AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-cinq mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller MASSE de BOMBES, les observations de la société civile professionnelle Le BRET et LAUGIER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général AMIEL ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- Y... Thierry, contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 10ème chambre, du 3 avril 1997 qui, pour proxénétisme aggravé, l'a condamné à 18 mois d'emprisonnement avec sursis, à une amende de 20 000 francs et qui a prononcé sur les intérêts civils ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 225-5, 225-7 du Code pénal, 334-1-2°, 334-1-6° de l'ancien Code pénal, 1382 du Code civil, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Thierry Y... coupable du chef de proxénétisme aggravé et l'a condamné à une peine de 18 mois d'emprisonnement avec sursis et de 20 000 francs d'amende ;
sur l'action civile, a condamné le même solidairement avec plusieurs autres au paiement d'une somme de 30 000 francs à titre de dommages-intérêts ;
"aux motifs propres et adoptés du jugement entrepris que, s'agissant de Thierry Y..., la cour d'appel relève qu'il a volontairement et délibérément mis à la disposition d'Arthur Z..., exploitant de "L'Ange X...", un de ses propres comptes postaux sur lequel était déposé le produit de la prostitution se déroulant dans cet établissement et dont les recettes avoisinaient 10 000 francs par jour ;
que Thierry Y... ne peut sérieusement soutenir ignorer les activités illicites de "L'Ange X...", alors même qu'il partageait la vie d'Arthur Z... et qu'il lui était arrivé, en l'absence du barman de l'établissement, de le remplacer;
que le fait d'avoir accepté que l'un de ces comptes bancaires serve de compte-dépôt de sommes d'argent dont il savait qu'une partie en était le fruit des activités prostitutionnelles qui s'exerçaient dans l'établissement dont il était comptable, suffit à le rendre coupable des faits d'assistance de la prostitution d'autrui en en percevant le produit;
que, toutefois, dans l'appréciation de la peine, il sera tenu compte du contexte très particulier dans lequel le prévenu a agi, ainsi que du mobile qui l'a mû, puisque, sans en tirer un quelconque profit, il n'a agi que pour pouvoir conserver sa fonction de comptable au service d'Arthur Z... ;
"alors, d'une part, que le proxénétisme est le fait d'aider, d'assister ou de protéger la prostitution d'autrui;
que ladite infraction ne permet pas de sanctionner des faits dépourvus de lien direct avec une quelconque aide, assistance ou protection de la prostitution d'autrui;
que, spécialement, l'arrêt attaqué, en se bornant à constater que Thierry Y... avait conservé sur son compte bancaire des sommes en provenance d'une activité prostitutionnelle protégée par feu Arthur Z..., n'a caractérisé à l'encontre de Thierry Y... aucun fait précis constitutif, soit d'une aide, soit d'une assistance, soit d'une protection directe de la prostitution d'autrui, et n'a pourtant pas donné de base légale à sa décision ;
"alors, d'autre part, que la cour d'appel a, adoptant les motifs du jugement, statué par une contradiction de motifs, dès lors qu'il n'était pas possible de retenir cumulativement que Thierry Y... serait coupable de faits d'assistance de la prostitution d'autrui en en percevant le produit et qu'il n'avait agi que pour conserver sa fonction de comptable, les dépôts d'argent ne lui ayant au surplus procuré aucun profit;
que l'arrêt attaqué n'est, dès lors, pas motivé" ;
Attendu que pour les motifs exactement reproduits au moyen, l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de proxénétisme aggravé ;
Attendu qu'en cet état, la cour d'appel n'encourt pas les griefs allégués ;
Qu'en retenant que Thierry Y... avait volontairement et délibérément mis à la disposition de l'exploitant de l'établissement "L'Ange X..." un de ses propres comptes postaux sur lequel était déposé le produit de la prostitution se déroulant dans cet établissement, les juges, contrairement à ce qui est soutenu, ont caractérisé l'aide et l'assistance à la prostitution d'autrui ;
Que, par ailleurs, le fait que, pour apprécier la peine, il ait été tenu compte que le prévenu ait invoqué, pour mobile, avoir voulu préserver son emploi dans l'établissement, n'est nullement en contradiction avec l'élément intentionnel du délit dont il a été déclaré coupable ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré : M. Guilloux conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président, M. Massé de Bombes conseiller rapporteur, MM. Le Gall, Farge, Pelletier conseillers de la chambre, MM. Poisot, Sassout conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Amiel ;
Greffier de chambre : Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;