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24/03/1998 | FRANCE | N°95-30250

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 24 mars 1998, 95-30250


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société SM international transactions (SMIT), société à responsabilité limitée, dont le siège est ..., représentée par son gérant M. Sever X..., en cassation d'une ordonnance rendue le 12 octobre 1995 par le président du tribunal de grande instance de Dijon, au profit du directeur général des Impôts, domicilié ..., défendeur à la cassation ;

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les sept

moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 1...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société SM international transactions (SMIT), société à responsabilité limitée, dont le siège est ..., représentée par son gérant M. Sever X..., en cassation d'une ordonnance rendue le 12 octobre 1995 par le président du tribunal de grande instance de Dijon, au profit du directeur général des Impôts, domicilié ..., défendeur à la cassation ;

Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les sept moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 10 février 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Ponsot, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneron, conseiller, M. Jobard, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Monod, avocat de la société SMIT, de Me Foussard, avocat du directeur général des Impôts, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que par ordonnance du 12 octobre 1995, le président du tribunal de grande instance de Dijon, a autorisé des agents de la direction générale des Impôts, en vertu de l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales, à effectuer une visite et une saisie de documents dans les locaux de la SA East Europ Trading (EET), ... et rue Pierre Fleurot à Dijon (Côte d'Or), en vue de rechercher la preuve de la fraude fiscale des sociétés SMIT (SM International transaction) EET et Compagnie d'informatique et d'automatisme ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la SARL SMIT fait grief à l'ordonnance d'avoir autorisé la visite et saisie litigieuses, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le juge doit statuer dans le cadre de la demande qui lui est présentée;

qu'en l'espèce, la requête de l'administration des Impôts, visait les locaux professionnels de Dijon des sociétés SMIT, ETT et compagnie France, rue Devosge à Dijon;

que, dès lors, en autorisant les visites et saisies à une autre adresse, l'ordonnance attaquée a excédé ses pouvoirs en violation des articles L.16 B du Livre des procédures fiscales et 4 du nouveau Code de procédure civile;

alors, d'autre part, qu'en autorisant la visite des locaux de la société EET, après avoir relevé seulement que la SCI Villa SM était susceptible de détenir des documents pouvant illustrer la fraude présumée, le président du Tribunal n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L.16 B du Livre des procédure fiscales;

et alors, enfin, que le juge doit être certain que les locaux dont il autorise la visite sont occupés par la société qui fait l'objet de la perquisition;

qu'en l'espèce, en se bornant à autoriser les visites dans les locaux professionnels et les dépendances occupés en droit et/ou en fait par la société EET rue Lecoulteux et rue Pierre Fleurot à Dijon, sans avoir vérifié si les locaux à visiter étaient effectivement occupés par les sociétés, objets des perquisitions et visites, l'ordonnance attaquée a statué en violation des articles L.16 B du Livre des procédures fiscales et 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que la requête de l'administration fiscale vise 7 lieux différents dont le ... et rue Pierre Fleurot à Dijon;

que l'ordonnance ayant pour objet la recherche de la preuve de la fraude fiscale de la SA EET, ainsi que des SARL SMIT et Cia, il ne peut lui être reproché d'autoriser cette recherche entre autres dans les locaux occupés par cette société, en droit ou en fait;

que l'ordonnance relève que la SCI Villa SM a donné en location à la SA EET la maison du ... et rue Pierre Fleurot à Dijon, et est susceptible de détenir la preuve de la fraude recherchée;

que le moyen qui manque en fait dans sa première branche n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la SARL fait aussi grief à l'ordonnance, d'avoir autorisé la visite et saisie litigieuses, alors, selon le pourvoi, que l'ordonnance doit établir un lien direct entre les pouvoirs d'investigation donnés et les présomptions d'infraction;

que tel n'est pas le cas de l'ordonnance attaquée, qui retient une présomption de fraude générale pour tout ce qui touche de près ou de loin M. X..., sans distinguer entre l'impôt sur les sociétés, l'impôt sur le revenu et la TVA;

qu'ainsi, l'autorisation donnée à l'Administration est illimitée quant aux pouvoirs d'investigation qu'elle confère, en violation de l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu que l'ordonnance n'autorise que la recherche de la preuve de la fraude des sociétés SMIT, EET et Cia au regard de l'impôt sur les bénéfices des sociétés et de la TVA;

qu'en autorisant les visites et saisies nécessaires à la recherche de cette preuve, l'ordonnance n'a pas étendu l'autorisation au-delà du champ limitativement retenu;

que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la SARL SMIT fait encore grief à l'ordonnance, alors selon le pourvoi, que le juge ne peut se fonder sur des présomptions relatives à des exercices prescrits;

qu'en l'espèce, s'agissant d'une demande de l'Administration présentée en 1995, le juge ne pouvait se fonder sur des présomptions remontant au-delà de trois ans, soit au-delà de 1992 ;

que dès lors, en prenant néanmoins en compte des faits relatifs à l'exercice de la société SMIT clos en 1991, l'ordonnance attaquée a violé les articles L.16 B, L. 168, L. 169 et L. 173 du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu qu'il ne résulte pas des faits retenus par l'ordonnance, que le juge se soit fondé sur des présomptions relatives à des exercices manifestement prescrits;

que le moyen tend à contester le bien-fondé de l'imposition;

qu'un tel moyen ne peut être présenté que dans une instance engagée sur les résultats de la mesure autorisée;

d'où il suit, qu'inopérant pour critiquer l'ordonnance par laquelle le juge a recherché s'il existait des présomptions d'agissements, visés par la loi justifiant la recherche de leur preuve par la mise en oeuvre de la mesure autorisée, ne peut être accueilli ;

Sur le quatrième moyen, pris en ses quatre branches, et le cinquième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la SARL fait en outre grief à l'ordonnance, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la procédure des visites et saisies est justifiée afin de rechercher la preuve d'agissements, tendant à révéler que le contribuable se soustrait à l'établissement de l'impôt;

qu'en l'espèce, l'Administration se prévalait de simples discordances entre les déclarations des marchandises exportées, faites par la société SMIT aux services fiscaux, et les déclarations détenues par le service des Douanes;

qu'il ressort des motifs de l'ordonnance, que l'Administration connaissait le montant de ces discordances, et que les manquements imputés à la société SMIT et les rappels d'impôt correspondants, étaient rapportés par la vérification de comptabilité de la société;

que dès lors, en autorisant l'administration des Impôts à utiliser la procédure des visites et saisies, l'ordonnance attaquée a omis de tirer les conséquences légales de ses constatations, desquelles il résultait que cette procédure était inutile et a violé l'article L.16 B du Livre des procédure fiscales;

alors, d'autre part, que la procédure des visites et saisies domiciliaires, est une procédure exceptionnelle qui exige des moyens d'investigations exceptionnels;

que de simples discordances entre les déclarations faites aux services fiscaux et celles faites aux services des Douanes, pouvaient être élucidées par un contrôle fiscal ordinaire;

que dès lors, en l'espèce, en estimant que les discordances relevées entre les montants d'exportations, déclarés à l'administration des Douanes et à l'administration des Impôts, permettaient le recours à la procédure des visites et saisies, sans justifier autrement la mise en oeuvre de cette procédure exceptionnelle, l'ordonnance attaquée a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales;

alors, d'une troisième part, que les résultats d'une vérification de comptabilité ne sont pas définitifs;

qu'il s'ensuit que de tels résultats ne suffisent pas à constituer une présomption de fraude;

que dès lors, en l'espèce, en justifiant les visites et saisies au seul vu de premiers résultats d'une vérification de comptabilité de la société SMIT pour la période du 1er novembre 1991 au 31 décembre 1994, sans se référer à d'autres pièces susceptibles de confirmer ces résultats, l'ordonnance attaquée a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales;

alors, encore, que la comparaison des exportations déclarées à l'administration des Douanes et à l'administration des Impôts, impliquait comparaison des déclarations en douane et des déclarations TVA CA 34;

qu'en l'espèce, il ressort des motifs de l'ordonnance et de la liste des pièces fournies par l'Administration, que le juge n'a pris en compte que les déclarations 2065 et non les déclarations CA 34 pour les rapprocher des déclarations détenues par les Douanes ;

qu'ainsi, l'ordonnance est privée de base légale au regard de l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales;

alors de plus, qu'en retenant de façon hypothétique l'existence d'une présomption d'avoirs en Roumanie "qui pourraient être transférés en France par la Dacia Felix Bank", l'ordonnance attaquée a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;

alors, enfin, que des faits constatés par le juge, relativement aux déclarations d'exportation, il ne pouvait résulter qu'une présomption éventuelle de fraude à la TVA, à l'exclusion d'une dissimulation d'avoirs qui échapperaient à l'impôt sur les sociétés;

que dès lors, en retenant néanmoins, en l'espèce, l'existence d'une présomption de fraude, constituée par la dissimulation d'avoirs en Roumanie pouvant être transférés en France, par une banque contrôlée par M. X... en France, l'ordonnance attaquée n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu que les moyens tendent à contester la valeur des éléments retenus par le juge comme moyens de preuve des agissements ;

que de tels moyens sont inopérants pour critiquer l'ordonnance dans laquelle le juge a recherché, sans encourir le grief de la première branche des cinquième et sixième moyens, par l'appréciation des éléments fournis par l'Administration, s'il existait des présomptions d'agissements visés par la loi justifiant la recherche de la preuve de ces agissements au moyen d'une visite en tous lieux même privés et d'une saisie de documents s'y rapportant;

que les moyens ne sont fondés en aucune de leurs branches ;

Sur le sixième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la SARL SMIT fait grief à l'ordonnance, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le juge ne peut se fonder sur des présomptions relatives à des exercices prescrits;

qu'en l'espèce, s'agissant d'une demande de l'Administration présentée en 1995, le juge ne pouvait se fonder sur des présomptions remontant au-delà de trois ans, soit au-delà de 1992;

que, dès lors, en prenant néanmoins en compte des faits relatifs aux années 1986, 1987, 1988, 1989, 1990 concernant les revenus déclarés par M. X..., l'ordonnance attaquée a violé les articles L.16 B, L.168, L.169, L.173 du Livre des procédures fiscales;

alors, d'autre part, et subsidiairement, qu'en se bornant à retenir que les revenus imposables déclarés par M. et Mme X... n'auraient pu être suffisants pour financer les acquisitions mobilières et immobilières, faites par ces derniers en 1993 et 1994, sans référence complète au patrimoine de M. et Mme X..., et sans référence à aucun document, attestant si ces acquisitions avaient été ou non effectuées avec un prêt, le juge, qui a néanmoins déduit une présomption de fraude de ses constatations, a privé sa décision de base légale au regard de l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu, qu'il ne résulte pas des faits retenus par l'ordonnance, que le juge se soit fondé sur des présomtions relatives à des exercices manifestement prescrits;

que le moyen tend à contester le bien- fondé de l'imposition ou des poursuites pénales;

qu'un tel moyen ne peut être présenté que dans une instance engagée sur les résultats de la mesure autorisée, d'où il suit qu'il est inopérant pour critiquer l'ordonnance par laquelle le juge a recherché s'il existait des présomptions d'agissements, visés par la loi justifiant la recherche de leur preuve au moyen de la mesure autorisée;

que pour le surplus, le moyen tend à contester la valeur des éléments retenus par le juge comme moyens de preuve des agissements ;

que de tels moyens sont inopérants pour critiquer l'ordonnance, dans laquelle le juge a recherché par l'appréciation des éléments formés par l'Administration, s'il existait des présomtions d'agissements visés par la loi justifiant la recherche de la preuve de ces agissements, au moyen d'une visite en ses lieux même privés et d'une saisie de documents;

que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;

Sur le septième moyen :

Attendu que la SARL SMIT fait enfin grief à l'ordonnance d'avoir autorisé la visite et saisie litigieuses, alors, selon le pourvoi, que le juge peut, s'il l'estime utile, se rendre dans les locaux pendant la visite qu'il a autorisée, et en décider l'arrêt ou la suspension;

qu'ainsi, en l'espèce, en ne fixant pas lui-même la date d'intervention des visites et saisies, en n'ordonnant pas que cette date lui soit préalablement soumise et en se bornant à demander que les modalités du déroulement des visites soient portées à sa connaissance au plus tard le 15 novembre 1995, soit après l'expiration du délai de validité de son ordonnance, le juge a subordonné à l'attitude de l'Administration, la possibilité pour lui de se rendre dans les locaux pendant la visite ou d'en ordonner l'arrêt ou la suspension;

qu'il a ainsi abdiqué ses pouvoirs de contrôle, en violation de l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu qu'en fixant une date de caducité au 31 octobre 1995, le président du Tribunal qui n'avait pas à fixer lui-même la date précise d'intervention des agents de l'Administration et qui a désigné l'officier de police judiciaire, chargé d'assister aux opérations de le tenir informé de leur déroulement et de veiller au respect des droits de la défense, n'a pas méconnu l'exigence de l'article L.16 B du Livre des procédures fiscales;

que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société SMIT aux dépens ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 95-30250
Date de la décision : 24/03/1998
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Président du tribunal de grande instance de Dijon, 12 octobre 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 24 mar. 1998, pourvoi n°95-30250


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:95.30250
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