AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Groupement les assurances nationale GAN Incendie Accidents, dont le siège est ..., en cassation d'un arrêt rendu le 10 octobre 1995 par la cour d'appel de Paris (18e chambre, section A), au profit de M. Jean-Pierre X..., demeurant ..., défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 28 janvier 1998, où étaient présents : M. Merlin, conseiller le plus ancien faisant fonctions de président, M. Texier, conseiller rapporteur, M. Lanquetin, conseiller, Mme Trassoudaine-Verger, M. Besson, conseillers référendaires, M. de Caigny, avocat général, Mme Marcadeux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Texier, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, avocat de la compagnie GAN Incendie Accidents, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de M. X..., les conclusions de M. de Caigny, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que M. X... a été engagé le 27 mai 1976 par le GAN en qualité d'inspecteur cadre commissionné;
qu'en mars 1981, il devint inspecteur divisionnaire et ne fut plus commissionné à compter du 1er avril 1981;
qu'il démissionna le 2 juin 1986 et, qu'estimant n'avoir pas obtenu la régularisation de commissions qui lui étaient dues, il saisit la juridiction prud'homale en paiement de sommes à ce titre ;
Sur le premier moyen :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 10 octobre 1995) d'avoir dit recevable la demande du salarié en paiement d'un rappel de commissions pour la période antérieure au 31 mars 1981 ;
alors, selon moyen, que la prescription prévue à l'article 2277 du Code civil en matière de paiement de salaire n'est pas subordonnée à une condition de fixité de la créance;
qu'en constatant que les commissions dues à M. X... présentaient le caractère de créances périodiques, tout en jugeant que l'action en paiement de ces commissions n'était pas soumise à prescription, la cour d'appel a violé les articles L. 143-13 du Code du travail et 2277 du Code civil, alors qu'en tout état de cause, la prescription quinquennale s'applique aux créances dont le salarié pouvait connaître, lors de chaque échéance périodique, les éléments permettant d'en déterminer le montant;
qu'en se bornant à énoncer que les commissions litigieuses dépendaient de conditions indépendantes de la volonté du salarié, sans préciser ce qui empêchait ce dernier, à chaque fin d'exercice, de demander à son employeur qu'il lui indique le montant des primes que celui-ci avait encaissées au cours de cet exercice et d'exiger le paiement des commissions qui lui revenaient de ce chef, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés;
alors, qu'en laissant sans réponse le moyen des écritures du GAN qui faisait valoir que le contrat de M. X... lui imposait des objectifs de production annuels de 1 000 000 francs de primes nettes dans les branches incendie accident et risques divers (IARD), de sorte qu'un compte des primes était nécessairement arrêté chaque année et porté à la connaissance du salarié, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la prescription quinquennale ne s'applique pas lorsque la créance, même périodique, dépend d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et qui, en particulier, doivent résulter des déclarations que le débiteur est tenu de faire ;
Attendu, qu'en relevant que le calcul des commissions dues impliquait la comptabilisation, la régularisation des affaires réalisées, le paiement des primes, tous éléments inconnus du salarié dont la mission n'était pas de conclure directement avec les souscripteurs des contrats, la cour d'appel a, sans encourir les griefs des moyens légalement justifié sa décision ;
Sur le second moyen :
Attendu que l'employeur fait encore grief à l'arrêt de l'avoir condamné à payer à M. X... une somme à titre de solde de commissions dues jusqu'au 31 mars 1981;
alors, selon le moyen, qu'en affirmant que M. X... "justifiait de la négociation de contrats types avec les syndicats SEDIMA DLR-SMS, FIN, CNCR, FEMETEC, POINTS 5, sans préciser les éléments de preuve produits aux débats, d'où il ressortait que le salarié avait effectivement négocié ces contrats, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile;
alors qu'une mesure d'instruction n'est pas destinée à suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve;
qu'en déclarant que faute de preuve contraire apportée par le GAN, M. X... devait être cru sur son affirmation, sans constater que les chiffres de cotisations dont il faisait état étaient corroborés par des indices ou commencement de preuve sérieux, la cour d'appel a violé l'article 146 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que, sous couvert de griefs infondés de défaut de motivation et de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion, devant la Cour de Cassation, les éléments de fait et de preuve souverainement appréciés par les juges du fond ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société GAN Incendie Accidents aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société GAN Incendie Accidents à payer à M. X... la somme de 12 000 francs ;
Vu l'article 628 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du onze mars mil neuf cent quatre-vingt-dix-huit.