des logis chef E... de la BRD d'Agen, officiers de police judiciaire territorialement compétents, ont requis le concours d'un interprète en langue marocaine, pour transcrire les conversations enregistrées sur cassettes audios, placées sous scellé fermé n° 1, dressé procès-verbal de chacune des opérations d'interception et d'enregistrement, mentionnant la date et l'heure auxquelles l'opération a commencé et celles auxquelles elle s'est terminée ; qu'enfin, les officiers de police judiciaire n'ont retranscrit sur procès-verbal que les conversations utiles à la manifestation de la vérité, ont clôturé la commission rogatoire dès le 12 décembre 1994 et l'ont déposée le 15 décembre 1994, bien avant l'échéance fixée par le juge d'instruction ;
" 1o alors que l'ingérence des autorités publiques dans la vie privée et familiale, le domicile et la correspondance d'une personne ne constitue, aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la prévention des infractions pénales que si elle est prévue par une loi qui doit remplir la double condition suivante : être d'une qualité telle qu'elle use de termes clairs pour indiquer à tous de manière suffisante, en quelles circonstances et sous quelles conditions elle habilite la puissance publique à opérer pareille atteinte, secrète et virtuellement dangereuse, au droit au respect de la vie privée et de la correspondance et définir l'étendue et les modalités d'exercice d'un tel pouvoir avec une netteté suffisante pour fournir à l'homme une protection adéquate contre l'arbitraire ; qu'aucune disposition de la loi française, relativement à l'interception des conversations au parloir d'une maison d'arrêt ne répond à ces conditions ;
" 2o alors que la mise en place d'un système destiné à intercepter les conversations entre un détenu et sa famille au parloir porte atteinte au principe de loyauté des preuves ;
" 3o alors qu'en l'espèce, l'interception de conversations au parloir famille de la maison d'arrêt d'Agen ayant, selon les énonciations de l'arrêt de renvoi devant la cour d'assises, joué un rôle déterminant dans la décision de mise en accusation de X..., il ne fait aucun doute que leur irrégularité a porté atteinte aux intérêts de celui-ci " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure, qu'informant, notamment, contre X... du chef de vol qualifié, le magistrat instructeur a délivré une commission rogatoire aux services de police à l'effet d'enregistrer les conversations échangées au parloir de la maison d'arrêt entre Y... également mis en examen dans la même procédure et les membres de sa famille venus lui rendre visite ; que les conversations ainsi enregistrées ont été traduites et retranscrites sur procès-verbal ; qu'ayant été interrogé sur ces enregistrements, Y... en a confirmé la teneur et n'en a pas contesté la régularité ;
Attendu qu'en cet état, X... ne saurait faire grief à la chambre d'accusation d'avoir, par les motifs repris au moyen, rejeté sa requête aux fins d'annulation de cet acte de procédure, dès lors qu'il était sans qualité pour se prévaloir d'une prétendue nullité concernant un acte auquel il était étranger ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 311-1 et 311-8 du Code pénal, 6. 1 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
" en ce que l'arrêt attaqué du 7 janvier 1998 a renvoyé le demandeur devant la cour d'assises sous l'accusation de vol avec arme ;
" aux motifs que le 10 novembre 1994, en raison des divergences existant entre les déclarations de F..., d'une part et celles de Z..., d'autre part, quant à l'identité de " l'organisateur " de cette agression, une commission rogatoire était délivrée aux fins de faire procéder les lundis, mercredis et vendredis à une surveillance des parloirs de Y..., lequel avait formellement mis hors de cause le banquier, tout en refusant de nommer le vrai responsable ; que les conversations enregistrées étant en langue marocaine, un expert était requis pour en assurer la traduction ; que les conversations ainsi traduites étaient retranscrites sur procès-verbal, conformément à la mission déléguée ; que, c'est ainsi que le 21 novembre 1994 entre 14 heures 15 et 15 heures 15, Y... informait sa mère, A...., et sa soeur, B..., que l'organisateur était X... dit " Momo ", mais qu'il avait eu peur de le dénoncer en procédure, ce à quoi les membres de sa famille l'encourageaient ; que les propos échangés entre Y... et sa soeur B..., en présence de sa mère, levaient définitivement toute équivoque ; que le 6 janvier 1995, Y... confirmait ses craintes au sujet de la sécurité de sa mère " qui vit toute seule ", mais se déclarait près à parler si Z... en faisait autant ; que le 26 janvier 1995, au cours d'une confrontation avec Z..., Y... accusait formellement X..., alias Momo, qui lui avait proposé " de gagner des sous ", d'être le seul maître d'oeuvre de l'agression de G..., ayant personnellement procédé au recrutement, à la distribution des rôles et au partage du butin ; que, peu après, le 27 mars 1995, Z... confirmait les déclarations réitérées de Y... et indiquait que Mohamed X... l'avait personnellement recruté quelques jours avant les faits, qu'il avait contacté les différents participants, leur attribuant un rôle précis ; que les 19 juin, 20 décembre 1995 et 24 janvier 1996, au cours de plusieurs confrontations ultérieures et en dépit des dénégations persistantes de X..., Y... et Z... accusaient formellement X... d'être le seul maître d'oeuvre de l'agression de G..., dont il avait conduit toutes les opérations et bénéficié de la part la plus importante du butin ;
" alors, qu'ainsi que le soutenait le demandeur dans son mémoire délaissé de ce chef, les conversations enregistrées au parloir famille d'une maison d'arrêt en violation des dispositions des articles 6. 1 et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peuvent servir de base à une décision de renvoi devant la cour d'assises " ;
Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la chambre d'accusation, après avoir exposé les faits, a relevé l'existence de charges suffisantes contre X... pour ordonner son renvoi devant la cour d'assises, sous l'accusation de vol aggravé ;
Qu'en effet, les chambres d'accusation apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction, et la Cour de Cassation n'a d'autre pouvoir que de vérifier, à supposer ces faits établis, si leur qualification justifie la saisine de la juridiction de jugement ;
Que tel étant le cas en l'espèce, le moyen ne peut qu'être écarté ;
Et attendu que la chambre d'accusation était compétente, qu'il en est de même de la cour d'assises devant laquelle X... est renvoyé ; que la procédure est régulière, et que les faits, objet de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi :
REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 96-83956;98-80352
Date de la décision : 31/03/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

INSTRUCTION - Nullités - Qualité pour s'en prévaloir.

Une personne mise en examen est sans qualité pour se prévaloir d'une prétendue nullité affectant l'enregistrement de conversations qui concernent une autre personne mise en examen dans la même procédure.


Références :

Code de procédure pénale 171, 802

Décision attaquée : Cour d'appel d'Agen (chambre d'accusation), 1996-07-24 et 1998-01-07


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 31 mar. 1998, pourvoi n°96-83956;98-80352, Bull. crim. criminel 1998 N° 121 p. 324
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1998 N° 121 p. 324

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Milleville, conseiller doyen faisant fonction.
Avocat général : Avocat général : M. de Gouttes.
Rapporteur ?: Rapporteur : Mme Anzani.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Piwnica et Molinié.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.83956
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