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24/03/1998 | FRANCE | N°96-30100

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 mars 1998, 96-30100


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Joseph X..., demeurant ..., en cassation d'une ordonnance rendue le 2 mai 1996 par le président du tribunal de grande instance de Paris, au profit du directeur général des Impôts, domicilié ..., défendeur à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation j

udiciaire, en l'audience publique du 10 février 1998, où étaient présents : M. Bézard,...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par M. Joseph X..., demeurant ..., en cassation d'une ordonnance rendue le 2 mai 1996 par le président du tribunal de grande instance de Paris, au profit du directeur général des Impôts, domicilié ..., défendeur à la cassation ;

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 10 février 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Ponsot, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneron, conseiller, M. Jobard, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller référendaire, les observations de Me Bouthors, avocat de M. X..., de Me Foussard, avocat du directeur général des Impôts, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que, par ordonnance du 2 mai 1996, le président du tribunal de Paris a autorisé des agents de la Direction générale des Impôts à effectuer une visite et une saisie de documents au domicile de M. X... à Paris 16e, en vue de rechercher la preuve de la fraude fiscale de la société Riz et Denrées ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X... fait grief à l'ordonnance d'avoir autorisé la visite et saisie litigieuses, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, suivant l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit au respect de son domicile et il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence soit prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire (...) à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales;

qu'une perquisition fiscale destinée, suivant l'article L. 16 B de Livre des procédures fiscales, à réunir les éléments de preuve dune fraude supposée en dehors de toute procédure de vérification et sans ouverture d'une information judiciaire n'est pas une mesure nécessaire au sens de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde, et alors, d'autre part, que toute personne a droit, suivant l'article 6 de la Convention de sauvegarde, à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un Tribunal (...) qui décidera, soit des contestations sur des droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle;

que les seules voies de recours ouvertes a posteriori au contribuable pour contester la régularité de l'ordonnance et de son exécution, une fois la perquisition réalisée, demeurent insuffisantes au regard des droits défendus par l'article 6 précité;

que le justiciable doit en effet disposer d'une voie de droit lui permettant sans délai de s'opposer utilement à toute perquisition en son absence;

que faute d'avoir prévu pareille garantie élémentaire, l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales est incompatible avec l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde ensemble ses articles 8 et 13 ;

Mais attendu, d'une part, que les dispositions de l'article L. 16 B de Livre des procédures fiscales assurent la conciliation du principe de la liberté individuelle et des nécessités de la lutte contre la fraude fiscale;

qu'ainsi, ces dispositions ne contreviennent pas à celles de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Attendu, d'autre part, que la protection des droits de l'homme au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est assurée par le juge qui autorise la visite domiciliaire et la saisie ainsi que par le contrôle de la Cour de Cassation au regard de la régularité de l'ordonnance ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que M. X... fait encore grief à l'ordonnance d'avoir autorisé la visite et saisie litigieuses, alors, selon le pourvoi, que, suivant l'article L. 16 B du Livre des procédures fiscales, la requête doit comporter tous les éléments d'information de nature à justifier la saisie;

que la requête du 2 mai 1996 présentée au président du tribunal de grande instance de Paris est incomplète, dès lors que ne s'y trouvait pas annexée l'ordonnance délivrée le 30 avril précédent par le président du tribunal de grande instance de Nanterre dans le cadre de la même affaire, qui fera d'ailleurs l'objet, le 9 mai 1996, d'une action simultanée à Neuilly et à Paris ;

Mais attendu que le moyen n'allègue ni ne démontre que la connaissance de la première ordonnance par le second juge était nécessaire à l'appréciation de la requête dont il était saisi;

que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. X... fait enfin grief à l'ordonnance d'avoir autorisé la visite et saisie litigieuses, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'aux termes des articles L. 16 B du Livre des procédures fiscales et 455 du nouveau Code de procédure civile, le juge doit exercer son pouvoir souverain sur les éléments fournis par l'Administration, la licéité de leur origine et l'existence de présomptions d'agissements visés par la loi prévoyant la mesure autorisée;

que le caractère effectif de la garantie du contrôle juridictionnel n'est pas établi lorsque le projet d'ordonnance a été directement établi par l'Administration requérante et non par le juge lui-même;

qu'en cet état, l'ordonnance attaquée a méconnu les textes précités, et alors, d'autre part, qu'un doute objectif sur la garantie d'indépendance et d'impartialité de la juridiction intéressée s'induit, au sens de l'article 6-1 de la Convention européenne de sauvegarde, du fait que le projet d'ordonnance a été rédigé par l'Administration requérante elle-même et non par le juge;

que de ce chef encore, l'ordonnance encourt l'annulation ;

Mais attendu que les motifs et le dispositif de l'ordonnance sont réputés établis par le juge qui l'a signée et rendue;

que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 96-30100
Date de la décision : 24/03/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Visites domiciliaires - Ordonnance autorisant la visite - Compatibilité avec la sauvegarde des droits de l'homme - Présomption de régularité.


Références :

CGI L16 B

Décision attaquée : Président du tribunal de grande instance de Paris, 02 mai 1996


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 mar. 1998, pourvoi n°96-30100


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:96.30100
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