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17/03/1998 | FRANCE | N°95-15676

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 mars 1998, 95-15676


AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Racine, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 6 avril 1995 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), au profit :

1°/ de M. Bernard Z..., agissant en qualité de liquidateur de M. Y..., demeurant ...,

2°/ de M. Claude X..., pris en sa qualité de liquidateur de la société BBI, demeurant ..., défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'ap

pui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'au...

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Racine, société anonyme, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 6 avril 1995 par la cour d'appel de Versailles (13e chambre), au profit :

1°/ de M. Bernard Z..., agissant en qualité de liquidateur de M. Y..., demeurant ...,

2°/ de M. Claude X..., pris en sa qualité de liquidateur de la société BBI, demeurant ..., défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 3 février 1998, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Lassalle, conseiller rapporteur, Mme Pasturel, MM. Grimaldi, Apollis, Tricot, Badi, Mme Aubert, M. Armand-Prevost, Mme Vigneron, conseillers, Mme Geerssen, M. Rémery, Mme Graff, conseillers référendaires, M. Raynaud, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de M. Lassalle, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société Racine, de Me Blanc, avocat de M. Z..., ès qualités, de Me Choucroy, avocat de M. X..., ès qualités, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué que la société Business Brains industrie (société BBI) a été mise en redressement puis en liquidation judiciaires sans avoir payé le prix d'appareils que lui avait vendus M. Y...;

qu'excipant d'une clause de réserve de propriété, M. Y... a revendiqué ces appareils;

que postérieurement à l'exercice de la revendication, ceux-ci ont été cédés, avec le fonds de commerce, par M X..., liquidateur judiciaire de la société BBI, à la société Racine, l'ordonnance autorisant la vente précisant que l'acquéreur ferait son affaire personnelle de toute action en revendication ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que la société Racine fait grief à l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à M. Z..., ès qualités de liquidateur judiciaire de M. Y... qui, entre-temps, avait lui-même fait l'objet d'une procédure collective, la somme de 734 186,18 francs, alors, selon le pourvoi, d'une part, que la revendication du prix entre les mains du sous-acquéreur n'est qu'un succédané de la revendication en nature lorsque celle-ci est impossible en l'absence de droit de suite contre un sous-acquéreur de bonne foi et laisse place à la revendication en nature lorsque les marchandises se retrouvent au contraire entre les mains d'un sous-acquéreur de mauvaise foi;

qu'en constatant en l'espèce que la société Racine connaissait l'existence de la clause de réserve de propriété et était ainsi un sous-acquéreur de mauvaise foi, de sorte que le vendeur ayant conservé son droit de suite la subrogation réelle ne pouvait jouer, mais en la condamnant, néanmoins, à payer le prix de vente des marchandises revendiquées et en rejetant son offre de restitution, la cour d'appel a violé les articles 121 et 122 de la loi du 25 janvier 1985, alors, d'autre part, que le prix que le vendeur est autorisé à réclamer au sous-acquéreur sur le fondement de l'article 122 de la loi du 25 janvier 1985 a pour mesure la créance du prix de revente des marchandises revendiquées;

qu'en admettant en l'espèce la revendication de la totalité du prix de vente par le vendeur entre les mains du sous-acquéreur sans déterminer au préalable la somme revendicable, c'est-à-dire la part du prix de vente correspondant à la créance du prix de revente, et sans rechercher en particulier si le prix de revente des marchandises inclus dans le prix global d'acquisition du fonds de commerce les comprenant équivalait à la créance réclamée par M. Z..., la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 122 de la loi du 25 janvier 1985, et alors, enfin, que le sous-acquéreur de marchandises vendues avec une clause de réserve de propriété ne peut s'en voir réclamer que le prix qui n'a pas été payé, ni réglé en valeur, ni compensé entre les parties;

qu'en constatant en l'espèce, que les marchandises grevées de la clause de réserve de propriété avaient été cédées avec le fond de commerce de l'acheteur à la société Racine pour un prix global de 1 200 000 francs et en jugeant par ailleurs que le sous-acquéreur de la marchandise vendue avec une clause de réserve de propriété peut s'en voir réclamer le prix puisqu'il n'a pas réglé au débiteur, sans toutefois rechercher si le prix des marchandises revendiquées n'avait pas en réalité été payé par la société Racine au liquidateur de la société BBI comme étant nécessairement compris dans le prix du fonds de commerce dont ces marchandises faisaient partie, la cour d'appel a de plus fort entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article 122 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu, en premier lieu, qu'il ne résulte ni des conclusions, ni de l'arrêt que la société Racine ait soutenu devant la cour d'appel les prétentions contenues dans les première et deuxième branches ;

Attendu, en second lieu, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, que la cour d'appel a estimé que la société Racine avait pris l'engagement de payer le prix des appareils vendus avec réserve de propriété, en sus du prix d'acquisition du fonds ;

D'où il suit qu'irrecevable comme nouveau et mélangé de fait et de droit en ses deux premières branches, le moyen est, pour le surplus, mal fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la société Racine fait aussi grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande en garantie contre M. X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société BBI, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le liquidateur a l'obligation, lorsqu'il procède dans le cadre d'un plan de cession des actifs de l'entreprise, à la cession de marchandises revendiquées en vertu d'une clause de réserve de propriété, d'en payer le prix ou de le garantir et engage, à défaut, sa responsabilité;

que la cour d'appel a relevé en l'espèce que les marchandises litigieuses existaient en nature au jour de l'ouverture de la procédure collective et qu'antérieurement à la cession des actifs de la société BBI, intervenue par acte du 29 avril 1991, le procès-verbal d'inventaire avec prisée du 3 janvier 1991 faisait expressément état de la revendication des marchandises par M. Y..., de sorte, que M. X... ne pouvait procéder à la cession des marchandises revendiquées sans en payer la valeur sauf à engager sa responsabilité personnelle;

qu'en écartant, néanmoins sa garantie, la cour d'appel n'a pas tiré de ses constatations les conséquences légales qui en résultaient au regard des articles 1382 du Code civil et 121 de la loi du 25 janvier 1985, et alors, d'autre part, que lorsque le prix de marchandises revendiquées a été versé par le sous-acquéreur entre les mains du liquidateur, celui-ci ne détient les sommes ainsi encaissées qu'à titre précaire, comme étaient détenues les marchandises auxquelles succède la créance du prix, et est comptable envers le vendeur des deniers reçus ;

qu'en mettant hors de cause M. X..., ès qualités de liquidateur de la société BBI, sans toutefois rechercher si le prix de cession des actifs comprenant le prix des marchandises revendiquées n'avait pas été versé entre ses mains par la société Racine, de sorte qu'il était désormais débiteur à l'égard de M. Y... des deniers reçus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 121 et 122 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Mais attendu que la responsabilité éventuelle, vis-à-vis du vendeur initial, du liquidateur judiciaire qui a cédé des marchandises faisant l'objet d'une clause de réserve de propriété, postérieurement à l'ouverture de la procédure collective et de l'exercice de l'action en revendication, ne libère pas le sous-acquéreur de son obligation de payer le prix convenu dans l'acte de cession;

que, c'est donc à bon droit, que la cour d'appel, ayant souverainement estimé que le prix des marchandises n'était pas compris dans le prix de vente du fonds, a débouté la société Racine de sa demande en garantie contre le liquidateur;

que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que la cour d'appel a condamné la société Racine à payer à M. Z..., ès qualités, la somme de 10 000 francs à titre de dommages et intérêts, en sus de celle de 75 000 francs déjà allouée, à ce titre, par le Tribunal ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans constater l'existence d'une faute et d'un lien de causalité entre celle-ci et le préjudice allégué, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il a condamné la société Racine à payer à M. Z..., ès qualités de représentant des créanciers et de liquidateur judiciaire de M. Y..., la somme de 10 000 francs à titre de dommages et intérêts, en sus de ceux déjà alloués, l'arrêt rendu le 6 avril 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles;

remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen ;

Condamne MM. Z... et X..., ès qualités aux dépens ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 95-15676
Date de la décision : 17/03/1998
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE (loi du 25 janvier 1985) - Liquidation judiciaire - Liquidateur - Revendication - Cession d'un bien faisant l'objet d'une clause de réserve de propriété - Obligation du sous-acquéreur.


Références :

Loi 85-98 du 25 janvier 1985 art. 121 et 122

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles (13e chambre), 06 avril 1995


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 17 mar. 1998, pourvoi n°95-15676


Composition du Tribunal
Président : Président : M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1998:95.15676
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