AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, DEUXIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par Mme X..., en cassation d'un arrêt rendu le 22 juin 1995 par la cour d'appel de Caen (3ème chambre, section civile), au profit de M. Y..., défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience du 12 février 1998, où étaient présents :
M. Zakine, président, Mme Kermina, conseiller référendaire rapporteur, MM. Guerder, Pierre, Dorly, Mme Solange Gautier, conseillers, M. Mucchielli, conseiller référendaire, M. Joinet, avocat général, Mlle Laumône, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller référendaire, les observations de Me Foussard, avocat de Mme Y...-X..., de la SCP Delaporte et Briard, avocat de M. Y..., les conclusions de M. Joinet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Caen, 22 juin 1995), que lors de la procédure de séparation de corps des époux Y...-X..., l'épouse a sollicité, à titre de dommages-intérêts, en application de l'article 266 du Code civil, l'attribution d'un bien immobilier dépendant de la communauté;
que la cour d'appel a rejeté sa demande ;
Attendu que Mme Y... fait grief à l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors que, selon le moyen, d'une part, la réparation due en application de l'article 266 du Code civil est indépendante des ressources des époux;
qu'en faisant état de ces ressources pour statuer sur la demande de réparation de Mme Y..., les juges du fond ont violé l'article 266 du Code civil;
alors que, d'autre part, la réparation peut prendre la forme d'une réparation en espèces ou en nature;
qu'à ce titre, le juge est légalement autorisé, en réparation du préjudice subi par cet époux, à lui attribuer un bien commun;
qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article 266 du Code civil;
et alors, enfin, que le juge ne peut se fonder sur les droits éventuels des créanciers communs sur le bien en cause, dès lors que l'attribution n'excède pas le préjudice éprouvé et que l'époux demandeur a sollicité que son préjudice soit réparé par l'attribution du bien ;
qu'à cet égard encore, l'arrêt attaqué a été rendu en violation de l'article 1382 du Code civil ;
Mais attendu que la cour d'appel, qui n'a pas dit que le juge n'est pas autorisé à attribuer un bien commun à un époux à titre de dommages-intérêts, a estimé, à supposer que le préjudice subi par Mme Y...-X... soit établi et que cette attribution soit possible, qu'elle ne constituait pas un mode de réparation adéquat compte tenu de l'éventuel exercice, par les créanciers du fonds de commerce des époux placé en liquidation, d'un recours sur le bien commun litigieux ;
D'où il suit que le moyen, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la première branche, n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme Y...-X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Y... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.