AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller MASSE de BOMBES, les observations de la société civile professionnelle LYON-CAEN, FABIANI et THIRIEZ, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Bernard, contre l'arrêt de la cour d'appel d'AMIENS, 6ème chambre, du 10 juin 1997, qui, pour proxénétisme, l'a condamné à 1 an d'emprisonnement avec sursis, à une amende de 50 000 francs, et à la privation partielle des droits civiques, civils et de famille pour une durée de 3 ans ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 225-5 (2°), 225-6 (3°) du Code pénal, 212, 215, 1109, 1729, 1875 du Code civil, 12 de la Convention européenne des droits de l'homme, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit de proxénétisme ;
"aux motifs que les époux X... ont déclaré, au titre de l'impôt sur le revenu en 1990 : 71 605 francs, en 1991 : 90 967 francs et en 1992 : 120 710 francs;
que Nicole X... a reconnu avoir arrêté la prostitution en 1990;
que même si les locaux commerciaux étaient financés par la revente des studios achetés par le père de Bernard X... et que les loyers de l'appartement de Pommeuse réglaient les remboursements d'emprunt, il est clair que les époux X... avaient un train de vie, comme en témoigne le très coquet pavillon remis en état par Bernard X... lui-même, que leurs revenus déclarés ne peuvent expliquer;
que le couple possédait une Renault 25 de 1986 et une Fiat Tipo pour Nicole X...;
qu'il n'est pas possible pour Bernard X... de ne s'être pas douté que ces revenus dont il profitait provenaient de cette activité délictueuse;
qu'en ce qui concerne Evelyne Brayer, celle-ci a admis entretenir des relations intimes avec Bernard X..., qui connaissait son activité de péripatéticienne;
que celui-ci a reconnu lui avoir prêté avec son épouse une somme de 70 000 francs, remboursée partiellement et, en contrepartie, il entretient des relations avec elle;
qu'il a assuré que l'origine de l'argent au moyen duquel Evelyne Brayer lui payait ses loyers mensuels de 2 400 francs pour l'appartement de Pommeuse ne le concernait pas ;
"alors que, d'une part, en déclarant le prévenu coupable de proxénétisme au motif que son épouse se livrait à la prostitution et que le train de vie des époux excédait les revenus déclarés, non du mari, mais des époux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale tant au regard de l'article 225-5 (2°), qui vise le partage des profits de la prostitution d'autrui ou les subsides reçus, qu'au regard de l'article 225-6 (3°, qui réprime le fait pour le prévenu seul de ne pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie tout en vivant avec une prostituée ;
"alors que, d'autre part, le délit de proxénétisme n'est caractérisé à l'encontre du prévenu ni par le simple remboursement partiel d'un prêt par une prostituée, ni par le paiement par celle-ci des loyers de son appartement, ces deux conventions ayant une cause licite;
qu'en jugeant le contraire, l'arrêt attaqué a violé les textes susvisés" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt confirmatif attaqué que le prévenu a été déclaré coupable d'avoir, de quelque manière que ce soit, aidé, assisté, protégé, tiré profit ou partagé les produits de la prostitution de son épouse, Nicole Y..., et de celle d'Evelyne Brayer ;
Attendu qu'en ce qui concerne cette dernière, la cour d'appel, par motifs propres et adoptés, retient que, pour se rendre sur son lieu de prostitution, Evelyne Brayer utilisait un véhicule aménagé pour recevoir les clients que Bernard X... lui avait prêté en connaissance de cause ;
Attendu qu'en l'état de ces seuls motifs, non contestés par le demandeur, et qui caractérisent l'aide à la prostitution d'autrui et justifient le prononcé de la peine, il n'y a pas lieu d'examiner le grief critiquant une autre partie de la motivation de l'arrêt attaqué ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Guilloux conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Massé de Bombes conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Farge, Pelletier conseillers de la chambre, MM. Poisot, Sassoust conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Amiel ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;