AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société York France, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 24 novembre 1995 par la cour d'appel de Rennes (1re chambre, section B), au profit de la société Friga X..., dont le siège est ..., 69740 Genas, défenderesse à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 3 février 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Apollis, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, MM. Grimaldi, Lassalle, Tricot, Badi, Mme Aubert, M. Armand-Prevost, Mme Vigneron, conseillers, Mme Geerssen, M. Rémery, Mme Graff, conseillers référendaires, M. Raynaud, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Apollis, conseiller, les observations de la SCP Tiffreau, avocat de la société York France, de Me Le Prado, avocat de la société Friga X..., les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 24 novembre 1995), que les batteries d'évaporateurs équipant un système de réfrigération qu'elle a achetées ayant présenté des défauts, la société York France (l'acheteur) a assigné en garantie des vices cachés de la chose vendue son fournisseur, la société Friga X... (le vendeur);
que celui-ci a invoqué l'irrecevabilité de l'action estimatoire de l'acheteur, faute par celui-ci de l'avoir exercée dans le bref délai prévu par l'article 1648 du Code civil ;
Attendu que l'acheteur fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette irrecevabilité, alors, selon le pourvoi, d'une part, que, l'imprécision des motifs de l'arrêt infirmatif attaqué ne permet pas de savoir si la cour d'appel a entendu fixer le point de départ du bref délai à la date du dépôt du rapport d'expertise officieux CETIM, soit en février 1988, où à la date de la cessation des négociations amiables, soir en février 1990;
que la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard de l'article 1648 du Code civil;
alors, d'autre part, qu'en déclarant acquis le bref délai au motif que l'acheteur n'avait engagé son action en garantie pour vices cachés saisi qu'en octobre 1992, soit deux ans après la cessation des négociations amiables, en janvier 1990, sans rechercher l'incidence de la procédure de référé-expertise engagée en juin 1990 par l'acheteur, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard des articles 1134, 1648 et 2244 du Code civil;
et alors, enfin, qu'en omettant de rechercher si, comme l'avait fait valoir l'acheteur, la durée des négociations amiables et le nombre des interventions conciliantes du vendeur ne s'analysait pas de la part de cette dernière en une reconnaissance pure et simple de responsabilité ou, à tout moins, en une suspension du bref délai de l'article 1648 du Code civil, voire en une renonciation au bénéfice de celui-ci, la cour d'appel a entaché son arrêt d'un défaut de base légale au regard des articles 1134, 1648 et 2251 du Code civil ;
Mais attendu, en premier lieu, qu'après avoir justement énoncé que le bref délai dans lequel l'action en garantie des vices cachés doit, à peine d'irrecevabilité, être exercée, court à compter du jour de la découverte du vice, l'arrêt retient, que fin février 1988, dès après le dépôt du rapport d'expertise établi le 25 février 1988 à sa demande par le bureau d'études CETIM, l'acheteur a eu connaissance du vice affectant les batteries ;
Attendu, en deuxième lieu, que l'arrêt retient que si le vendeur, qui par son attitude conciliante consistant à remplacer gratuitement, début janvier 1989, une batterie et à s'engager à reprendre les autres, a pu laisser croire qu'une solution amiable était possible bien qu'il n'ait jamais accepté de prendre en charge les frais de remplacement des marchandises, il est apparu qu'à compter de janvier 1990 il n'a plus donné suite aux relances de son acheteur;
que, de ces constatations, la cour d'appel a pu retenir que l'acheteur n'avait pas renoncé à se prévaloir du bref délai prévu par l'article 1648 du Code civil ;
Attendu, enfin, qu'après avoir relaté l'introduction, à la date du 14 juin 1990, par l'acheteur, d'une procédure de référé tendant à la désignation d'un expert, dont le rapport n'a pas apporté d'éléments nouveaux, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de la cause que l'arrêt retient que l'action en garantie des vices cachés n'avait pas été exercée à bref délai le 12 octobre 1992, date de l'assignation au fond délivrée au vendeur par l'acheteur ;
D'où il suit que, manquant en fait en sa première branche, le moyen n'est pas fondé pour le surplus :
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société York France aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes des sociétés York France et Friga X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.