AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. Michel Z..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 3 mars 1995 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 2e section), au profit :
1°/ de Mme Marie-Jeanne, Paule, Rose B..., épouse Y..., demeurant ...,
2°/ de Mme Nicole X..., épouse Z..., demeurant ..., défenderesses à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 10 février 1998, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Dupertuys, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, MM. Boscheron, Toitot, Mme Di Marino, M. Bourrelly, Mme Stéphan, MM. Peyrat, Guerrini, Philippot, conseillers, M. Pronier, Mme Fossaert-Sabatier, conseillers référendaires, M. Baechlin, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Dupertuys, conseiller, les observations de Me Cossa, avocat de M. Z..., de Me Blanc, avocat de Mme Y..., les conclusions de M. Baechlin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 3 mars 1995), que l'administration des Douanes, agissant en qualité d'administrateur provisoire de la succession de Mme D..., aux droits de laquelle se trouve, depuis le 19 juillet 1991, Mme Y..., a donné en location à M. Z... un appartement pour une durée d'un an, renouvelable par tacite reconduction par périodes de trois mois;
que le 6 novembre 1991, Mme Y... lui a délivré un congé aux fins de reprise des lieux au bénéfice de sa fille et l'a assigné pour reprendre l'appartement ;
Attendu que M. Z... fait grief à l'arrêt d'être rendu après que le conseiller rapporteur eut tenu seul l'audience des débats, alors, selon le moyen, "que si le juge de la mise en état ou le magistrat chargé du rapport peut tenir seul l'audience, c'est à la double condition de constater que les avocats ne s'y opposent pas et d'entendre les plaidoiries;
qu'en l'espèce, il résulte des énonciations mêmes de l'arrêt que le conseiller rapporteur n'a entendu en sa plaidoirie que l'avocat de Mme Y..., et non celui de M. Z... qui était d'ailleurs dessaisi;
que, dès lors, en faisant application de l'article 786 du nouveau Code de procédure civile qui était applicable, la cour d'appel a violé ce texte" ;
Mais attendu que les conseils des parties dont l'accord est requis par l'article 786 du nouveau Code de procédure civile, sont ceux qui, en l'état de la procédure, ont qualité pour présenter des observations orales;
qu'il ressort des énonciations de l'arrêt, malgré l'impropriété du pluriel utilisé, que le conseiller chargé du rapport a entendu la plaidoirie de l'avocat de Mme Y..., celui-ci ne s'étant pas opposé à plaider devant ce seul magistrat;
qu'il s'ensuit que les exigences légales ont été respectées et que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen :
Attendu que M. A... fait grief à l'arrêt de dire que le bail avait été conclu pour une durée de trois années et, en conséquence, de déclarer valable le congé, alors, selon le moyen, "que le bail conclu par le propriétaire apparent est opposable au véritable propriétaire lorsque le locataire a traité de bonne foi sous l'empire d'une erreur commune;
qu'il résulte des dispositions du 2e alinéa de l'article 10 de la loi du 6 juillet 1989, rendues immédiatement applicables au contrat en cours par l'article 25-II de la même loi, que le bail parvenu à son terme est reconduit tacitement pour une durée égale à au moins six ans lorsqu'il a été consenti par une personne morale;
qu'en l'espèce, le bail litigieux lui avait été consenti par "M. J. C..., représentant la société G et J C..., administrateur de biens (...), agissant au nom et comme mandataire des Domaines" sans qu'il fût nullement précisé que l'administration des Domaines agissait ès qualités d'administrateur de la succession d'une personne physique et M. Z... faisait en outre valoir que, lorsqu'ils furent retrouvés par l'Administration, les héritiers ne s'étaient pas manifestés auprès de lui, le bail n'ayant jamais été modifié;
que, dès lors, en s'abstenant de rechercher s'il n'en résultait pas que, victime d'une erreur commune et exclusive de toute mauvaise foi sur la qualité de son bailleur, M. Z... n'était pas titulaire d'un bail reconduit pour une période de six ans au moins pour avoir été initialement consenti par une personne morale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil, ensemble les articles 10, alinéa 2, et 25-II de la loi du 6 juillet 1989" ;
Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, retenu que l'administration des Domaines n'était intervenue à la conclusion du bail qu'ès qualités d'administrateur à la succession d'une personne physique et que cette succession avait été recueillie par des personnes physiques et relevé que le bail consenti pour un an n'était pas expiré lors de la promulgation de la loi du 22 juin 1982 et n'avait pas été mis en conformité avec ses dispositions, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, en a exactement déduit, par application de l'article 51 de la loi du 23 décembre 1986, ainsi que des articles 10, alinéa 2, et 25-II de la loi du 6 juillet 1989, que la location s'était renouvelée par périodes de trois ans ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. Z... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. Z... à payer à Mme Y... la somme de 8 000 francs ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.