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17/03/1998 | FRANCE | N°95-17466

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 mars 1998, 95-17466


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Baudry, dont le siège est base portuaire, ..., en cassation d'un arrêt rendu le 30 mars 1995 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre, 2ème section), au profit de la société Lambert distribution, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article

L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 3 fé...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Baudry, dont le siège est base portuaire, ..., en cassation d'un arrêt rendu le 30 mars 1995 par la cour d'appel de Versailles (12e chambre, 2ème section), au profit de la société Lambert distribution, dont le siège est ..., défenderesse à la cassation ;

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 3 février 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Apollis, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Apollis, conseiller, les observations de Me Cossa, avocat de la société Baudry et de MM. X... et Y..., ès qualités, de la SCP Delaporte et Briard, avocat de la société Lambert distribution, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Donne acte à MM. X... et Y..., respectivement ès quaités de représentant des créanciers et d'administrateur judiciaire, de leur reprise de l'instance introduite par la société Baudry ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en vertu d'un contrat conclu le 31 décembre 1989, la société Lambert distribution (société Lambert) s'est engagée à acheter annuellement 25 000 tonnes de matériaux à la société Baudry pour un prix déterminé et révisable selon certaines conditions;

que le 10 juillet 1990, les parties ont conclu un avenant ramenant le minimum de commande de la part de la société Lambert à 20 000 tonnes;

que la société Baudry ayant informé la société Lambert d'une modification de tarif à compter du 1er septembre 1991, un litige est né entre ces deux sociétés ;

que la société Baudry, qui a reproché à la société Lambert de ne pas avoir respecté ses engagements, a assigné cette dernière société en résiliation du contrat et en réparation de ses préjudices;

que la société Lambert a contesté les prétentions de la société Baudry et a réclamé la condamnation de celle-ci à lui payer des dommages-intérêts d'un certain montant ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que, la société Baudry fait grief à l'arrêt d'avoir résilié le contrat la liant à la société Lambert à compter du 31 mars 1992 aux torts et griefs partagés des cocontractants, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'il résulte des constatations de l'arrêt que la société Lambert n'a jamais respecté le montant annuel des commandes convenu, et ce, dès avant l'augmentation des tarifs pratiquée par la société Baudry à effet du 1er septembre 1991, et que cette augmentation ne faisait pas obstacle à ce que la société Lambert honorât ses engagements sous réserve de l'application de l'ancien tarif;

qu'il s'en évinçait que la société Lambert avait rompu unilatéralement la convention avant et indépendamment de tout litige sur la tarification;

qu'en déclarant, néanmoins, la convention résiliée aux torts et griefs partagés des parties, la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations, les conséquences légales au regard de l'article 1184 du Code civil qu'elle a ainsi violé;

alors, d'autre part, qu'ayant constaté que la société Lambert avait la possibilité d'honorer ses engagements sous réserve de l'application de l'ancien tarif et que chacune des parties pouvait, pour faire fixer le prix, soit saisir un tiers arbitre, soit en référer en justice, la cour d'appel devait rechercher si la société Baudry n'était pas, en revanche, dans l'impossibilité de contraindre la société Lambert à respecter ses engagements relatifs au montant annuel des commandes et si l'exécution du contrat ne dépendait pas de la bonne foi de la société Lambert dont l'arrêt a expressément relevé la mauvaise foi;

qu'en s'en abstenant, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1184 du Code civil;

et alors, enfin, qu'en affirmant que les objections opposées à la société Baudry par la société Lambert "étaient étayées quant à la tarification de certains produits par rapport au prix du marché comme le montrent les pièces des débats", sans procéder à aucune analyse de celles-ci, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il relève du pouvoir souverain du juge du fond d'apprécier si l'inexécution de certaines des obligations d'un contrat synallagmatique présente une gravité suffisante pour en justifier la résolution ou la résiliation;

qu'après avoir, d'un côté, constaté que la société Baudry avait renégocié le contrat afin de ramener l'obligation de la société Lambert à lui acheter 20 000 tonnes de matériaux à compter du 1er janvier 1991 sans pour autant remettre en cause la première année d'exécution du contrat au cours de laquelle la société Lambert ne lui avait commandé que 18 791 tonnes de matériaux, l'arrêt relève que pour imposer une nouvelle tarification à la société Lambert, la société Baudry a augmenté unilatéralement ses tarifs à compter du 1er septembre 1991 sans respecter la procédure prévue au contrat et fait preuve de mauvaise foi en refusant toute négociation sérieuse et approfondie avec sa cocontractante;

qu'il retient, d'un autre côté, que la société Lambert, qui n'avait pas encore commandé à cette date le montant annuel auquel elle s'était engagée, mais qui était encore dans les délais pour le faire, a profité du comportement de sa cocontractante pour se désengager de ses obligations et cesser progressivement ses approvisionnements, tandis que si elle avait été de bonne foi, elle aurait dû maintenir ses commandes sous réserve que l'ancien tarif soit appliqué;

que de ces constatations et appréciations, c'est souverainement et sans encourir aucun des griefs du moyen, que la cour d'appel a statué ainsi qu'elle a fait;

que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le second moyen :

Vu l'article 1147 du Code civil ;

Attendu que, pour débouter la société Baudry de sa demande tendant à la condamnation de la société Lambert à lui payer une somme d'un certain montant en réparation de ses préjudices, l'arrêt se borne à retenir que les parties qui, de manière équivalente, ont participé par leur attitude fautive à la rupture du contrat, doivent être déboutées de leurs demandes respectives ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si les manquements respectifs des parties à leurs obligations contractuelles avaient causé à chacune d'elles un égal préjudice de nature à entraîner la compensation totale entre les dommages-intérêts auxquels elles pouvaient prétendre réciproquement, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société Baudry de sa demande tendant à la condamnation de la société Lambert à lui payer une somme d'un certain montant en réparation de ses préjudices, l'arrêt rendu le 30 mars 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens ;

Condamne la société Lambert distribution aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 95-17466
Date de la décision : 17/03/1998
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CONTRATS ET OBLIGATIONS - Résolution et résiliation - Appréciation souveraine.

POUVOIRS DES JUGES - Appréciation souveraine - Contrats et obligations - Résiliation et résolution.

RESPONSABILITE CONTRACTUELLE - Dommage - Réparation - Parties dont les fautes sont équivalentes - Compensation entre les dommages-intérêts (non) - Recherche nécessaire de l'égalité des préjudices.


Références :

Code civil 1147 et 1184

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles (12e chambre, 2ème section), 30 mars 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 17 mar. 1998, pourvoi n°95-17466


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:95.17466
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