AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme Marie-Madeleine Y..., demeurant ..., en cassation d'un arrêt rendu le 8 novembre 1994 par la cour d'appel de Reims (audience solennelle), au profit :
1°/ de Mme Suzanne X..., demeurant ...,
2°/ de la Caisse régionale de l'Ile-de-France des assurances mutuelles, dont le siège est ...,
3°/ de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Picardie Ile-de-France, dont le siège est ..., défenderesses à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 10 février 1998, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Toitot, conseiller rapporteur, Mlle Fossereau, M. Boscheron, Mme Di Marino, M. Bourrelly, Mme Stéphan, MM. Peyrat, Guerrini, Dupertuys, Philippot, conseillers, M. Pronier, Mme Fossaert-Sabatier, conseillers référendaires, M. Baechlin, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Toitot, conseiller, les observations de Me Blondel, avocat de Mme Y..., les conclusions de M. Baechlin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, (Reims, 8 novembre 1994), statuant sur renvoi après cassation, que la Caisse régionale de l'Ile-de-France des assurances mutuelles, devenue Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles Picardie Ile-de-France (la Caisse) est propriétaire d'un appartement donné à bail à Mme Cance Z...;
que la location ayant été jugée régie par les dispositions générales de la loi du 1er septembre 1948, la Caisse a été condamnée à rembourser à la locataire un trop perçu de loyers et de charges, avec les intérêts au taux légal;
que Mme Cance Z... a demandé, par conclusions additionnelles, le paiement des intérêts à compter du jour du règlement par elle des sommes payées en trop postérieurement à son assignation en remboursement ;
Attendu que Mme Cance Z... fait grief à l'arrêt de déclarer sa demande irrecevable, alors, selon le moyen, "1°) que toute personne a droit à un procès équitable, si bien que la cour d'appel ne pouvait déclarer irrecevable la demande additionnelle de Me Cance Z... comme comprise dans des conclusions déposées antérieurement à l'ordonnance de clôture du 14 février 1994, et dénoncées postérieurement, le 18 août 1994, tout en faisant cependant droit par ailleurs à la requête en rectification d'erreur matérielle de Mme X... notifiée par conclusions du 5 septembre 1994, soit après l'ordonnance de clôture, quelle que soit la pertinence de celle-ci ;
qu'ainsi la cour d'appel viole l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales;
2°) qu'en toute hypothèse, lorsqu'une cour d'appel ayant relevé d'office un moyen, ordonne la réouverture des débats et invite les parties à conclure, cette réouverture emporte nécessairement la révocation de l'ordonnance de clôture;
que dans son précédent arrêt du 8 novembre 1994, la cour de Reims avait relevé d'office le moyen tiré de la violation du contradictoire, et avant-dire-droit, ordonné la réouverture des débats à l'audience solennelle du 13 septembre 1994, et invité pour cette date Mme Cance Z... à faire connaître à la cour d'appel, ses observations sur les conséquences éventuelles de l'inobservation par elle de l'obligation dans laquelle elle était, de notifier à la Cramaif sa demande additionnelle résultant des conclusions déposées le 10 janvier 1994;
que cette réouverture emportait ainsi nécessairement révocation de l'ordonnance de clôture du 14 février 1994, permettant à Mme Cance Z... de satisfaire à son obligation de notification, ce qu'elle fît en dénonçant ses conclusions le 18 août 1994;
qu'en statuant comme elle le fait, la cour d'appel viole les articles 444, 783 et 784 du nouveau Code de procédure civile" ;
Mais attendu, d'une part, que la cour d'appel a retenu que la demande additionnelle déposée par Mme Cance Z..., ayant été dénoncée à la Caisse postérieurement à l'ordonnance de clôture était irrecevable, et que la demande en rectification d'erreur matérielle, présentée par Mme X..., justifiée, devait être accueillie, sans violer l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Attendu, d'autre part, que la cour d'appel n'ayant ordonné la réouverture des débats que pour inviter Mme Cance Z... à faire connaître ses observations sur le non respect, par elle, de son obligation de notifier à la bailleresse sa demande additionnelle, il en résulte que cette décision n'emportait pas la révocation de l'ordonnance de clôture ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen, ci-après annexé :
Attendu, d'une part, que la demande de Mme Cance Z... tendant au paiement des intérêts sur le trop perçu, à compter du jour de son paiement, n'ayant pas été soumise à la cour d'appel, le moyen est, de ce chef, nouveau, mélangé de fait et de droit ;
Attendu, d'autre part, que les conclusions du 5 juillet 1988 de Mme Cance Z... étaient dans le débat ;
D'où il suit que, pour partie irrecevable, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.